Séoul, 1993. Un ancien
officier est engagé par les services secrets sud-coréens sous le nom de code
"Black Venus". Chargé de collecter des informations sur le programme
nucléaire en Corée du Nord, il infiltre un groupe de dignitaires de Pyongyang
et réussi progressivement à gagner la confiance du Parti. Opérant dorénavant en
autonomie complète au coeur du pays le plus secret et le plus dangereux au
monde, l’espion "Black Venus" devient un pion dans les tractations
politiques entre les gouvernements des deux Corées. Mais ce qu’il découvre
risque de mettre en péril sa mission et ce pourquoi il a tout sacrifié.
The Spy gone north
témoigne d’un déplacement thématique du cinéma coréen contemporain. Toute une
vague de films coréens des années 2000/2010 évoquaient ainsi le traumatisme de
l’occupation du pays par le Japon entre 1903 et 1945 avec des titres comme Age of Shadows (2016) notamment. Mademoiselle de Park Chan Wook (2016) ou
Battleship Island de Ryoo Seung-wan
(2017) tout en traitant de cette période avaient par le souffle romanesque et
charnel du premier, et le souffle épique du second, déplacés l’approche de la
seule facette politico-historique. Si des films sur le sujet seront encore
produits en Corée du sud, les deux œuvres marquent une rupture qui permet de
passer à autre chose. La tumultueuse histoire sud-coréenne récente a donc donné
les remarquables A Taxi Driver de
Jang Hun (2017) et 1987 : When the day comes de Joon-Hwan Jang (2017), fresques
traitant des maux et du vacillement du régime militaire des années 80.
Dans cette lignée The
Spy gone north aborde donc une histoire secrète d’une période proche et
encore peu abordée au cinéma avec un récit débutant en 1995. C’est à ce moment
que l’espion Park Suk-young alias Black Venus (Hwang Jeong-min) doit mener une
mission d’infiltration en Corée du nord afin d’obtenir des infos sur leur
programme militaire. L’approche consistera en la possibilité d’un lucratif spot
publicitaire mettant en valeur le pays et où notre espion se façonnera un
truculent alter-ego à la gouaille enlevée de camelot. Le jeu de dupe nous
emmène ainsi dans les arcanes du très secret pouvoir nord-coréen mené par Kim
Jong-il (Ki Joo-bong), père de l’actuel Kim Jong-un. Tous les grands films
d’espionnage sont ceux qui parviennent à déterminer une zone grise quant à
l’enjeu politique initial et aux entités opposées en place. Dans The Spy gone north, cette zone grise se
dessine par le motif du double et qui sous la différence constitue le revers
d’une même pièce.
Le ridicule des poses de Kim Jong-il répond ainsi aux
hiératiques hautes sphères sud-coréennes qui se rejoignent mais au fil des
révélations les blocs supposément opposés trouvent leur compte dans le conflit.
Ce double regard s’étend à ce que l’on découvre du sort des peuples, affamés
dans la tyrannie nord-coréenne et manipulés dans la dictature sud-coréenne plus
insidieuse. Les deux camps s’instrumentalisent et se maintiennent par la peur
savamment maintenue dans le discours. L’humain s’invite pourtant dans cette
même figure du double à travers les hommes de bonne volonté. Notre espion est
guidé par de nobles intentions et va trouver son équivalent au nord avec le
directeur Ri Myong-un (Lee Sung-min).
Là encore la différence entre le bagout
de Park Suk-young et la raideur de Ri Myong-un cache en fait une volonté
commune de rapprocher les deux peuples et d’améliorer leurs conditions. Les
personnages se heurtent à un pouvoir bouffon et/ou glacial dont la nature
néfaste est illustrée de manière explicite par le réalisateur, tandis qu’à l’inverse
la complicité, les desseins bienveillants et ce que décèle l’un sur l’autre
passe par de captivants non-dits, dialogues à double sens et jeu de regard. Les
jeux d’espions existent ainsi dans The Spy gone north pour dessiner un
rapprochement intellectuel et humaniste quand les vertus plus purement
manipulatrices sont l’apanage de dialogues et actes démonstratifs (notamment
les conflits militaires montés de toutes pièces). The Spy gone north
est une œuvre captivante et un des très grands films d’espionnages
contemporain.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Metropolitan
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