Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

dimanche 14 avril 2019

The Spy gone north - Gongjak, Yoon Jong-bin (2018)


Séoul, 1993. Un ancien officier est engagé par les services secrets sud-coréens sous le nom de code "Black Venus". Chargé de collecter des informations sur le programme nucléaire en Corée du Nord, il infiltre un groupe de dignitaires de Pyongyang et réussi progressivement à gagner la confiance du Parti. Opérant dorénavant en autonomie complète au coeur du pays le plus secret et le plus dangereux au monde, l’espion "Black Venus" devient un pion dans les tractations politiques entre les gouvernements des deux Corées. Mais ce qu’il découvre risque de mettre en péril sa mission et ce pourquoi il a tout sacrifié.

The Spy gone north témoigne d’un déplacement thématique du cinéma coréen contemporain. Toute une vague de films coréens des années 2000/2010 évoquaient ainsi le traumatisme de l’occupation du pays par le Japon entre 1903 et 1945 avec des titres comme Age of Shadows (2016) notamment. Mademoiselle de Park Chan Wook (2016) ou Battleship Island de Ryoo Seung-wan (2017) tout en traitant de cette période avaient par le souffle romanesque et charnel du premier, et le souffle épique du second, déplacés l’approche de la seule facette politico-historique. Si des films sur le sujet seront encore produits en Corée du sud, les deux œuvres marquent une rupture qui permet de passer à autre chose. La tumultueuse histoire sud-coréenne récente a donc donné les remarquables A Taxi Driver de Jang Hun (2017) et  1987 : When the day comes de Joon-Hwan Jang (2017), fresques traitant des maux et du vacillement du régime militaire des années 80. 

Dans cette lignée The Spy gone north aborde donc une histoire secrète d’une période proche et encore peu abordée au cinéma avec un récit débutant en 1995. C’est à ce moment que l’espion Park Suk-young alias Black Venus (Hwang Jeong-min) doit mener une mission d’infiltration en Corée du nord afin d’obtenir des infos sur leur programme militaire. L’approche consistera en la possibilité d’un lucratif spot publicitaire mettant en valeur le pays et où notre espion se façonnera un truculent alter-ego à la gouaille enlevée de camelot. Le jeu de dupe nous emmène ainsi dans les arcanes du très secret pouvoir nord-coréen mené par Kim Jong-il (Ki Joo-bong), père de l’actuel Kim Jong-un. Tous les grands films d’espionnage sont ceux qui parviennent à déterminer une zone grise quant à l’enjeu politique initial et aux entités opposées en place. Dans The Spy gone north, cette zone grise se dessine par le motif du double et qui sous la différence constitue le revers d’une même pièce.

Le ridicule des poses de Kim Jong-il répond ainsi aux hiératiques hautes sphères sud-coréennes qui se rejoignent mais au fil des révélations les blocs supposément opposés trouvent leur compte dans le conflit. Ce double regard s’étend à ce que l’on découvre du sort des peuples, affamés dans la tyrannie nord-coréenne et manipulés dans la dictature sud-coréenne plus insidieuse. Les deux camps s’instrumentalisent et se maintiennent par la peur savamment maintenue dans le discours. L’humain s’invite pourtant dans cette même figure du double à travers les hommes de bonne volonté. Notre espion est guidé par de nobles intentions et va trouver son équivalent au nord avec le directeur Ri Myong-un (Lee Sung-min). 

Là encore la différence entre le bagout de Park Suk-young et la raideur de Ri Myong-un cache en fait une volonté commune de rapprocher les deux peuples et d’améliorer leurs conditions. Les personnages se heurtent à un pouvoir bouffon et/ou glacial dont la nature néfaste est illustrée de manière explicite par le réalisateur, tandis qu’à l’inverse la complicité, les desseins bienveillants et ce que décèle l’un sur l’autre passe par de captivants non-dits, dialogues à double sens et jeu de regard. Les jeux d’espions existent ainsi dans The Spy gone north pour dessiner un rapprochement intellectuel et humaniste quand les vertus plus purement manipulatrices sont l’apanage de dialogues et actes démonstratifs (notamment les conflits militaires montés de toutes pièces). The Spy gone north est une œuvre captivante et un des très grands films d’espionnages contemporain. 

 Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Metropolitan

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire