Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 27 avril 2019

Talons aiguilles - Tacones lejanos, Pedro Almodóvar (1991)


Quand, après des années d'absence, Becky Del Paramo, célèbre chanteuse pop des années 1960, rentre à Madrid, c'est pour trouver sa fille, Rebecca, mariée à un de ses anciens amants, Manuel. Becky comprend vite que le mariage de Rebecca est un naufrage surtout quand Manuel lui propose de reprendre leur ancienne relation. Une nuit, Manuel est assassiné.

Après le film charnière qu’était Attache-moi (1990), Pedro Almodovar amorce sa mue vers un cinéma moins explicitement tapageur et excentrique pour s’orienter vers le mélodrame pur. Cela se vérifie dans le traitement et le ton plus sobre qu’auparavant, c’est moins vrai pour ce qui est de l’intrigue extrêmement dense qui entoure cette relation mère/fille conflictuelle. Un magistral flashback introductif anticipe le drame à venir en observant l’incompatibilité affective entre Rebecca (Victoria Abril) en quête d’attention d’une mère (Marisa Paredes)  artiste star et donc porté par un égoïsme et narcissisme qui sied mal à une vie de famille. Rebecca dès sa tendre enfance est littéralement prête à tout pour s’attacher l’attention de Becky plus préoccupée par sa vie professionnelle et amoureuse  trépidante.

Les retrouvailles avec une Rebecca désormais adulte rejoue cette partition de façon différentes. On retrouve ce décalage dans les attitudes et les regards chargés d’attente de Rebecca tandis que Becky ne semble pas s’être délestée de sa superficialité. L’enjouement presque forcé, les environnements bariolés tant dans les décors que les tenues et situations (le spectacle travesti) témoignent d’un monde factice où cette relation dysfonctionnelle ne s’est pas résolue. Les amants/époux de sa mère étaient pour Rebecca enfant des obstacles à éliminer pour s’accaparer son attention, et à l’âge adulte un « trophée » palliatif face à l’absence/indifférence de celle-ci. Ce n’est plus l’enfant et l’homme de passage qui sont désormais rivaux, mais la mère et la fille pour un crime insoluble dont on s’interroge de la nature sacrificielle et/ou vengeresse. 

Du coup tant que l’on reste au cœur de la complexité de ce lien mère/fille, le film passionne et Victoria Abril/Marisa Paredes sous l’excès font preuve de suffisamment de finesse pour questionner quant aux motivations profonde de leurs actes - notamment quant elles passent par un média "scénique" ou télévisuel, voire des chansons pour s'adresser l'une à l'autre indirectement. Almodovar dans un traitement jouant sur l’émotion plus que sur un vague suspense policier capture ainsi l’idée d’une figure affective fantôme et insaisissable (notamment via le personnage de l’assistante sociale, ou des deux lesbiennes en prison) que représente symboliquement le travesti Letal (Miguel Bosé) et ses avatars dont l’identité se devine assez facilement. 

L’idée est belle mais a tout de même du mal à se greffer (ou met trop de temps à faire sens avec) à la trame principale et semble constituer un film parallèle, bien mené certes mais qui nous éloigne u cœur du récit. C’est dans les dernière minutes une fois les mystères cruciaux comme plus anodins résolus que l’émotion peut enfin pleinement se déployer, Rebecca et Becky réussissant à exprimer un amour réciproque et sans fard. La rancœur, les égos et la rivalité n’ont plus cours dans le superbe plan final où se confond l’étreinte des premières et des dernières fois. 

Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo

 

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