Quand, après des
années d'absence, Becky Del Paramo, célèbre chanteuse pop des années 1960,
rentre à Madrid, c'est pour trouver sa fille, Rebecca, mariée à un de ses
anciens amants, Manuel. Becky comprend vite que le mariage de Rebecca est un
naufrage surtout quand Manuel lui propose de reprendre leur ancienne relation.
Une nuit, Manuel est assassiné.
Après le film charnière qu’était Attache-moi (1990), Pedro Almodovar amorce sa mue vers un cinéma
moins explicitement tapageur et excentrique pour s’orienter vers le mélodrame
pur. Cela se vérifie dans le traitement et le ton plus sobre qu’auparavant, c’est
moins vrai pour ce qui est de l’intrigue extrêmement dense qui entoure cette
relation mère/fille conflictuelle. Un magistral flashback introductif anticipe
le drame à venir en observant l’incompatibilité affective entre Rebecca
(Victoria Abril) en quête d’attention d’une mère (Marisa Paredes) artiste star et donc porté par un égoïsme et
narcissisme qui sied mal à une vie de famille. Rebecca dès sa tendre enfance
est littéralement prête à tout pour s’attacher l’attention de Becky plus
préoccupée par sa vie professionnelle et amoureuse trépidante.
Les retrouvailles avec une Rebecca désormais adulte rejoue
cette partition de façon différentes. On retrouve ce décalage dans les
attitudes et les regards chargés d’attente de Rebecca tandis que Becky ne
semble pas s’être délestée de sa superficialité. L’enjouement presque forcé,
les environnements bariolés tant dans les décors que les tenues et situations
(le spectacle travesti) témoignent d’un monde factice où cette relation
dysfonctionnelle ne s’est pas résolue. Les amants/époux de sa mère étaient pour
Rebecca enfant des obstacles à éliminer pour s’accaparer son attention, et à l’âge
adulte un « trophée » palliatif face à l’absence/indifférence de
celle-ci. Ce n’est plus l’enfant et l’homme de passage qui sont désormais
rivaux, mais la mère et la fille pour un crime insoluble dont on s’interroge de
la nature sacrificielle et/ou vengeresse.
Du coup tant que l’on reste au cœur de la complexité de ce
lien mère/fille, le film passionne et Victoria Abril/Marisa Paredes sous l’excès
font preuve de suffisamment de finesse pour questionner quant aux motivations
profonde de leurs actes - notamment quant elles passent par un média "scénique" ou télévisuel, voire des chansons pour s'adresser l'une à l'autre indirectement. Almodovar dans un traitement jouant sur l’émotion plus
que sur un vague suspense policier capture ainsi l’idée d’une figure affective
fantôme et insaisissable (notamment via le personnage de l’assistante sociale, ou des deux lesbiennes en prison)
que représente symboliquement le travesti Letal (Miguel Bosé) et ses avatars
dont l’identité se devine assez facilement.
L’idée est belle mais a tout de
même du mal à se greffer (ou met trop de temps à faire sens avec) à la trame
principale et semble constituer un film parallèle, bien mené certes mais qui
nous éloigne u cœur du récit. C’est dans les dernière minutes une fois les
mystères cruciaux comme plus anodins résolus que l’émotion peut enfin
pleinement se déployer, Rebecca et Becky réussissant à exprimer un amour
réciproque et sans fard. La rancœur, les égos et la rivalité n’ont plus cours
dans le superbe plan final où se confond l’étreinte des premières et des
dernières fois.
Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo
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