Actrice de doublage, Pepa vient de se faire plaquer par son amant et partenaire, Iván. Elle met le feu à son lit, pile des somnifères dans le gaspacho et… coup de sonnette : le propre fils d’Iván et sa fiancée, Marisa, viennent visiter l’appartement. Coup de sonnette : Candela, une amie, débarque, affolée — son dernier béguin, un terroriste, doit faire sauter un avion, justement celui que va prendre Iván avec sa nouvelle maîtresse. Coup de sonnette : Lucía, la femme d’Iván, surgit avec un revolver.
Femmes au bord de la crise de nerf est le film de la reconnaissance internationale pour Pedro Almodovar. Après une série de films plutôt sombres (Matador (1985), La Loi du désir (1986)), il s’agit du vrai virage d’Almodovar vers la comédie plus grand public, la provocation d’antan se faisant plus accessible, ce que confirmera Attache-moi ! (1989) qui suivra. Le film est un vaudeville moderne qui transpose librement la pièce de 1930 La Voix humaine de Jean Cocteau qui suivait le monologue téléphonique d’une femme délaissée par son amant. Almodovar reprend ce postulat à travers le personnage de Pepa (Carmen Maura), fraîchement quittée par Ivan (Fernando Guillén), ce dont lle ne se remet pas notamment lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte.
Cherchant désespérément à joindre Ivan au téléphone, Pepa en apprend peu à peu sur la veulerie de celui qui partagea sa vie et qu’elle connaît en fait si mal. Les communications téléphoniques infructueuses constituent un fil rouge qui va introduire tous les principaux personnages et amorcer les quiproquos. Chaque figure féminine est également une victime de la tromperie des hommes, que ce soit l’ex-femme d’Ivan Lucia (Julieta Serrano), partagée entre jalousie et désir de vengeance, son amie Candela (María Barranco) séduite à son insu par des terroristes chiites (péripéties improbable pourtant inspirée de la vraie mésaventure d’une amie d’Almodovar).On apprécie la mécanique du vaudeville qui dans un mouvement harmonieux conduit à la réunion de tous les protagonistes dans la demeure de Pepa, mais aussi la manière dont certains éléments en amont serviront le comique plus tard (le gaspacho gorgé de somnifère). Almodovar travaille le motif du faux-semblant à travers le métier de doubleuse de Pepa et ainsi le mensonge se devine et s’anticipe par une inflexion de voix. La dimension référentielle hollywoodienne si chère au réalisateur s’immisce là par l’usage d’un extrait du Johnny Guitar (1954), Pepa doublant Joan Fontaine se posant en équivalent réel de l’incandescente héroïne de Nicholas Ray. Si le portrait de chaque héroïne fonctionne et émeut pris à part (Maria Barranco à fleur de peau est excellente) et ce même dans l’hystérie, un certain manque de liant empêche le comique et le mélo de fonctionner pleinement. Le château de carte du vaudeville savamment construit ne permet pas à l’emphase du rire ou de l’émotion de s’épanouir dans les situations et ce sont les actrices par leur énergie et abandon qui tiennent le film à bout de bras, Carmen Maura en tête. Almodovar peaufine encore sa formule qui sera parfaitement huilée dans Attache-moi, mais on décèle déjà les qualités des films suivants notamment l’utilisation remarquable du décor qui anticipe beaucoup ce qu’il fera dans Kika (1993) notamment.Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez TF1 vidéo
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