Séparés après la rupture de leurs parents, un frère et une sœur rassemblent leurs souvenirs.
Murmur of the Hearts voit Sylvia Chang revenir à la réalisation après un hiatus de 6 ans et son Run Papa Run (2008). C'est également une forme de retour à ces racines taïwanaises avec un récit qui explore, la veine romantique en moins, le thème de la nostalgie, du déracinement et de la quête d'identité qui coure dans nombre de ces films. On va y suivre trois personnages qui dans leur enfance ont vécu un déracinement géographique et intime dont ils ne se sont jamais vraiment remis. La trame principale tourne autour de Mei (Isabella Leong) et Nan (Lawrence Ko), deux frères et sœur séparés dans leur enfance par le départ de leur mère qui quitta le foyer familial avec Mei, laissant Nan avec son père. Désormais adultes, Mei et Nan sont hantés par ce passé et cette déchirure, ce qui les empêche de construire un présent solide. La mort prématurée de sa mère et l'impossibilité de retrouver sa famille a fait de Mei une personnalité instable quand Nan se réfugie dans le travail et une existence solitaire. Mei artiste tourmentée s'accroche et fuit à la fois son petit ami boxeur Hsiang (Joseph Chang), lui-même engagé dans cette voie sportive en souvenir de son père disparu durant son enfance.Le film alterne atmosphères réalistes où l'on suit les errances urbaines et naturalistes des personnages avec un onirisme prononcé, entre rêveries et souvenirs. Cela se rattache autant aux moments heureux que douloureux de cette petite enfance où ils ont brièvement formé une famille. Selon la bascule de point de vue du frère à la sœur les sentiments sont très différents., appuyant la perte de repères, le déracinement et le ressentiment envers sa mère pour Mei. Nan est lui plus serein (mais aussi prisonnier) dans ses racines géographiques au sein de cette Green Island (petite île volcanique de l’océan Pacifique à environ 33 kilomètres au large de la côte orientale de Taïwan) mais rongé par le sentiment que si sa mère s'est jadis enfuie avec sa sœur mais sans lui, c'est parce qu'elle l'aimait moins.L'aspect lumineux et positifs de ces envolées unit justement ces rattachements intimes et géographiques à travers l'imagerie foisonnante de Green Island, bercée d'une aura féérique et mythologique par les histoires de sirènes que contait leur mère à Mei et Nan. La caméra de Sylvia Chang se fait alors à fleur de peau pour capturer les sensations des enfants émerveillés par les petites choses simples de la faune de l'île, et captivés par l'aura luxuriante que confère les mots de leur mère à cet environnement. On passe de l'infiniment petit où les enfants s'attardent sur un petit poisson qu'ils vont rejeter à la mère, puis à l'immensité qu'autorise l'imaginaire avec une caméra libre de toute entraves qui s'engouffre dans les profondeurs de l'océan puis s'élève et se perd dans le ciel et ses nuages. Le personnage de Hsiang amène une approche plus terre à terre mais tout aussi poignante dans son parcours cabossé de boxeur mais pour lui aussi, la rédemption se jouera entre le flashback réaliste et l'illumination sous forme de d'hallucination dans un cadre naturel où il règle à son tour ses comptes avec son père disparu. Une nouvelle fois on peut constater la place centrale de Sylvia Chang dans le cinéma chinois et taïwanais. Les problématiques de déracinements, de nostalgie d'un lieu et d'une époque sont au cœur des premiers films de Hou Hsiao Hsien mais la réalisatrice les réinterprète à l'aune des problématiques de la jeunesse actuelle. L'arrière-plan politique s'estompe pour renouer avec les thèmes féministes de Sylvia Chang, questionnant la maternité et expliquant sans justifier la décision dramatique de la mère fuyant un époux violent. Sylvia Chang annonce également les échappées introspectives et oniriques de Bi Gan le temps d'une scène magistrale. Nan échoué dans un bar de nuit s'endort et rêve qu'il est de retour sur les lieux de son enfance où il se revoit avec sa sœur et a l'occasion sous sa forme adulte d'échanger avec sa mère qui ignore son identité. L'atmosphère de rêve éveillé, la photo aux teintes ocres de Leung Ming-kai qui façonne un écrin à la fois étrange et intime ainsi que la conversation faussement simple entre la mère et le fils adulte façonnent un moment sobre, bouleversant et stylisé. On peut vraiment y voir là une ébauche de la fameuse grande séquence en 3D de Un Grand voyage vers la nuit de Bi Gan (2018) dans lequel joue justement Sylvia Chang (et qu'elle produit, à vérifier), ce qui exprime une vraie continuité et influence de celle-ci. La narration multiplie les échos temporels, sonores et formels jusqu'aux attendues retrouvailles finales qui expriment dans ce même équilibre entre retenue et lyrisme toute la sensibilité que dégage le film.
Sorti en dvd et bluray chinois et doté de sous-titres anglais
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