Pour lutter contre la
surpopulation, des scientifiques mettent au point un processus permettant de
réduire les humains à une taille d’environ 12 cm : le "downsizing".
Chacun réalise que réduire sa taille est surtout une bonne occasion d’augmenter
de façon considérable son niveau de vie. Cette promesse d’un avenir meilleur
décide Paul Safranek et sa femme à
abandonner le stress de leur quotidien à Omaha (Nebraska), pour se lancer dans
une aventure qui changera leur vie pour toujours.
Le cinéma d’Alexander Payne a toujours excellé à poser un
regard à la fois tendre et mordant sur ses contemporains, mais jusqu’ici
toujours dans un contexte réaliste tout au long de ses sept films. Le genre et
l’argument sont nettement plus extraordinaires avec ce Downsizing, projet SF qui constitue son plus gros budget à ce jour.
L’histoire dépeint de nos jours la révolution quotidienne d’une trouvaille
scientifique, le « downsizing » permettant de réduire l’échelle d’un
être humain à douze centimètre. L’idée des créateurs est au départ pétrie
de bonnes intentions avec une population miniaturisée consommant et exploitant
moins les ressources de la planète. Dans la réalité le procédé va surtout
nourrir les fantasmes capitalistes de la classe moyenne puisque leur revenu en fait
des nantis pouvant vivre aisément et sans travailler dans le monde miniature.
La narration ancre de façon à la fois ludique et crédible le
principe dans le réel à travers une première partie qui, de la découverte
scientifique à sa révélation au monde puis aux premières colonies humaines rend
l’incroyable tangible. Le quotidien modeste de Paul Safranek (Matt Damon) est
ainsi illuminé au fil des années par la prouesse dont chaque avancée
extraordinaire trouve son contrepoint terre à terre dans la situation où notre
héros y assiste : soignant sa mère malade, dans son lieu de travail où au
sein de son couple terne. Les écrans de télévision où le phénomène s’observe de
loin laisse place à un extraordinaire « ordinaire » lorsqu’un ancien
camarade de classe arrive « miniaturisé » à une réunion d’ancien
élève. Cette construction et les dialogues faussement anodins mais révélateurs
(Paul simple ergothérapeute a abandonné ses études de médecine pour s’occuper
de sa mère) expriment dont l’insatisfaction de Paul et la manière dont s’infuse
l’idée dans son esprit et la façon dont elle pourrait résoudre ces tracas
financiers. Là encore légèreté et réalisme orne le parcours à la fois
administratif, intime (la séparation avec l’entourage et la famille) et
biologique avec l’expérience dépeinte rigoureusement mais dont le détail crée
un habile décalage (la salle de downsizing ressemblant à un micro-onde géant).
Pourtant le rêve tournera court quand l’épouse (Kristen
Wiig) reculera à la dernière minute le laissant seul dans sa nouvelle vie
lilliputienne. C’est là que Alexander Payne opère une surprenante rupture de
ton où la quête existentielle de Paul prend le pas sur la satire. Le scénario
révèle ainsi les failles du downsizing imprégné par l’imperfection et les maux
bien humains qu’on apprend là encore en filigrane avant qu’ils nous rattrapent
sans prévenir. L’invention sert autant les démunis (les migrants passant plus
facilement aux USA réduits) que les tyrans (une réduction de taille comme
ultime peine des dissident) et place une nouvelle fois notre héros en parallèle
solitaire d’un monde où se rejoue les même inégalités. Les riches miniaturisés
se perdent ainsi dans une vie oisive et sans vrai but quand les pauvres
survivent et tentent de garder espoir. Plus le film avance et plus Alexander
Payne abandonne les effets de perspective et d’échelle les plus impressionnant
sauf quand ils font sens telle la sortie de la ville riche pour entrer dans le
quartier pauvre, où l’arrivée avec une rose géante de Paul lors d’une scène de
fête.
Le cadre confiné étant sécurisé, le réalisateur s’abstient des moments
spectaculaires des autres films reposant sur ce postulat (l’affrontement avec
insecte géant et autres joyeusetés bien connu dans L’Homme qui rétréci de Jack Arnold (1957) ou Chérie j’ai rétréci les gosses de Joe Johnston (1989)) et ne s’y
laisser aller qu’à des fins poétique comme le final et son apparition de
papillon. Cet univers est un lieu d’oubli dans le détachement festif représenté
par le voisin que joue Christopher Waltz, mais également dans la résignation
tranquille de Ngoc Lan Tran (Hong Chau) jeune femme revenue de tout (prison,
torture et miniaturisation forcée dans son pays). Cet équilibre délicat entre
tendresse et ironie typique de Payne s’exprime parfaitement dans la
caractérisation de ces deux personnages. L’humour fait passer l’égoïsme assumer
du truculent Christopher Waltz quand le côté pince sans rire de Ngoc Lan Tran
(et un anglais limité amenant à une verbalisation directe et sans afféteries de
ses émotions) prête à rire malgré sa vie sinistre.
La mise en scène de Payne oppose ainsi les intérieurs vaste,
cossus et aseptisé des riches avec les visions grouillantes, ample et
multiethnique des démunis. Paul s’y immerge, tente d’aider les uns et les
autres mais demeure un observateur ce qui permet à Payne d’éviter un
manichéisme malvenu notamment à scrutant la fièvre religieuse des pauvres. Le
lien intime conte plus que l’idéologie et l’utopie quelle qu’elle soit, le
rapport que noue Paul avec Ngoc Lan Tran et les gens qu’il secoure modestement
transcendant le fantasme capitaliste vain initial mais aussi celui écolo alarmiste
et sectaire de la communauté rencontrée dans la dernière partie. Paul se perd
ainsi entre une « tranquillité » capitaliste égoïste et une supposée
destinée chez les illuminés du final, Payne s’amusant des codes de ces
communautés hippies (Matt Damon en toge jouant du djembé).
Dans une vie
terrestre touchant à sa fin, le seul choix de l’homme serait donc l’oubli
autocentré ou collectif mais tout au long du film le bonheur simple sera passé
par les regards échangés, les marques d’affections discrètes et une scène d’amour
magnifiquement amenée entre Matt Damon et Hong Chau. La proximité et le souci
de l’autre auront été plus vibrants que les grands desseins idéologiques et
Alexander Payne affiche une croyance aussi sincère que naïve dans ces notions
simples. Le cheminement de Matt Damon (épatant comme souvent) est passionnant,
les futurs fantasmés laissant progressivement place à un présent épanoui dans
une conclusion touchante. Alexander Payne signe un bien beau film,
volontairement déceptif sur les perspectives attendues de son postulat pour
nous emmener dans un ailleurs plus surprenant et intimiste.
En salle
Salut Justin, je suis content que tu aies aimé car tu es un des rares à en dire du bien. L'idée de départ me plaisait beaucoup mais le manque de temps, sans compter les retours circonspects, m'a empêché de le voir. J'espère pouvoir rattraper cela un de ces quatre.
RépondreSupprimerOui il y a pas mal de déçus on dirait, le film n'est pas tout à fait la satire corrosive attendu et pas non plus le divertissement un peu "fête foraine" attendu avec un tel postulat pour partir vers quelque chose de différent et plus intimiste. Ca a fonctionné pour moi en tout cas, il est toujours en salle si tu ne tarde pas trop en tout cas ;-)
SupprimerTu réussis à raviver ma curiosité pour ce film, merci :)
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