Albert Simoni est le
propriétaire de L'Oeuf, boîte de nuit parisienne aux activités interlopes. Une
nuit, il est mystérieusement assassiné, et l'inspecteur Valois est chargé de
l'enquête. Il fait alors la rencontre de Lucky, jeune toxicomane, avec laquelle
il passe la nuit...
Le Désordre et la nuit
est le second film en commun de Jean Gabin et le réalisateur Gilles Grangier
(après une première collaboration sur La
Vierge du Rhin (1953) dont la réussite entérinera leur fructueuse
association (une douzaine de film dont les populaires Le Cave se rebiffe, Gas-oil,
Le Rouge est mis, Archimède le clochard, Le Gentleman d’Epsom…). C’est également qui entérine l'association entre Jean Gabin et Michel Audiard (après les réussites de Gas-oil (1955) et Le Sang à la tête (1956) chez Grangier), le scénariste/dialoguiste devenant également un collaborateur
indissociable de la seconde carrière de Gabin.
Tous ces talents sont donc au service d’un film noir
singulier. La fatalité typique du genre semble frapper tous les personnages
dans des choix discutables. Ces passions semblent se manifester (comme le titre
du film le résume si bien) dans le cadre essentiellement nocturne du récit, une
atmosphère où toute réflexion, prudence et demi-mesure s’estompent pour un
abandon périlleux. L’introduction nous y prépare en illustrant symboliquement
cette atmosphère par les danses de cabaret frénétiques et tribales, puis par
les différents conflits sentimentaux qui s’amorcent et conduisent au meurtre d’Albert
Simoni (Roger Hanin). Ainsi tous les personnages sont marqués par des fêlures
qui se révèlent en amont (les problèmes d’alcool et la solitude de Gabin
évoqués par ses supérieurs avant son apparition effective), éclatent dans toute
leur noirceur ave la toxicomanie de Lucky (Nadja Tiller) où s’inscrivent dans
le coup de théâtre finale pour la pharmacienne suspecte jouée par Danielle
Darrieux.
En confrontant leurs maux à cette nuit interlope et
oppressante, chacun des héros basculent dans un abandon inconsidéré qui les
détache de leur fonction, environnement ou milieu social. La surprise est ainsi
grande de voir Gabin (tout en maintenant sa persona bourrue et dure cuire) tomber amoureux d’une suspecte junkie
et prostituée, cette dernière par sa nature autodestructrice et la fange où
elle se perd contredisant ses origines aristocratiques. Finalement la
résolution policière importe peu (et sera prétexte à une même réflexion de
cette perdition passionnée et nocturne quand le coupable sera démasqué) et si l’ambiance
du film peut par intermittence évoquer Razzia sur la schnouf de Henri Decoin (1955), la profonde humanité et empathie qu’amène
Gilles Grangier emmène le film vers autre chose que le seul polar.
L’ivresse
des cabarets ou les néons de la ville sont des leurres dans lesquels se perdre,
les ruelles désertes et les chambres d’hôtel sinistres ramènent à la
douloureuse solitude. La fragile romance entre Valois ((Jean Gabin) et Lucky
éclaire tout cela par intermittence, mais la lumière du bonheur possible n’est
qu’un espoir entraperçu dans les évocations de la fameuse maison de banlieue,
le jardin et le cerisier bien loin de ces nuits interlopes et dangereuses. Les
dialogues de Michel Audiard savent se faire percutants tout en soulignant cette
mélancolie ambiante, l’auteur ayant mis de côté l’aspect purement jubilatoire
de ses saillies qui aura cours notamment dans Le Cave se rebiffe. Belle réussite !
Sorti en bluray et dvd zone 2 chez Pathé
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire