Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Les Amants du crime - Tomorrow Is Another Day, Felix Feist (1951)
Incarcéré, dès l'âge de 13 ans, pour avoir
assassiné son propre père, Bill Clark est libéré. Il vient de purger une
peine de plus de 18 ans de prison. Après une expérience malheureuse, il
erre dans New York et croise la route de Kay, taxi-girl dans un
dancing. Il en tombe sincèrement amoureux et la raccompagne à son
domicile. Là, il découvre qu'elle a une liaison avec un policier. Une
bagarre s'ensuit qui tourne au désavantage de Bill. Ce dernier
s'écroule, inconscient. Contraints de fuir, les deux amants rencontrent
la famille Dawson qui se propose de les héberger chez eux à Salinas...
Les Amants du crime
est la plus grande réussite du petit maître du film noir Felix Feist et
s'avère un avatar surprenant du genre. Dans un premier temps le récit
semble déployer des motifs bien connus qui conduiront à un récit de
couple criminel asocial en cavale façon Les Amants de la nuit
(1948). C'est d'abord la caractérisation des personnages plutôt que les
situations qui sort des sentiers battus. Steve Cochran (remplaçant Burt
Lancaster initialement envisagé) plus habitué au rôle de brute épaisse
et séducteur fameux dans la réalité incarne ainsi Bill Clark,
homme-enfant projeté dans le monde réel après avoir été incarcéré depuis
l'âge de treize pour le meurtre de son père.
Le passif de dur à cuire
de l'acteur se conjugue ainsi à une vulnérabilité palpable où son
ignorance le montre en décalage tant par l'attitude (regard trop
insistant avec les femmes, la curiosité enfantine face à une voiture
décapotable) que son ignorance des éléments du quotidien (bière à
commander dans un bar, prix d'un ticket de bus). Son enfance meurtrie en
fait une proie facile constamment rattrapée par ce passé douloureux. A
l'inverse c'est dans un âge adulte désabusé que se morfond Kay (Ruth
Roman), jeune taxi-girl dont va s'éprendre Bill.
Les deux
personnages se côtoient dans un mélange d'attirance et de méfiance au
sein d'un paysage urbain synonyme de fatalité où la violence va les
rattraper et les forcer à la cavale. Cette fuite repose sur un mensonge
quant au crime initial mais désinhibe également le couple, la
cohabitation forcée permettant de rapprocher leur solitude. La bascule
du pur film criminel (bien présent dans l'imagerie lors des scènes de
fuite) se fait ainsi par un pur motif émotionnel. Ce sera par l'émotion
subtile d'un dialogue quand Bill annonce faussement détaché sa volonté
d'épouser Kay pour assurer leur fausse identité mais cette dernière
abandonne pour la première fois son cynisme initial par l'émotion
qu'elle trahie face à cette annonce. Ce masque urbain dépassionné se
volatilise symboliquement quand elle abandonne sa teinture blonde
platine pour retrouver sa chevelure brune. En adoptant ces nouveaux
noms/apparences le couple peut paradoxalement être enfin lui-même, plus
le criminel juvénile épié pour Clark et plus la fille perdue des villes
pour Kay.
C'est un tout autre film qui commence alors avec une
œuvre baignée de réalisme social avec une rédemption rurale et par le
travail évoquant Les Raisins de la colère (1940) de John Ford, Notre pain quotidien (1934) de King Vidor ou pour rester dans le simili film noir Sang et or
(194) de Robert Rossen. La force de la communauté, l'abnégation du
travail et l'entraide constituent enfin l'écrin auquel aspiraient Kay et
Clark. La relation sincère du couple et le souci de l'autre les
éloignent désormais de l'égoïsme inhérent à leur passé, la longue
détention sans avenir de Clark et la dérive morale urbaine de Kay.
Cela
passe notamment par une remarquable scène où Clark harassé par une
première journée de travail manque d'abandonner avant de se reprendre.
Cette rupture de ton rend finalement le film aussi attachant
qu'inclassable et est grandement due à la patte du scénariste Guy
Endorre, membre du Parti Communiste (et bientôt blacklisté par le
maccarthysme) qui y prolonge là ses préoccupations sociales. La fatalité
inhérente au film noir se heurte ainsi à la bienveillance du récit
social dans une conclusion bricolée et ne sachant complètement choisir
entre noirceur criminelle et happy-end improbable. Belle réussite.
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