Un agent temporel est pris dans une série de voyages dans le temps, destinés à faire perdurer à jamais son action en tant que représentant de la loi. Lors de son ultime mission, il doit recruter une plus jeune version de lui-même pour se remplacer, tout en pourchassant le seul criminel ayant percé son identité à travers le temps...
La fratrie de réalisateurs/scénaristes que forme Michael et Peter Spierig avait montré une vraie appétence pour la science-fiction et une grande maîtrise des effets spéciaux dans leur deux premiers films Undead (2003) et Daybreakers (2009). La réussite plastique de ces films était néanmoins entachée par des scénarios un peu poussifs, élément en partie corrigé dans cet ambitieux Prédestination adaptant très fidèlement la nouvelle Vous les zombies de Robert A. Heinlein. La nouvelle est considérée comme parmi les plus vertigineuse évoquant le voyage dans le temps et les paradoxes temporels.
L’ajout principal du film est l’élément de thriller que constitue la traque d’un terroriste par l’agent temporel joué par Ethan Hawke. Il s’agit de la seule menace qu’il n’aura pas réussi à endiguer au fil de ses sauts temporels et nous le voyons lors de la scène d’ouverture échouer à nouveau et même être défiguré en laissant filer le criminel. Sous ses nouveaux traits il va repartir en 1963 sur la piste de son adversaire, et recueillir sous la fausse identité de barman les confidences de John (Sarah Snook), un jeune homme androgyne et torturé. La narration surprend, l’ouverture haletante et mystérieuse nous dépeignant le cadre de cette agence (gouvernementale) laissant place à un long flashback intimiste où l’on découvre la tragique destinée de John. Il est à l’origine une femme, orpheline et solitaire mais aux aptitudes physiques et intellectuelles brillantes qui la promettent à un destin prometteur au sein d’une mystérieuse agence spatiale. Cette ambition tourne court pour des raisons inconnues et la seule éclaircie de son existence sera la rencontre d’un homme dont elle va tomber amoureuse. L’amant va pourtant s’évaporer et les circonstances de cette rencontre causent un bouleversement physique qui l’amènent à devenir un homme. L’alternance entre les enjeux purement SF et ce portrait tragique amènent une captivante dichotomie de ton (qui se joue aussi dans le va et vient entre environnements SF épurés et d'autres plus naturalistes) où l’attention doit être maintenue face aux différents indices qui construiront un saisissant paradoxe temporel. Le mystère et le mélo s’enchevêtrent grâce par l’équilibre de la prestation anxieuse d’un Ethan Hawke effrayé par ce qu’il sait et doit accomplir, et celle vulnérable et sensible de Sarah Snook subissant une destinée qui la dépasse. L’idée de confusion des genres masculin/féminin et des troubles psychiques qui en découlent était déjà présent dans la nouvelle et bénéfice d’un traitement subtil et très actuel (preuve de la dimension novatrice de la nouvelle) qui sert autant l’intime qu’un captivant paradoxe temporel lors d’un saut. Lorsque tous les fils se dénoueront, un sentiment d’incroyable vase-clos va se dessiner. Il sert une nouvelle fois l’aspect introspectif où l’on aura suivi toutes les étapes, accomplissements comme déconvenues, d’une vie, mais également une facette plus ambiguë. Le genre masculin semble être le seul viable pour s’accomplir (sa féminité lui refermant malgré elle toute les portes tant qu’elle n’est que Jane et pas encore John) individuellement. L’agence de voyage dans le temps dans son omniscience manipule les destins individuels et collectifs dans un dessein discutable qui referme la boucle sur une passionnante porte ouverte. Une vraie belle réussite SF dont la narration limpide ne perd jamais le spectateur (y compris le coup de théâtre final) malgré les concepts alambiqués évoqués.Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sony
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