Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 27 octobre 2021

Vixen - Jotai, Yasuzo Masumura (1969)


 Yasuzo Masumura excelle dans la description des amours fiévreux, maladifs et passionnés dont l'intensité se fait toujours écho et refuge d'un contexte socio-historique dans des œuvres comme L'Ange Rouge (1966), La Femme de Seisaku (1965), La Femme du Docteur Hanaoka (1967) ou encore La Bête aveugle (1969). Cependant ces films avaient une teneur essentiellement dramatique ne laissé pas entrevoir la veine hautement acide et satirique dont Masumura est également capable dans des œuvres comme Géants et jouets (1958), Black Test Car (1962) ou La Chatte japonaise (1967). Vixen fait justement écho à ce dernier film avec un postulat voisin voyant un homme mûr tout perdre pour l'amour d'une jeune nymphette capricieuse. 

Ici ce point de départ sert une incompatibilité générationnelle. Nobuyuki (Eiji Okada) un notable installé occupant le poste de secrétaire du doyen d'université qui est aussi son beau-père. Il voit un jour Michi (Ruriko Asaoka) une extravagante jeune femme accuser son beau-frère de viol et réclamer deux millions de yens en réparation. Devant le dédain de l'accusé et du reste de sa famille face aux faits, Nobuyuki se prend de peine pour Michi et fait en sorte qu'elle soit dédommagée. La reconnaissance de cette dernière se transforme en désir, puis amour jamais plus ardent que tant que Nobuyuki repoussera ses avances. La retenue et mesure de l'homme mûr semble le prémunir contre le démon de midi, mais il finira par céder au charme de Michi.

La satire tient au fait que ce n'est pas (du moins uniquement) la beauté de Michi qui fera basculer notre héros, mais le dégoût de son environnement. Nobuyuki fait partie de cette génération de quarantenaire japonais qui n'ont vécu que dans l'oubli d'eux-mêmes et le sacrifice. Le sacrifice pour assurer l'éducation de sa sœur alors qu'ils se trouvent orphelins après la guerre, pour accompagner la direction de son beau-père au sein de l'université, pour satisfaire son épouse en cédant aux injonctions familiales. Michi arrive dans sa vie à un moment charnière où sa sœur prochainement mariée n'a plus besoin de lui, où son beau-père s'avère vil fonctionnaire corrompu réprimant les réclamations de ses étudiants, et sa femme une femme froide et sans empathie (la révoltante scène où elle remet en question le viol de Michi). Tout ce sur quoi Nobuyuki a installé sa position s'avère vain et, pour la première fois de sa vie il va décider d'agir pour lui en s'abandonnant aux bras de Michi. 

Le drame correspondra du tempérament de Michi, incarnation inversée et exacerbée de la résilience de Nobuyuki. Michi veut tout, tout de suite, argent et surtout le moindre homme attisant son désir. Ruriko Asaoka livre une prestation enfiévrée comme seul Masumura sait en tirer d'une jeune actrice. Elle a le côté femme-enfant délurée de l'héroïne de Géants et jouets associée à la nature séductrice, manipulatrice et capricieuse de celle de La Chatte japonaise. Cependant Michi semble portée par une nature profonde plus psychotique qui la rapproche des héroïnes des œuvres plus dramatiques du réalisateur. 

La peur de la solitude, le besoin presque maladif d'être l'obsession d'un nouvel homme en fait une figure tour à tour comique, aguicheuse et pathétique à travers le jeu de Ruriko Asaoka finalement si outré qu'il en éteint toute séduction - malgré la beauté indéniable et largement mise en valeur de l'actrice. Masumura en fait une problématique sociétale où la nouvelle génération est désormais incapable de ce pas de côté, même si c'est la dimension psychologique qui domine notamment dans une conclusion plus dramatique. 

La narration répète ainsi à la fois les situations de séductions de Michi, mais aussi les réactions brutales des hommes tombés dans ses filets. Les vrais sentiments se laissaient entrevoir sur la toute fin dans La Chatte japonaise au propos voisin, ici ce sera une fuite en avant sans retour avec notamment une scène faisant écho au Un si doux visage d'Otto Preminger (autre grand film sur la folie féminine). Une variation très intéressante de Masumura donc !

Sorti en dvd japonais

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