Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 21 octobre 2022

Light Sleeper - Paul Schrader (1992)


 John LeTour, dealer de drogues de 40 ans, travaille pour Ann qui approvisionne une clientèle exclusive du secteur bancaire et financier en médicaments. Alors qu'Ann envisage de passer à l'industrie des cosmétiques, LeTour, souffrant d'insomnie, a perdu tout sent de la vie. C'est alors qu'il rencontre son ex-fiancée, Marianne, dont il s'éprend à nouveau.

Light Sleeper dans la filmographie de Paul Schrader se place parfaitement aux côtés de Taxi Driver (dont il écrivit le scénario pour Martin Scorsese) et American Gigolo (1980) dans son portrait des marginaux oiseaux de nuit dont le métier les confronte à une forme de lie de l’humanité. Le psychotique Travis Bickle (Robert de Niro) dans Taxi Driver cherche à consumer par la violence l’horreur de son quotidien, Julian (Richard Gere) sur American Gigolo s’y complaît et finit par en être victime. Light Sleeper emprunte une troisième voie avec son héros dealer John LeTour (Willem Dafoe) dont l’existence se nourrit de regrets. Il y a celui de n’avoir jamais su faire autre chose alors que son employeuse de toujours, Ann (Susan Sarandon), s’apprête à se retirer du métier. Ce regret se renforce alors qu’il croise Marianne (Dana Delany), ancien amour et compagne d’addiction avec laquelle il souhaite renouer.

Ce qui était latent mais qu’il traversait de manière détachée le frappe alors d’autant plus douloureusement dans l’exercice de son « métier ». Schrader nous plonge dans les tournées nocturnes de LeTour approvisionnant les hautes sphères et assistant aux déchéances les plus pathétiques tout comme aux comportements les plus révoltants. Le réalisateur excelle une nouvelle fois à scruter la fange et la désespérance d’une faune et microcosme, dont notre héros se fait le spectateur impuissant. Ancien junkie repenti, LeTour observe la déchéance et la corruption des plus faibles par des puissants toujours aptes à s’en sortir tel l’homme d’affaire Tis Brooke (Victor Garber). 

Au gré de ces errances, LeTour couche sur son journal et en voix-off sa mélancolie et ses regrets, dans une spirale à la fois répétitive mais aussi le rapprochant de la fin de la seule vie qu’il n’eut jamais connu. Willem Dafoe offre la magnifique prestation d’un personnage nostalgique d’un passé dont il semble le seul à nourrir un souvenir heureux (son couple avec Marianne), broyé par un présent qui ne lui convient plus et anxieux face à un avenir incertain. La contradiction de ces différentes aspirations nourrit le spleen du film et l’hésitation existentielle se fait aussi amoureuse entre Marianne et Ann (formidable Susan Sarandon). Le métier de dealer entrave pour des raisons différentes ces deux relations et LeTour ne sait laquelle poursuivre pour trouver un sens à sa vie. 

Paul Schrader excelle à poser une atmosphère introspective et mélancolique, sans avoir à dresser la violence d’un Taxi Driver ou le clinquant d’American Gigolo. La douleur ici est plus sourde, moins palpable, rendant les rares scènes chocs d’autant plus saisissantes. Surtout, malgré le rebondissement tragique concluant le film, les évènements amènent notre héros vers une perspective qu’il n’aurait pu envisager sans cette épreuve. Les cadres nocturnes, claustrophobiques et clinquant du début du film laissent ainsi progressivement place à la respiration et l’espoir de la lumière du jour. Les dialogues et gestes rejouant un passé révolu s’estompent pour, lors la magnifique dernière scène autoriser le rapprochement sincère et de regarder devant soi – dans la situation la moins opportune ce qui n’en rend que plus beau ce fol émoi. 

Sorti en bluray anglais chez Indicator et visible actuellement sur la plateforme MUBI

3 commentaires:

  1. Bonjour Justin, tu m'as donné l'envie de découvrir ce film, S.Sarandon et W. Dafoe y contribuent fortement. De Schrader réalisateur je ne connais qu'Affliction et Hardcore.
    Catherine

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    1. Salut Catherine, oui ça vaut vraiment le coup Willem Dafoe notamment trouve là un de ses plus beaux rôles. En tout cas si tu n'as vu que deux Schrader jusqu'ici il te reste pas mal de belles pépites à découvrir, autant dans ses classiques passés (Blue Collar, Mishima, La Féline, Patty Hearst...) que dans sa filmo récente qui reste passionnante (Autofocus, First Reformed, The Card counter sorti l'an dernier...).

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    2. Ok, merci des conseils.

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