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vendredi 29 septembre 2023

Dans l'ombre de San Francisco - Woman on the Run, Norman Foster (1950)

Un soir, Frank Johnson assiste en promenant son chien au meurtre d'un homme. Témoin clé pour la police comme pour l'assassin, il s'enfuit pris de panique laissant même sa femme Eleanor sans nouvelle. Celle-ci ne parait pas spécialement bouleversée, leur mariage battant de l'aile depuis un moment. Avec l'aide du reporter Dan Leggett, Eleanor va cependant se mettre à la recherche de son mari et découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité pendant l'enquête.

Woman on the run est un remarquable film noir de série B, brillant par son scénario imprévisible et son esthétique. Au premier abord, il semble mélanger le film criminel et le récit de fugitif façon Les 39 marches. Témoin malheureux d’un règlement de compte entre gangsters alors qu’il promenait son chien, Frank (Ross Elliott) ne devient certes pas le suspect, mais la cible du coupable dont il a vu le visage - mais pas le spectateur. Une situation intolérable qui va le pousser à prendre la fuite et être traqué à la fois par la police et l’assassin. Dès lors Frank brille par son absence à l’écran tout en étant omniprésent dans les pensées des autres protagonistes, en premier lieu son épouse Eleanor (Ann Sheridan). On aura compris que le couple bat de l’aile à travers la mélancolie avec laquelle Frank dit aux policiers qu’il est marié, puis la désinvolture affichée par Eleanor face à la disparition de son époux. Le passé bohème du couple (il est peintre et elle fut son modèle) révèle ce qui les a unis puis éloigné, notamment avec les peintures de Frank affichant les lieux où ils ont vécu en contrepoint du modeste meublé où ils vivent désormais et l’existence médiocre qu’ils mènent. On saisit que ce lien distendu vient en grande partie d’Eleanor.

La quête de l’époux repose ainsi sur les motifs de suspense concrets de la trame policière, mais aussi sur une facette plus intime où en cherchant Frank dans la ville, Eleanor réapprend à le connaître, le découvre sous un nouveau jour. Le fossé entre eux s’exprime par l’énigme que Frank laisse à Eleanor pour le retrouver et relevant d’un souvenir commun, mais que Eleanor par la distance prise sur son mariage ne parvient pas à retrouver dans sa mémoire. A ce pur McGuffin s’ajoute l’exploration des lieux favoris de Frank dans la ville, la rencontre avec ses amis, collègues vantant ses mérites et faisant comprendre qu’elle n’a jamais su juger son homme à sa juste valeur. En contrepoint mettant la puce à l’oreille, Eleanor est aidée dans ses recherches par un reporter (Dennis O'Keefe) dont le bagout et l’allure imposante en font l’opposé de la nature plus vulnérable de son mari. Le flirt larvé s’instaurant entre eux montre ainsi implicitement l’impasse intime et dramatique dans laquelle se trouve l’héroïne. Ann Sheridan est formidable, parvenant à porter l’urgence du récit à suspense, mais offrant aussi un beau portrait de femme repentante se redécouvrant amoureuse.

Norman Foster instaure une atmosphère stylisée, oppressante et expressionniste dans les purs moments de film noir dont il tire des morceaux de bravoure assez mémorables. La scène d’ouverture est un aussi glaçant qu’électrisant instantané de violence, et la séquence finale au sein du parc d’attraction avec son montage alterné entre la grande roue et une tentative de meurtre impose une tension au cordeau. Parallèlement, le film offre dans les scènes de jour une exploration quasi documentaire de la ville de San Francisco dont on traverse de multiples environnements, dont on côtoie la mixité ethnique comme rarement auparavant et ce sans la moindre caricature. D’ailleurs le surgissement de la violence dans ces moments est à la fois plus discret mais encore plus effrayant sans le vernis maniéré du film noir, notamment la mort de cette danseuse chinoise en ellipse.

Norman Foster coche toutes les bonnes cases, maniant le suspense Hitchcockien en n'articulant pas la tension sur la révélation de l’identité du meurtrier mais l’attente de ses agissements une fois percé à jour. Il use comme évoqué plus haut des motifs stylistiques du film noir des années 40, mais travaille aussi le réalisme urbain introduit dans le polar des années 50 comme dans les productions de la Fox. Tout cela réunit donne un film noir à l’équilibre idéal entre tension et émotion sincère, prenant de bout en bout. 

Sorti en bluray français chez Elephant Films

 

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