De retour des croisades, un chevalier rencontre la Mort en chemin. Il lui propose une partie d’échecs afin de retarder l’échéance fatidique et trouver des réponses à ses questionnements sur la foi. Entre-temps, le chevalier et son écuyer vont faire la rencontre de plusieurs personnages intrigants, entre une famille de troubadours et une horde de dévots fanatiques…
Le Septième sceau est une des œuvres les plus célèbres d’Ingmar Bergman, une de celle dont l’imagerie s’inscrit le plus dans l’inconscient collectif. Le réalisateur adapte là sa propre pièce de théâtre Trämålning dont l’inspiration lui vient d’une peinture d'Albertus Pictor située dans l'église de Täby représentant la Mort jouant aux échecs. La source du titre est quant à elle biblique, issue d’une phrase de l’Apocalypse selon Saint-Jean et plus précisément ce verset
Et lorsque l'Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure. Et je vis les sept Anges qui se tiennent devant Dieu ; on leur remit sept trompettes.
La teneur métaphysique du récit est ainsi annoncée sur ces bases, ainsi que par la nature du Moyen-âge dépeint par Bergman. Le récit se détache de toute cohérence historique pour concentrer au même moment tous les archétypes martelant « l’âge des ténèbres » que fut le Moyen-âge, le retour de croisade, l’inquisition des sorcières et l’épidémie de peste noire. Dans ce contexte, les protagonistes se divisent entre ceux qui subissent ces maux, ceux qui les observent comme le chevalier (Max Von Sydow) et enfin celui qui les inflige avec la Mort (Bengt Ekerot), silhouette funeste précédant tous les drames.Le chevalier, brisé par son expérience des croisades et désabusé par le spectacle tragique qu’il observe sur le chemin du retour, ne sait s’il souhaite s’accrocher à la vie ou se laisser sombrer à son tour. La partie d’échec entamée avec la Mort et dont l’enjeu est sa vie se prolonge durant tout le voyage (qui est aussi intérieur), sa détermination et donc la poursuite du jeu vacillant au fil des expériences et des rencontres. Bergman ouvre le film sur des paysages immenses, désolés et arides témoignant de la déliquescence de monde : falaise menaçante, plage désertique, habitations abandonnées et cadavres décrépis des victimes de la peste. Certaines des visions les plus iconiques de Bergman traverse l’écran dans une pure atmosphère d’apocalypse, mais le réalisateur réserve la vraie horreur aux moments à la civilisation est bien présente à l’écran.Le fanatisme religieux est une des raisons de ceux chaos, mais ironiquement aussi son seul refuge pour les esprits faibles à travers des séquences marquées par la pure folie collective. La pénitence que l’on s’inflige et les châtiments que l’on fait subir aux autres sont les exutoires vains d’une population à la dérive, tandis que les non croyants profitent de cet espace pour céder au pire de leurs bas-instincts. La silhouette sinistre de la Mort se délecte de ce chaos et vient régulièrement réclamer son dû.Une lueur d’espoir apparaît néanmoins à travers quelques figures truculentes et attachantes comme le couple de saltimbanques (Bibi Andersson et Nils Poppe) par leur douceur et excentricité, ainsi que leur bébé représentant un avenir possiblement meilleur. Il y a également Jöns (Gunnar Björnstrand), truculent écuyer du chevalier, refusant la résignation et affrontant l’injustice dès qu’il en est témoin en ces heures troubles. Bergman détend presque l’atmosphère par un marivaudage inattendu lorgnant sur son Sourire d’une nuit d’été (1955), même si les rires précèderont une nouvelle fois les larmes. L’atmosphère médiévale ténébreuse et le retour progressif à l’épure formelle et narrative du début du film achève d’emmener Le Septième sceau vers le pur espace mental. Les ruptures de ton du récit correspondent aussi à l’avancée de la partie et de l’adversaire ayant l’avantage. Lorsque le chevalier décide de céder non par renoncement, mais pour sauver ce qui peut l’être en gage du futur, l’horizon se bouche avec le retour au château, les retrouvailles poignantes avec son épouse (Inga Landgré) et l’acceptation de son destin. Les dualité des deux penchants de Bergman tout au long du récit, résigné et cynique d’un côté, lumineux et chargé d’espoir de l’autre, se disputent tout au long de la magnifique dernière scène.
Sorti en bluray français chez Studio Canal
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