Phenix City, une ville d'Alabama, est gangrenée
par la corruption depuis plusieurs générations, soutenue par une mafia
locale qui tire ses revenus de la prostitution et de l'organisation de
jeux d’argent truqués. Rentré de la Seconde Guerre mondiale, le juge
John Patterson s'y installe et veut mettre fin à cette impunité. Un de
ses espoirs réside dans la candidature de son propre père, Albert, au
poste de procureur général de la région aux prochaines élections. Face à
cette menace, les criminels répondent par une escalade de violence,
dirigée contre John, son père et tous ceux qui les soutiennent.
The Phenix City Story est un solide film
noir démontrant une nouvelle fois toute l'efficacité dont est capable
Phil Karlson. Le récit s'inspire des tragiques faits réels ayant eu un
an plus tôt à Phenix City, en Alabama, fomentés par la mafia locale
tenant la ville sous sa coupe à travers ses business de jeux et de
prostitution. Le film puise grandement dans la couverture des évènements que
fit le journaliste Ray Jenkins pour son journal Columbus Ledger, et lui
valut de remporter le Prix Pulitzer. Une longue introduction de dix
minutes ancre d'ailleurs pleinement le film dans cette réalité avec une
sorte de reportage où un journaliste va interroger les vrais
protagonistes du fait divers.
Malgré la rigueur de la démarche, tout
cela nous semble encore un peu abstrait mais la crudité du traitement de
Karlson va se charger de faciliter l'immersion dans la fange de la
"red-light district", ruelle où siègent tous les commerces mafieux. La
caméra arpente une salle de jeu en accompagnant le numéro d'une
chanteuse aguicheuse, un client récalcitrant est passé à tabac et jeté à
la rue en plein jour, démontrant l'impunité des exactions. Pour
souligner la "normalité" du vice ambiant, nous allons découvrir la
bonhomie de Tanner (Edward Andrews), le parrain local qui se promène et
alpague de façon enjouée les passants tout allant menacer l'air de rien
l'homme de loi Albert Patterson (John McIntire). Ce dernier, las, a
renoncé depuis bien longtemps à entraver la mafia de la ville qui s'en
est jusque-là toujours sortie à coup de menaces, corruption et violence.
Le retour de son fils John (Richard Kiley) et le meurtre de trop impuni
ravive la conscience d'Albert qui va se présenter à l'élection de
procureur général pour obetnir le pouvoir de défier la mafia. Même si les
autres films de Phil Karlson devraient nous y avoir accoutumé, la
violence exercée par la mafia atteint des degrés de brutalité et de
sadisme sidérant pour illustrer sa mainmise et détermination. Meurtres
d'enfants, lynchage public, assassinats arbitraires, rien ne nous est
épargné, tout est exposé crûment (tout juste un viol reste suggéré mais
bien devinable) pour renforcer à la fois la peur et la révolte des
quidams locaux. A cela s'oppose la vertu sans faille de Patterson
remarquablement incarné par John McIntire emportant l'adhésion par son
naturel de quidam normal ayant eu le courage d'élever la voix. Phil
Karlson instaure un montage alterné entre les discours enflammés de
Patterson et les crimes mafieux, le tout porté par une voix-off à la
fois neutre et incantatoire selon un procédé simple mais très efficace.
On observe ainsi progressivement la peur changer de camp, et la violence
criminelle prendre un tour de plus en plus ciblé jusqu'au terrible
rebondissement final.
Karlson parvient ainsi à nous maintenir sous tension, quitte à
s'arranger avec la réalité pour certains éléments (le meurtre d'une
enfant noire n'ayant jamais eu lieu) où la motivation d'autres, le
meurtre final semblant dans la réalité avoir davantage de motifs
politiques que de lien avec la mafia - ce qui est suggéré lorsque Tanner
poussé à bout admet un autre crime mais nie celui-ci. Toujours est-il
que Karlson a réussi à instaurer cette angoissante atmosphère de
poudrière, l'accalmie ne tenant qu'à un fil lors de la fin ouverte
puisque tout n'était pas pleinement résolu à Phenix City lors de la
sortie du film. Quant à Phil Karlson, il renouera avec les récits
inspirés du réel sur un registre plus série B et "vigilante" dans
Justice sauvage (1973) avec son shérif seul bras armé contre une
nouvelle mafia locale.
Disponible en vod sur la plateforme la Cinetek
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