Dans un petit village des Cornouailles, de nombreuses morts inexpliquées attirent l’attention du professeur Forbes, qui vient accompagné de sa fille Sylvia. Venant en aide au docteur du village, ils découvrent le comportement renfermé des habitants et font la connaissance d’un châtelain mystérieux, Lord Hamilton.
L’Invasion des morts-vivants est une production Hammer qui, dans son esthétique, ses thèmes ainsi que sa narration fait le pont entre une certaine tradition du cinéma fantastique, les codes du studio et les évolutions à venir du genre. Le scénario de Peter Bryan est le premier à aborder la figure du zombie, même si en théorie elle plane sur d’autres productions antérieures notamment le cycle Frankenstein. Deux ans plus tard George Romera va réinventer l’imaginaire associé au zombie avec La Nuit des morts vivants (1968), y ajoutant une dimension politisée en écho avec la situation d’alors aux Etats-Unis, mais également une esthétique plus réaliste, organique, le lésinant pas sur les effets les plus sanglants et gore. L’Invasion des morts-vivants parait lui davantage creuser le sillon amorcé par Jacques Tourneur dans son légendaire Vaudou (1943). Le folklore associé au cadre exotique et inquiétant d’Haïti, les rituels issus de la magie noire et la présence d’une menace invisible, indicible et ancestrale constituent les apports majeurs de la vision de Tourneur et son producteur Val Newton au sein de la RKO.
Le film de John Gilling s’inscrit pleinement dans cet héritage, même s’il parvient à trouver son propre ton. L’intrigue se déroule en effet en Angleterre, dans la région des Cornouailles, et l’exotisme des cultes ramenés de contrées lointaines se teinte ici d’une veine colonialiste. Celle-ci s’exprime de diverses manières, tout d’abord l’analogie explicite à l’esclavage durant toutes les scènes où les zombies sont exploités et malmenés dans les mines. C’est aussi par l’usage, le vol de rites et artefacts d’anciennes colonies (même si Haïti ne fut pas une colonie anglaise) une manière de déplacer l’exploitation qui fut faite dans celle-ci au sein d’un modeste village anglais. Les autochtones sont sous le joug de Clive Hamilton (John Carson), un châtelain mystérieux prolongeant l’ascendant de classe d’une certaine aristocratie anglaise par les éléments gothiques traditionnels et un folklore venu d’ailleurs. Le recyclage d’éléments d’intrigues de récits gothiques issus de la littérature tout comme des précédents films de la Hammer jouent explicitement là-dessus – des situations rappelant Dracula de Bram Stoker, des éléments de scénario revisitant entre autres La Gorgone de Terence Fisher (1964), ou La Femme-reptile de John Gilling se déroulant déjà dans les Cornouailles.Plus tard durant cette année 1966, la Hammer aborde de nouveau l’horreur par le prisme de la magie noire dans Pacte avec le diable de Cyril Frankel. On y retrouve cet exotisme, ce spectre du colonialisme cette fois venu d’Afrique représentant un ailleurs coupable, mystérieux et inquiétant dont le souvenir trouble s’incarne une fois de plus aux Cornouailles. Le film de Frankel restait à son tour figé dans une certaine vision dépassée, tout en s’inscrivant dans une modernité réactionnaire puisque les ensorcelés arboraient les traits et les manières des hippies. L’Invasion des morts-vivants souffre donc de ces maux avec un thème certes nouveau pour la Hammer, mais figé dans les archétypes narratifs et formels de son passé et du cinéma fantastique au sens plus large. Cela est renforcé par le budget modeste du film, destiné à être un complément de programme Dracula, Prince des ténèbres (1966) et reprenant nombre de décors bien connus de la Hammer – même si réaménagés bien sûr.Le film se laisse regarder sans déplaisir grâce à la mise en scène de John Gilling allant aussi loin qu’il le peut dans les débordements sanglants (la décapitation, le maquillage putride des zombies) et amorçant subtilement les mécaniques de prédation sexuelle, de domination de classe – Clive Hamilton se rapprochant imperceptiblement pour prélever le sang de Sylvia (Diane Clare). Néanmoins, une œuvre comme Les Vierges de Satan de Terence Fisher (1968) saura tirer vers quelque chose de plus inédit et imprévisible ce motif de la magie noire, en abandonnant le fatras exotique pour revenir à un paganisme plus anglo-saxon raccrochant le mythe et la modernité – de Rosemary’s Baby (1968) à The Wicker Man (1973) en somme.Sorti en bluray français chez Tamasa
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