P'tang, Yang, Kipperbang est à l'origine
une production télévisée s'inscrivant dans le cycle "First Love" initié par
le scénariste Jack Rosenthal. Le film est un charmant coming of age
se situant en 1948, cet immédiat après-guerre constituant un contexte
essentiel dans la personnalité de son jeune héros. Alan (John Albasiny)
est un écolier doux-rêveur en constant décalage avec son environnement.
Le film s'ouvre sur une scène de rêve interrompue qui réunit ses deux passions,
le cricket où se dispute une joute entre l'Angleterre et l'Australie
puis un baiser avec Ann Lawton (Abigail Cruttenden) la fille de sa
classe dont il est fou amoureux. La personnalité lunaire d'Alan est
dépeinte avec tendresse à travers diverses idées narratives et formelles
jouant sur une tonalité comique ou plus mélancolique.
Alan est ainsi capable de voir un signe du destin en observant des
insectes, ses errances qui le mettent systématiquement en retard à
l'école étant observée sous l'œil sarcastique d'ouvriers dans la rue -
Est-ce pour générer une future génération aussi ahurie qu'ils ont
combattus durant la guerre ?. Alan idéalise ce fameux baiser qu'il rêve
de donner à Ann, cet élan romantique lui faisant rejeter les choses du
sexe qui titillent déjà ses camarades, les nommant avec pudeur "the
other things". Cette vision fantasmée et romantique du monde se prolonge
également dans l'amitié qu'il noue avec Tommy (Garry Cooper) le
jardinier de l'école et ancien vétéran de guerre. Alan peut ainsi
s'enflammer avec lui en vantant la manière dont ses actions ont changées
la face du monde et partir dans des tirades naïves et grandiloquentes
sur les changements sociaux que provoquera cette victoire des Alliés.
Pourtant au quotidien rien ne change pour Alan, invisible pour les
autres (poignante scène où il constate n'avoir même pas été comptabilisé
dans un jeu des filles classant les garçons les plus séduisant de la
classe) et surtout pour sa Ann bien-aimée.
Ce décalage entre aspirations rêvées et réalité se prolonge subtilement
aux personnages adultes, que ce soit l'institutrice Miss Land (Alison
Steadman) amante d'un homme mûr puis d'un soldat américain durant la
guerre pour possiblement être enceinte du jardinier Tommy dans
l'immédiat. Ce dernier vit également dans le souvenir (qui s'avèreront
être des fantasmes) de ses campagnes de guerre pour être ramené à sa
modeste condition dans le présent - la différence de classe sociale
étant en germe dans les romances adultes comme enfantines. Alan n'en est
pas encore à ces désillusions et les espoirs comme les désagréments
amoureux qu'il rencontre se vivent au rythme des envolées du vrai
commentateur de cricket de la BBC John Arlott, les clameurs de la foule
ou ses huées saluant ses timides avancées.
Les prières de notre héros sont pourtant exaucées lorsqu'il est engagé
malgré lui dans la pièce de l'école dont le clou est une scène où il
donnera ce fameux baiser à Ann qui y joue aussi. La candeur de
l'ensemble est des plus touchantes, notamment grâce au charme des jeunes
interprètes avec en tête la bouille attachante de John Albasiny. On
retrouve la finesse d'observation qu'a rôdé Michael Apted sur sa série
documentaire Up, le réalisme cédant à une
veine plus surannée qui fonctionne parfaitement tout en ne négligeant
pas une relative noirceur.
Le cheminement de l'enfance vers l'âge adulte
se joue dans cette hésitation entre rêverie innocente et retour au
réel. La conclusion offre un bel entre-deux où les visions d'Alan
vacillent à la fois dans son grand moment attendu (le baiser tant
espéré) et le fantasme qu'il se faisait du passé glorieux de l'exemple
de l'héroïsme anglais. Une belle réussite qui deviendra un vrai film
culte (notamment le monologue final de la déclaration d'amour d'Alan assez inoubliable et désormais exercice pour les jeunes acteurs en herbe) qui aura finalement droit à une sortie salle en Angleterre et aux
Etats-Unis, et régulièrement rediffusé depuis.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez Film 4 et doté de sous-titres anglais
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Merci. Ca donne vraiment envie. A quand un autre Michael Apted comme l'excellent coeur de Tonnerre, par exemple.
RépondreSupprimerPas vu "Coeur de tonnerre" je note ! Pas hyper fan de sa période américaine plus anonyme mais son travail à la télévision et au cinéma anglais est vraiment très intéressant ça m'a vraiment fait réévaluer son travail. J'ai seulement chroniqué cet excellent polar de lui pour l'instant http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.com/2018/02/ptang-yang-kipperbang-michael-apted-1982.html
SupprimerEt si ce genre d'ambiance romantiques adolescentes anglaise vous plaît je recommande aussi "Melody" une de mes plus belles découvertes de l'an dernier (grosse inspiration de Wes Anderson pour Moonrise Kingdom)
Supprimerhttps://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2017/05/melody-wari-hussein-1971.html
J'ai vu son "Agatha" que j'ai beaucoup aimé avec V.Redgrave et D.Hoffman, après lecture du billet stakhanoviste d'ailleurs ^-^
RépondreSupprimerJustin, le polar ce serait pas plutôt celui-là ?? ====>
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2012/10/le-piege-infernal-squeeze-michael-apted.html
Ah oui oups je me suis emmêlé dans les liens je parlais bien de "The Squeeze" ^^
SupprimerMerci pour les infos. je peux comprendre vos réticences sur sa carrière US mais Coeur de Tonnerre vaut vraiment le coup. Bonne journée.
RépondreSupprimerAu fait, j'adore Wes Anderson et Moonrise kingdom est mon film préféré de lui pour l'instant...
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