Le 1er Septembre 1923,
le grand tremblement de terre du Kanto plongeait Tokyo et ses environs, dans le
chaos. De ces ruines, naîtront les premiers signes d'une militarisation du pays
qui va se poursuivre durant les décennies à venir. Par contraste, on observe
l'épanouissement de cultures locales, encore méconnues aujourd'hui, telles
qu'un circuit national de sumo féminin.
The Chrysanthemum and
the Guillotine est une fresque historique intimiste qui se pose en miroir
de la dérive droitière du Japon contemporain, tant au niveau sociétal que
politique. Le film se déroule en 1923 au lendemain du grand tremblement de
terre du Kanto. C’est une période qui suit les conflits russo-japonais et
précède la guerre sino-japonaise, un moment où s’exacerbe un nationalisme
fanatique qui aboutira à la militarisation et l’engagement dans la Seconde
Guerre Mondiale. Côté masculin les personnalités rétives à cet autoritarisme
ambiant s’incarnent dans le récit par l’opposition politique à travers de
vraies figures de l’époque qui se fondent dans la fiction. Pour les femmes ce
sera l’espace de la discipline désormais révolue (depuis 1955) du sumo féminin.
Les deux fonctionnent en parallèle tout au long du
récit. L’oppression politique plonge les
opposants et intellectuels dans la clandestinité où ils échafaudent des projets
d’assassinats contre les ténors de cette dictature. Les figures féminines
fuient quant à elles une oppression plus spécifiquement sociale, l’héroïne
trouvant dans l’équipe sumo un refuge à ses violences conjugales tandis qu’une
autre y échappera au racisme envers les coréens au Japon. De mêmes
contradictions les habitent, le verbe vain se substituant à l’action pour les sportives et inversement
celle-ci dominant à tort la réflexion chez les militants. Nos combattantes sumos
malgré leurs forces demeurent des êtres fragiles prompts à sombrer à nouveau
dans une terrible soumission, à l’image de l’une d’entre elles se prostituant
auprès de spectateurs de passages.
Ces quêtes de liberté se rejoignent et s’opposent à travers
les interactions des personnages. L’émotion fonctionne lorsque les luttes et
douleurs se conjuguent momentanément, notamment cette magnifique scène sur la
plage où l’éloquence de Tetsu (Masahiro Higashide) s’éteint face aux horreurs du
parcours de la réfugiée coréenne jouée par Hane Kan. Plus tard impuissance à
défendre la femme qu’il aime d’un protagoniste si vindicatif au départ ramène l’arrogance
des intellectuels à cette même fragilité des femmes dans ce monde destructeur.
Le film long de 3h observe pas à pas cette évolution intime des personnages
passant autant par le dialogue que par de belles idées formelles.
L’héroïne
vaillante sort ainsi constamment perdante de ses joutes de sumos, l’abnégation
à prochainement vaincre reflétant son désir de changer sa destinée de
perpétuelle victime. En refusant d’être expulsée de la zone de combat, elle
réfute aussi le déni que la société exerce sur elle en tant qu’individu.Toute la lente narration mène à cet accomplissement même si
les humiliations seront nombreuses. La finesse du regard et une subtile esquive
du manichéisme (les horribles miliciens tyranniques qui s’avèrent des
traumatisés de guerre) rendent donc ce Chrysanthemum
and Guillotine captivant, notamment par cette autocritique rare dans le
cinéma (et la société) japonais contemporain.
Découvert au festival du cinéma japonais contemporain Kinotayo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire