L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune - Jacques Demy (1973)

Marco et Irène vivent heureux avec leur fils Lucas. Marco dirige une auto-école, Irène un salon de coiffure. Souffrant d'étranges malaises, Marco consulte un médecin qui l'envoie chez un grand gynécologue. Celui-ci confirme que Marco est enceint de quatre mois. Il connaît alors une célébrité immédiate…

L’argument farfelu de L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune naît presque d’une blague. Agnès Varda et Catherine Deneuve, enceintes en même temps échangent régulièrement sur les vicissitudes de la grossesse, au point d’en amuser leurs compagnons respectifs Marcello Mastroianni et Jacques Demy. Ils en tirent la conclusion que si les hommes étaient amenés à devoir porter un enfant, ils feraient face et se plaindraient moins, opinion logiquement contestée par leurs épouses. De ce débat improbable va donc naître un film qui l’est tout autant.

Marco (Marcello Mastroianni) coule des jours heureux avec son épouse Irène (Catherine Deneuve), jusqu’au jour où d’étranges malaises l’amènent à consulter son médecin (Micheline Presle). Le verdict sera pour le moins surprenant, Marco est enceint de quatre mois. Le film est vraiment une capsule temporelle de la France des années 70 dans tout ce qu’elle a de (faussement) naïf. Le postulat surprend les protagonistes mais, validation scientifique du médecin aidant, est relativement vite accepté. Demy s’amuse à confronter la grossesse de Marco à des situations du quotidien qui ne doivent leurs dimensions décalées qu’au seul sexe masculin de l’intéressé. Difficultés à se déplacer, à se fondre dans certains environnements et notamment les étroits intérieurs de voitures inhérents à son métier de directeur d’auto-école, tout y passe. Les explications à leur entourage et notamment leur fils Lucas (Benjamin Legrand) amènent des questionnements ayant une résonnance sociale pour l’époque et d’une manière différente aujourd’hui aussi. L’enfant demande ainsi innocemment si « c’est la faute du MLF » si les rôles s’inversent ainsi, tandis qu’un médecin étudiant les possibilités de la situation ne change pas le fait que « un enfant ne peut être conçu que par un homme et une femme ». 

Le film sort trois ans après le Manifeste des 343 salopes, où plusieurs grandes personnalités féminines militaient pour la légalisation de l’avortement en France. En confrontant ainsi une figure masculine (et le choix du séducteur Mastroianni ne doit rien au hasard) à l’exposition, la surprise et la transformation d’une grossesse non désirée, Demy envoie ainsi un message d’empathie et d’ouverture au pouvoir essentiellement représenté par les hommes à l’époque. Deux ans plus tard, Simone Weil après une intense combat politique fera voter la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse. Vu d’aujourd’hui avec les nouveaux questionnements et débats se posant sur le mariage pour tous, la transidenté, les modèles sociétaux et biologiques sont encore plus bouleversés et rendent le film de Demy assez visionnaire. Sa qualité et son défaut sont cependant sa tonalité légère et naïve. Comme dit plus haut, cela évite de tergiverser trop longtemps sur l’incrédulité quant à l’évènement. D’un autre côté, en tant que spectateur contemporain, on pouvait être curieux de la confrontation de ce postulat face à l’institution, quelle qu’elle soit. 

La scène d’émission de télévision où Marco se confronte à un prêtre est ainsi un petit rendez-vous manqué qui n’exploite pas les possibilités du thème. Il y a bien une satire du capitalisme où le nouveau créneau de grossesse devient un marché commercial potentiel qui va transformer Marco en homme-sandwich, offrant nombre de situations et images loufoques. Il en va de même pour l’opportunisme du médecin présentant Marco comme son "client" plutôt que patient à une assemblée de scientifique. Cela reste néanmoins trop léger et finalement le film se savoure davantage comme une gentille satire acidulée. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Arte