Antoine est amoureux de la froide Monique qui le rabroue en permanence. Alors Antoine confie son désespoir à son copain Bob qui l'écoute avec beaucoup d'intérêt, car il est amoureux d'Antoine. C'est ainsi que débute cette histoire d'amour...
Tenue de soirée se situe en plein cœur de la période d’inspiration dorée de Bertrand Blier dans les années 70/80. L’intention initiale est d’ailleurs de reformer le trio Gérard Depardieu/Patrick Dewaere/Miou-Miou qui initia ce cycle avec le cultissime Les Valseuses (1974). Le suicide de Patrick Dewaere met à mal ces plans mais Blier maintient le projet en engageant à la place Michel Blanc qui en sera une vraie révélation dans ce contre-emploi. Bertrand Blier avait exploré à sa manière iconoclaste différentes possibilités du triangle amoureux dans Les Valseuses, Préparez vos mouchoirs ou encore La Femme de mon pote (1983). Il va trouver un angle novateur dans ce Tenue de soirée où cette fois la femme n’est plus au centre du conflit amoureux pour mettre en lumière une relation homosexuelle.
Le film dépeint la réunion de trois marginaux dont le rapprochement tient autant du matérialisme que de sentiments sincères. Antoine (Michel Blanc) peine à joindre les deux bouts et mène une existence précaire qui finit par exaspérer sa compagne Monique (Miou-Miou). Au terme d’une énième dispute, Bob (Gérard Depardieu), ses manières rustres et sa gouaille vient s’insérer dans le couple qui devient trio. Il va les initier à sa science des menus larcins et contribuer à leur donner une existence plus douce. Il va cependant s’avérer que la bienveillance de Bob n’est pas désintéressée, puisqu’il a des vues exprimées explicitement envers Antoine. Tout l’équilibre du trio repose sur la notion de dominant/dominé, où forcément l’un d’entre eux doit se trouver exclu. L’amour, la pur attirance physique et l’intérêt pécunier se disputent dans les liens qui se nouent et se dénouent. Avant tout soucieuse de s’en sortir, Monique tente de s’attirer les faveurs du plus fort, Bob, quand ce dernier ne cherche qu’à conquérir le récalcitrant Antoine.Blier trouve une tonalité intermédiaire entre le drame, le vaudeville et la comédie. Il témoigne du regard du profond rejet de l’homosexualité à l’époque et l’idée de génie est de faire conserver à Gérard Depardieu son aura de mâle alpha, nullement en contradiction avec son orientation sexuelle ce qui fait du film un négatif du caricatural La Cage aux folles (1978). La masculinité affirmée n’est pas antinomique à l’homosexualité, et Depardieu sous la truculence (Blier s’en donne à cœur joie dans sa science du dialogue fleuri) parvient à véritablement émouvoir en amoureux éconduit. Michel Blanc participe à cette « normalisation », en étant l’incarnation du monsieur tout le monde d’alors horrifié par la chose, mais qui dissimule une profonde sensibilité. Si Monique cherche la protection et Bob la conquête, Antoine si souvent malmené et rabaissé attend implicitement lui une forme d’affection, d’attention que Bob va lui offrir. C’est ce parallèle entre les trois qui façonne la dynamique du récit, Blier excellant à faire vaciller chacun d’un individualisme détestable à une détresse poignante. Le moment où Miou-Miou se confesse à Michel Blanc sur son rapport presque naturellement soumis aux hommes (et qui détermine toutes ses errances) est à ce titre bouleversant.Chaque rencontre avec l’extérieur à travers les figures croisées lors des différents cambriolages vient cependant rappeler que cette notion de dominant/dominé guide la société et ne saurait durer en amour. Le plaisir se monnaie et s’impose par la force, que ce soit le couple de bourgeois mené par Jean-Pierre Marielle forçant une orgie par la menace d’une arme, ou le malheureux Antoine « vendu » à nanti dépravé joué avec délectation par Bruno Crémer. Même si sous-jacent, ce rapport ne fait pas exception au sein de notre trio où le sentiment de protection se mue en rejet. Blier revient à ce qui est un croisement du cliché et d’une certaine réalité d’alors sur les amours libres et éphémère de la communauté homosexuelle. Une réalité qu’incarne Bob prêt à papillonner à nouveau et rejetant le quotidien et la normalité espérée par Antoine et Monique. Tant qu’il reste dans cette idée d’alterner pittoresque et normalité, Blier se montrer réellement novateur et progressiste dans son traitement. Le problème réside plutôt dans la dernière partie où certains lieux communs naturels à l’époque sont plus difficilement acceptables pour un spectateur contemporain. Ainsi l’espèce de logique voulant que l’homosexualité débouche naturellement sur le travestissement et in fine la prostitution est assez grossière. On retrouve ce raccourci voulant qu’homosexualité est forcément l’expression d’une féminité chez l’homme, ce que le personnage de Bob avait pourtant réussit à éviter. Les dialogues où tous les gays s’interpellent par des pronoms féminins sont à l’avenant, même si bien sûr cela peut correspondre à une réalité de certains pans de cette communauté. Le film est donc à prendre avec les mœurs et l’imagerie de l’époque, mais c’est dommage d’ouvrir autant de portes pour retomber dans certains travers. Heureusement tout cela est transcendé par l’éblouissante prestation de Michel Blanc. Aussi touchant en homme perdu quant à ces anciennes certitudes sexuelles qu’élégant et charismatique habillé en femme, il transcende les éléments les plus grossiers du récit pour simplement incarner une figure qui s’est trouvée. Une performance récompensée par le Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes 1986 (ex-aequo avec Bob Hoskins dans Mona Lisa)Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
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