Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

lundi 14 mars 2022

Le Sorgho rouge - Hóng Gāoliáng, Zhang Yimou (1987)

L'histoire se passe à la fin des années 1930 pendant la seconde guerre sino-japonaise, dans un village du Shandong, au nord-est de la Chine. À la mort du vieux mari, à qui son père l'avait vendue, une jeune femme hérite d'une propriété qui cultive le sorgho, et où l'on prépare le vin de sorgho. Face aux envahisseurs de l'armée impériale japonaise qui détruisent ses récoltes, elle organise la résistance.

Le Sorgho rouge est la première réalisation de Zhang Yimou et inaugure également la longue collaboration avec Gong Li (alors sa compagne) dans six autres films. Zhang Yimou est issu, avec d’autres personnalités fameuses comme Chen Kaige, de la « cinquième génération » de cinéastes chinois qui se caractérise par le fait de s’être formé après la Révolution culturelle et qui dans leurs premières œuvres se montreront ainsi plus critique face à l’héritage maoïste. Dans le cas de Zhang Yimou, sa filmographie se partage en effet dans cette veine entre une richesse formelle dont les contextes historiques rattachés à l’histoire chinoise possèdent cette dimension critique (Ju Dou (1989), Épouses et Concubines (1991), Qiu Ju, une femme chinoise (1992) ou Vivre ! (1994)) et à partir des années 2000 des productions plus serviles envers le pouvoir chinois (Hero (2002), Le Secret des poignards volants (2004) et La Cité interdite (2007)). 

Le Sorgho Rouge (adapté du roman Le Clan du sorgho de Mo Yan dont on distingue le côté surréaliste et pittoresque) porte déjà en lui cette dualité. La voix-off du narrateur (petit-fils des protagonistes du récit) tisse un écrin à la fois intime et mythique des évènements à venir. Ainsi la tradition féodale et patriarcale chinoise semble dénoncée lorsque la jeune Gong Li est revendu en échange d’un âne au propriétaire lépreux et vieillissant d’une distillerie. Elle va néanmoins échapper à son triste sort lorsque son époux va prématurément mourir, la laissant seule maitresse de sa distillerie fabricant du vin de sorgho. Zhang Yimou déploie une aura ancestrale, onirique et érotique à travers les visions écarlates et foisonnantes des champs de sorgho. C’est là que va se jouer un désir primitif qui dépasse le contexte et les clivages, d’abord lorsque Gong Li va regarder avec fièvre les la musculature saillante du coolie Jiang Wen, puis qu’ils vont s’unir. La distillerie est davantage le lieu de la révolution sociale, d’abord en conférant à la fraîchement veuve Gong Li la propriété des lieux en tant que femme émancipée, puis en y propageant l’idéal communiste quand elle décidera de se mettre à égalité de ses employés en partageant les gains.

Les vas et viens entre la distillerie et les champs de sorgho constituent donc une sorte d’équilibre parfait entre nature et culture, instinct et réflexion, individualité et collectivité. Un élan qui sera brisé par la tyrannie de l’envahisseur japonais. Zhang Yimou parvient par son approche à faire coexister une tonalité mystique, patriotique et humaniste dans une approche viscérale qui magnifie la conclusion sacrificielle. En faisant confiance à la puissance évocatrice des images plutôt qu’à un discours trop appuyé, en se reposant par l’habile harmonie entre archétype et incarnation de ses protagonistes (le couple Gong Li/Jiang Wen), Zhang Yimou signe une première œuvre marquante et intemporelle. 


 Sorti en en dvd zone 2 français chez Films sans frontières

2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Vous parlez de ce que je dis sur les premiers films ? Alors sans parler forcément de critique en tout cas plus de nuances et pas la tonalité de propagande que l'on ressent explicitement dans 'Hero" et ce qui va suivre.

      Supprimer