Le maître du sabre et le maître de la lance sont rivaux depuis toujours mais aussi les meilleurs amis du monde. Ils s'affrontent régulièrement et finissent toujours ex-aequo. Les années passent et leurs duels mènent invariablement au match nul. Ils décident alors d’un commun accord de former chacun un élève et de les faire s’affronter dix ans plus tard.
Odd Couple est un des fleurons du genre alors naissant de la kung fu comedy. On doit la réalisation du film à Liu Chia-yung (ou Lau Kar-Wing en cantonais) qui n’est rien moins que le frère cadet de l’illustre Liu Chia-liang, maître absolu du cinéma martial, tant comme chorégraphe que réalisateur. Liu Chia-yung a évolué dans l’ombre de son aîné, travaillant avec lui notamment au sein de la Shaw Brothers, mais également en faisant l’acteur et en passant à la réalisation sur dix-sept films. Si Liu Chia-Liang dans ses films cherche à démontrer une facette noble et didactique des arts martiaux, Liu Chia-yung est un électron plus libre. Cet héritage vient de leur père Liu Cham qui fut un disciple de Lin Shirong, le plus célèbre des élèves du maître WongFei-hung. D’une certaine manière, prolonger ce passif dans le monde du cinéma revient autant à l’honorer qu’à inévitablement le trahir.
Liu Chia-liang croise ainsi la notion d’apprentissage à une veine comique dans sa première réalisation The Spiritual Boxer (1975), et récidivera dans nombre de ses plus grandes réussites comme Retour à la 36e chambre (1980), Shaolin contre Ninja (1979) ou les deux volets de Drunken Master (1976 et 1994). Liu Chia-yung reprend ces adages par un mélange de déférence et de dérision dans Odd Couple. Le Jiang-hu (le monde des arts martiaux) est une affaire vaine d’égo entre le maître du sabre (Sammo Hung) et le maître de la lance (Liu Chia-yung) dont l’éternel défi impressionne autant qu’il prête à rire. Cependant c’est avec la plus grande rigueur que l’introduction nous présente les vertus des différentes armes martiales et plus particulièrement la lance et le sabre. Le savoir et la tradition sont ancestraux mais ses pratiquants sont faillibles et imparfaits. Dans une logique d’éternel recommencement, c’est donc une belle idée que les disciples les suppléant dans leur continuelle rivalité soient joués également par Sammo Hung et Liu Chia-yung (sans postiches vieillissant). Loin d’être des modèles, les sifu flattent avec roublardise la vanité, la colère de leurs élèves pour les enrôler et les stimuler. En dehors de la pure compétence martiale, ce sera donc surtout l’affection contenue et l’héritage des maitres qui compteront dans l’apprentissage et non pas une supposée sagesse. Le réalisateur sert à merveille cette délicieuse imperfection dans les joutes virtuoses où les adversaires déploient bottes secrètes et longs enchaînements avec limpidité et vélocité. Dans ce mariage de sérieux et de comédie, c’est également deux écoles de l’art martial cinématographique qui se jouent. Liu Chia-yung comme évoqué plus haut est issu d’une tradition martiale pure quand Sammo Hung vient lui de l’école de l’Opéra de Pékin (avec ses camarades célèbres Jackie Chan ou encore Yuen Biao ici chorégraphe) cherchant à rendre plus fantaisiste et décalé les combats. La noblesse martiale est ici bien présente dans l’exécution mais largement pastichée, et la kung fu comedy trouve un terrain de jeu parfait pour des dérapages plus farfelus. Certains combats sont plus proches du western parodique à la Trinita (il y a même une presque citation de la cultissime scène des baffes de Mon nom est personne) et une scène place nos héros face à des adversaires issus de ce monde du spectacle, toujours à prendre la pose ridicule de trop pour mettre en valeur leur mouvement. Malgré un scénario parfois brinquebalant (quelques errances de comédie cantonaise grasse, un antagoniste arrivant comme un cheveu sur la soupe pour conclure) Odd couple est un une pépite dont l’action vous impressionnera constamment, et dont l’humour haut en couleurs vous fera rire, souvent.Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Spectrum Films
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