Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 22 mars 2022

Virgin Suicides - Sofia Coppola (1999)


 Dans une ville américaine tranquille et puritaine des années soixante-dix, Cecilia Lisbon, treize ans, tente de se suicider. Elle a quatre sœurs, de jolies adolescentes. Cet incident éclaire d'un jour nouveau le mode de vie de toute la famille. L'histoire, relatée par l'intermédiaire de la vision des garçons du voisinage, obsédés par ces sœurs mystérieuses, dépeint avec cynisme la vie adolescente. Petit à petit, la famille se referme et les filles reçoivent rapidement l'interdiction de sortir. Alors que la situation s'enlise, les garçons envisagent de secourir les filles.

Virgin Suicides ouvre en beauté la filmographie de Sofia Coppola qui entame là une vraie trilogie thématique sur la solitude, la mélancolie des jeunes filles avec Lost in translation (2004) et Marie-Antoinette (2006) – prolongée avec une réussite moins éclatante dans le néanmoins attachant Somewhere (2009). Sofia Coppola a admis des années plus tard que son choix d’adapter le roman éponyme de Jeffrey Eugenides venait implicitement du deuil de son frère Gio Coppola alors qu’elle n’avait que 15 ans. Le sujet du film concerne ainsi les émotions à vif des premiers émois adolescents, mais bercé d’une aura funèbre, d’une fatalité annoncée par la voix-off nostalgique. 

Chacun des trois premiers films de Sofia Coppola confronte ses héroïnes à un environnement qui les entrave, par un cadre étranger dont on ne maîtrise pas les codes et qui nous isole dans Lost in translation, ou une société superficielle qui vous éloigne du réel dans Marie-Antoinette. Ces espaces s’élargissent, se diversifient par leur cadre géographique et historique, mais tout est déjà là dans Virgin Suicides. Les élans libertaires de la jeunesse des années 70 se confronte dans le film à l’idéologie moralisatrice et conservatrice de l’Amérique d’Eisenhower - renforcé par le cadre de suburb pavillonnaire inchangé depuis les films de Douglas Sirk. Les quatre sœurs Lisbon, Therese (Leslie Hayman), Mary (Andrea Joy Cook), Bonnie (Chelse Swain), Lux (Kirsten Dunst) par leur beauté, blondeur et la pureté virginale qu’elles dégagent représente une sorte d’idéal WASP fantasmé. Leur père (James Wood) et surtout leur mère (Kathleen Turner) refusent de voir cette perfection souillée par une modernité forcément corruptrice par l’entremise de la tentation des garçons et de tout est paysage culturel hédoniste.

Les sœurs apparaissent donc comme des déesses inaccessibles pour les garçons du voisinage qui idéalisent à distance leur moindre fait et geste, dans une atmosphère cotonneuse et envoutante portée par la photo diaphane de Edward Lachman (entre onirisme et texture papier glacé qui icônisent et renforce cette dimension inaccessible) et le score hypnotique du groupe Air. Les sœurs se confrontent à toutes les expériences, positives comme négatives, que sont supposées rencontrer des adolescentes en construction. La cadette Cecilia (Hanna R. Hall), consciente trop tôt de la prison dorée dans laquelle elle est condamnée à étouffer, choisira d’en finir plutôt que de souffrir. 

Les autres découvrent le mystère et la distance qu’elles représentent pour les garçons avec des fortunes toujours dramatiques. La lâcheté masculine ordinaire s’incarne dans le bellâtre Trip Fontaine (Josh Hartnett) prenant ses distances après être parvenu à ses fins. Cependant les retours au présent où on le retrouve brisé (et interprété par Michael Paré) laisse supposer une incapacité, une peur à faire perdurer sur la longueur une romance avec la nymphe jusque-là insaisissable que symbolise Lux et mieux vaut la fuite que le risque de ne pas être à la hauteur. 

Tout ce qui se rattache aux sœurs pour les garçons fait office de relique à chérir (le journal de Therese), d’image indélébile dont on veut conserver le souvenir, et en définitive de la nostalgie d’une époque où tout était plus simple, plus innocent et naïf. L’ambiance rêveuse est celle d’un mausolée en sursis qui après la disparition des sœurs se concrétise par le déclin économique annoncé de la région, la pollution de son air et certainement la désertion de ses habitants. La famille Lisbon aura représenté par son microcosme figé l’impossibilité de ce qui ne sera plus, de ce qui n’a peut-être jamais été. Une réalité qui rattrape tous les protagonistes dont l’amertume les rend à leur tour hors du temps où ils vivent et brisés à leur tour. Une œuvre captivante et au pouvoir de fascination intact. 


 Sorti en dvd zone 2 français chez Pathé

 

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