Alvy Singer (Woody
Allen) est un incurable névrosé, obsédé par la précarité de l'univers, mais
également par Kafka, le sexe, la mort et Le Chagrin et la Pitié. Il tombe
amoureux d'une jeune femme assez délurée, Annie (Diane Keaton), avec qui il
développe une relation marquée par de nombreux moments de bonheur jusqu'à ce
que surgissent des tensions liées à leur vie professionnelle respective.
Amuseur émérite et populaire du monde du spectacle américain
depuis les années 60, Woody Allen à l’approche de la quarantaine est pris du
désir d’amener une plus grande
profondeur à son œuvre. En passant au cinéma le temps de films aussi hilarants
qu’inégaux (Bananas (1971), Tout ce que vous avez toujours voulu savoir
sur le sexe sans jamais oser le demander (1972) ou Guerre et Amour (1975) pour les plus réussis), Allen y avait
prolongé son image de clown et Annie Hall
constituerait un virage radical et surprenant. Le réalisateur ne renonce
pourtant pas complètement à provoquer le rire, mais l’humour se fera désormais
plus subtil, moins potache et au service de l’émotion. Cette profondeur tant
recherché, Woody Allen la trouvera en se mettant à nu dans une histoire narrant
rien moins que sa relation avec Diane Keaton dont il s’est séparé un an avant
le tournage. Cette facette personnelle repose déjà dans le titre, le vrai nom
de Diane Keaton étant Diane Hall et son surnom auprès de ses amis Annie. Allen
propose dans un premier temps le rôle-titre à l’actrice Kay Lenz et suite à son
refus ose solliciter son ex compagne qui accepte. Leur ancienne intimité amène
ainsi une complicité et une vérité saisissante au couple qu’ils ne formeront
plus qu’à l’écran et entretiendra le flou tout au long du film quant à la part
de fiction et de réalité de certaines situations (dans le film comme la réalité
la rupture se fit notamment à l’initiative de Diane Keaton).
On suivra donc ici l’avant, l’après et le pendant de la
relation amoureuse entre le comique Alvy Singer (Woody Allen) et la pétillante
Annie Hall (Diane Keaton). A travers cette romance, Alvy Singer/Woody Allen se
raconte, dépeignant tout ce qui a construit son caractère misanthrope et
comico-dépressif à travers ses souvenirs d’enfance, son rapport aux femmes à
travers ses deux premiers mariages malheureux. Dans l’intervalle vient se
greffer sa grande histoire avec Annie où cette caractérisation nourrira autant
leur attirance mutuelle que la séparation finale. L’inventivité quelque peu
anarchique de ses œuvres ouvertement comique trouve ici une rigueur qui
n’empêche pas une grande liberté narrative et esthétique.
Singer intervient
ainsi en ouverture face caméra pour nous donner sa vision douce-amère de la
vie, rebondit par un montage astucieux sur des anecdotes souvenirs qu’il
revisite et analyse avec le cynisme et la dérision de son « moi »
contemporain (hilarante séquence où il revisite sa classe de primaire et son
intérêt déjà bien affirmé pour les filles) tout en interpelant le spectateur
sûr de son fait. Cette exaspération permanente du personnage est aussi
l’occasion d’introduire des références plus intellectuelles à son idole Ingmar
Bergman, des extraits du Chagrin et la
Pitié (1969) en reflet décalé de son obsession pour l’antisémitisme et
l’occasion mémorable de rabattre le caquet à un voisin de file pédant en
faisant intervenir l’intellectuel Marshall McLuhan (Allen aura approché sans
succès Fellini et Buñuel pour cette scène).
On aura même une séquence en dessin
animé où pour exprimer son attirance pour les femmes compliquées, Allen crée
une séquence en dessin animé le voyant amant de la méchante de Blanche-Neige (1937) qui a bien sûr sa
préférence plutôt que l’héroïne pure du conte.
Tous ces artifices s’estompent pourtant dès qu’on touche à
l’intime de sa relation avec Annie, ne traversant par leurs scènes communes
mais s’y fondant tel ce moment où les pensées intimes s’affiches en sous-titres
pour témoigner de leur gêne et émois intérieur tandis que la conversation en
elle-même est anecdotique.
Baignant dans la photo à l’éclat automnal de Gordon
Willis, la romance se fait dans un kaléidoscope fait de purs moment de grâces
visuelle tel ce baiser sur fond de panoramas new yorkais somptueux ou le
premier échange maladroit après la partie de tennis où Annie (merveilleuse
Diane Keaton à ce moment) ne sait comment aborder Alvy. Le charme naît autant
de ces moments romantiques assumés que de ceux plus amusés où se tisse
réellement la complicité du couple comme ce baiser expédié pour se détendre une
bonne fois pour toute lors du premier rendez-vous ou cette invasion de homards.
Le premier rabibochage après une première séparation est une merveille
également avec un Alvy venu chasser une araignée de chez Annie pour ne plus
repartir. A ce stade, le couple s’est trop rapproché pour ne pas commencer à
inévitablement se déliter. La relation fusionnelle les amène à partager une des
grandes obsessions de Woody/Alvy, la psychanalyse. S’étonnant au départ de la
thérapie de 15 ans suivit par Alvy, Annie finira sur son insistance à y céder
aussi, jetant un regard neuf sur leur relation.
Dès lors toutes les
différences, traits de caractères et excentricités qui les complétaient
tendront à les séparer : les origines wasp et bourgeoise d’Annie contre
celles juive et de souche populaire d’Alvy, la curiosité d’Annie et les aspirations
professionnelles d’Annie face au renfermement sur soi d’Alvy… Tout cela est
amené progressivement pour culminer lors de cette séquence en split-screen où
les confidences de chacun chez son psychanalyste et sur des éléments communs
débouchent sur des interprétations totalement différentes.
La séquence opposant pensée et attitude est reprise et détournée également pour illustrer le fossé qui les séparent désormais. Allen fait même au final une opposition symbolique entre son amour pour New York et l’aversion de la vie californienne (dont il se moque avec un plaisir certain) à laquelle aspire désormais Annie.
La séquence opposant pensée et attitude est reprise et détournée également pour illustrer le fossé qui les séparent désormais. Allen fait même au final une opposition symbolique entre son amour pour New York et l’aversion de la vie californienne (dont il se moque avec un plaisir certain) à laquelle aspire désormais Annie.
Les petites saynètes supposées prolonger la tonalité décalée
même aux scènes de ruptures (le partage des livres) n’ont plus la fougue du
début du film et teinte le film de mélancolie et de regret. Allen ne verse
cependant jamais dans le vrai désespoir et pour une ultime entrevue où le
couple de désintègre définitivement en Californie, il en offrira une autre
voyant les désormais amis se retrouver et évoquer le bon vieux temps.
Après tout, Diane Keaton est restée par la suite une des meilleurs amie de Woody Allen, tournant encore quatre films avec lui (Intérieurs (1978), Manhattan (1979), Radio Days (1987) et Meurtre mystérieux à Manhattan (1993) où elle remplaçait Mia Farrow). La vie avec ses hauts, ses bas et ses dysfonctionnements divers vaut la peine d’être vécue, à l’image de la relation avortée mais si touchante qui nous est racontée ici. Pour Woody Allen cette transformation sera une consécration avec l’obtention de 4 Oscars dont celui de meilleur film, scénario, réalisateur et bien évidemment actrice pour Diane Keaton.
Après tout, Diane Keaton est restée par la suite une des meilleurs amie de Woody Allen, tournant encore quatre films avec lui (Intérieurs (1978), Manhattan (1979), Radio Days (1987) et Meurtre mystérieux à Manhattan (1993) où elle remplaçait Mia Farrow). La vie avec ses hauts, ses bas et ses dysfonctionnements divers vaut la peine d’être vécue, à l’image de la relation avortée mais si touchante qui nous est racontée ici. Pour Woody Allen cette transformation sera une consécration avec l’obtention de 4 Oscars dont celui de meilleur film, scénario, réalisateur et bien évidemment actrice pour Diane Keaton.
Sorti en dvd zone 2 et en bluray chez MGM
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