Suite à la rencontre
de Gregorius, un champion de lutte, Harry Fabian décide d'organiser des
combats. Ce dernier utilise toujours des combines louches ou compliquées pour
mener à bien ses projets et cette fois-ci n'échappe pas à la règle... Il fait
appel à des personnes peu recommandables auprès desquelles il doit rapidement
en découdre.
Les Forbans de la nuit
voit Jules Dassin conclure une trilogie urbaine entamée avec La Cité sans voiles (1948) et Les bas-fonds de Frisco (1949). Adapté d’un
roman de Gerald Kersh, le film s’avère précurseur du mode qui aura surtout
cours quelques années plus tard à Hollywood avec un tournage en Europe et plus
précisément délocalisé à Londres. La première raison est économique puisqu’à l’époque
les bénéfices engrangés au box-office pour les films US sont législativement
bloqués en Angleterre et afin de ne pas perdre cet argent disponible, mieux
vaut produire un film sur place, pur film de studio ou coproduction locale.
Jules Dassin se trouve également déjà dans le collimateur de la Commission Hays
pour ses sympathies communiste et le studio voit d’un bon œil de l’éloigner un
temps d’Hollywood et le réalisateur s’installera d’ailleurs définitivement en
Europe après le tournage.
Dans la lignée de ses deux œuvres précédentes, Dassin se
déleste de toute velléité et imagerie touristique dans sa description de
Londres pour privilégier le versant sordide des bas-fonds de la ville.
C’est le
Londres des petites frappes, des vendeurs à la sauvette, mendiant et gangster
qui nous est dépeint ici dans toute sa crudité (les anglais détesteront d’ailleurs
le film à sa sortie). Le sentiment de grouillement et d’urgence frappe d’entrée
et va se concrétiser à travers le personnage d’Harry Fabian (Richard Widmark) fuyant
dans les ruelles sombres et désertes un créancier tenace. Tout est déjà résumé
là, les ennuis affleurent vite après un Harry pour lequel le récit sera une
fuite en avant concrète ou sen suspens. Harry a des rêves de grandeur et de
réussite (I want to be somebody), de
l’énergie à revendre pour les réaliser mais empruntera constamment des chemins
et pratiques dangereux pour atteindre son but. La même filouterie et bagout de
rabatteur de de nightclub lui sert ainsi pour se lancer dans un projet
hasardeux de combats de lutte dont il serait le grand promoteur.
La quête de
réussite du personnage est sans but concret si ce n’est celle des apparences et
il s’adapte ainsi aux opportunités qui se présentent à lui. C’est ainsi au
hasard et selon ses méthodes d’arnaqueur à la petite semaine qu’il montera
cette affaire qui naît d’emblée de la manipulation et du mensonge. Embobinant
le très puriste père (Stanislaus Zbyszko vrai champion de lutte) du boss du
circuit de la lutte à Londres (Herbert Lom charismatique et inquiétant), Fabian
entraîne une âme pure son échec annoncé puisqu’il s’acoquinera à un patron de
club peu recommandable (Francis L. Sullivan) et son épouse veule (Googie
Withers) pour se financer. Ces fondations branlantes l’entraîneront dans la
spirale d’un échec annoncé ou toutes les petites trahisons, mensonges et reniement
l’aliéneront de ceux croyant en lui (Gregorius mais aussi sa fiancée jouée par
Gene Tierney dans un petit rôle) et déchaîneront sur lui ses accointances les
plus douteuses.
Richard Widmark promène une nouvelle fois sa folie et sa
nervosité avec un brio certain. Une sourde angoisse pointe ainsi constamment
sous une assurance de façade, Harry Fabian étant constamment en parade et en
faisant trop comme pour se rassurer inconsciemment. Lorsque les évènements
tournent en sa défaveur, cette tension peut alors exploser. Pas dans la
violence comme certains rôles fameux de l’acteur (Carrefour de la Mort (1947) en tête) mais dans une détermination
fiévreuse à endiguer la fatalité qui le rend méprisable comme lorsqu’il ira
voler les économies de sa fiancée pour se sortir d’affaire. Il n’y a que les
proportions des ennuis qui changent finalement puisqu’en début de film il
fouille le sac de Gene Tierney en quête de 5 livres pour à la fin et aux abois lui
en voler 200.
Fabian est un perdant dont l’échec était annoncé en dépit de
toutes ses manigances comme le résumera cette réplique cinglante au plus fort
de sa détresse : « You've got it all. But you're a dead man. ». Jules
Dassin au fil de cette déchéance perd la silhouette frêle de Widmark dans des
environnements urbains de plus en plus oppressant où la photo de Max Greene le
fait disparaître dans les recoins sombres de l’image.
Dassin prend un tour
expressionniste pour capturer le visage révulsé, terrifié et en nage d’un
Widmark de plus en plus conscient de sa mort imminente. Le fantastique n’est
pas loin dans la manière furtive de faire apparaître ses poursuivants (le
splendide final ou Herbert Lom et ses acolyte le guette depuis le pont), ombres
et spectres prêt à fondre sur lui. La conclusion est aussi saisissante que
pathétique dans le terrible sort qu’elle réserve à son héros. Une des très
grandes réussites de Dassin.
Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta
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