Le dernier jour de
cours d'une petite ville du Texas en 1976. Après le bizutage traditionnel des
futurs lycéens, les différents protagonistes fêtent le début des vacances en
buvant, fumant, faisant les 400 coups… La soirée sera l'occasion pour les
personnages de se rapprocher, s'affirmer, évoluer ou tout simplement s'amuser.
Deuxième film de Richard Linklater, Dazed and Confused est aussi une de ses œuvres les plus
personnelles. Le réalisateur après
s’être fait la main sur plusieurs court-métrage avait acquis une certaine
maîtrise des budgets restreint qui le mènerait à Slackers (1991), première œuvre culte et symbole de la Génération
X. On y retrouvait déjà les motifs
communs de tous ses premiers films avec ces héros juvéniles et son unité de
temps sur une journée que l’on retrouverait dans Dazed and Confused (on peut ajouter le cadre de son Texas natal
pour celui-ci) et Before Sunrise (1995). Linklater signe avec Dazed
and Confused un teen movie nostalgique en grande partie inspiré de sa
propre adolescence. Nous y suivront en ce dernier jour d’année scolaire 1976 le
destin de divers adolescents qui vont fêter dignement l’évènement pour
s’amuser, s’affirmer et vivre pour certains leurs premiers émois amoureux. Le
réalisateur a souhaité avec ce film réaliser une œuvre en contrepoint total aux
films de John Hughes. Ces derniers s’ils avaient pu dépeindre avec émotion et
acuité cette période charnière de l’adolescence en donnaient une vision
dramatique qui ne correspond pas au ressenti de Linklater de ce moment.
Le
réalisateur se souvient de cette époque comme de celle d’une insouciance et
liberté où il ne pensait qu’à faire les les 400 coups avec ses amis et courir
les filles. C’est ce sentiment que cherche à communiquer une trame
volontairement lâche où ne s’invite à aucun moment le drame. On pourrait penser
une sorte de variation d’American
Graffiti (1973) mais contrairement à George Lucas, Linklater se déleste de
toute aura nostalgique (clairement présente chez Lucas dans une idéalisation des
50’s de sa propre adolescence). Les cheveux sont longs, les pantalons patte
d’éléphants légions et la bande-son rock rétro à l’avenant – avec douce ironie
l’absence de Led Zeppelin dont l’un des morceaux les plus fameux donne son titre
au film mais Robert Plant refusera d’en céder les droits – mais à aucun moment
ne s’instaure ici une idéalisation vintage. Linklater ne célèbre pas la jeunesse
des 70’s, mais la jeunesse tout court. Pas de questionnement existentiel
non plus chez nos jeunes gens, après tout c’est le dernier jour de classe, il
fait beau et il n’y a vraiment aucune raison de se prendre la tête.
L’erreur serait de voir par cette approche de Linklater un
film creux. La profondeur thématique ne naîtra pas que d’une dramatisation forcée mais de façon plus subtile dans une atmosphère hédoniste et
légère. Les moments difficiles trouveront toujours une réponse amusée dans la
progression de l’intrigue ou la réaction des personnages. Le bizutage des
premières années prend ainsi un tour aussi potache que douloureux, la vision
collective parvenant toujours à se faire intime. On s’amuse des
« épreuves » subies par les benjamins du lycée et les manœuvres de
certains pour y échapper, notamment le jeune Mitch Kramer (Wiley Wiggins) traqué
par la brute épaisse O’Bannion (Ben Affleck). L’angoisse est bien là, la raclée
sera humiliante et douloureuse mais le réalisateur en retient surtout la
dimension de rite de passage de Mitch chez les « grands ». Il ne
cautionne ni ne condamne le rituel, accordant même une savoureuse vengeance au
personnage qui gagne en assurance en vivant première cuite, premier flirt avec
une fille plus âgée et premier savon maternel matinal pour être rentré aux
aurores.
Le questionnement sur la jeunesse paumée de Slacker n’est pas absent non plus avec cette flopées personnages
fumant, buvant et traversant tout le film particulièrement perchée à l’image de
Ron Slater (Rory Cochrane). Pink (Jason London) superstar de l’équipe de
football entraperçoit déjà une forme de soumission à l’autorité en devant
signer une clause de « pureté » à son entraîneur et se rebelle contre
ce frein à sa liberté. Là encore le réalisateur laisse le bon choix à la libre
interprétation en montrant l’esprit de camaraderie tendant vers un objectif des
membres de l’équipe mais aussi l’autoritarisme et jugement de valeur injuste de
la part de l’entraîneur psychorigide. Chaque fois que les prémisses et les
difficultés de la « vraie » vie viennent s’immiscer dans cet instant,
un grand éclat de rire vient les désamorcer sans les faire disparaître pour
autant. L’avenir sans issue pourrait ainsi inquiéter avec le glandeur
désinvolte Wooderson (Matthew McConaughey en grande révélation et texan pur jus
comme Linklater) qui ne semble pas faire grand-chose de sa vie après avoir
quitté l’école, mais Linklater ne préfère retenir que la cool attitude du
personnage plus préoccupé du prochain concert d’Aerosmith et de sa future
conquête du jour.
C’est le moment du laisser-aller, où l’on peut se libérer des frustrations
(Adam Goldberg osant rendre la pareille à la brute du coin) où les premiers
amours semblent les plus fragiles et touchant à l’image de l’échange final
entre Tony (Anthony Rapp) et Sabrina (Christin Hinojosa). Demain n’existe pas
et chacun vit les instants les plus heureux de sa vie semble nous dire
Linklater, qui n’installe d’ailleurs pas le film dans un moment décisif de
l’existence de ces jeunes gens, pas encore confrontés aux échéances scolaires
et professionnelles. On retrouve ainsi déjà à une échelle plus collective ce sentiment d’attente, d’éphémère et de plénitude en suspend qui fera tout le charme du diptyque Before Sunrise/ Before Sunset (le troisième volet forçant pas forcément pour le meilleur le côté dramatique).
Un film culte qui gagnera en grandeur au fil des années jusqu’à la consécration lorsque Tarantino le classera parmi ses dix films favoris et ranimera son aura puisque le succès fut d’estime à sa sortie en dépit des critiques élogieuse. Un teen movie unique en son genre qui n’a trouvé finalement qu’un seul vrai successeur récemment avec le beau The Myth of The American Sleepover (2010).
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal
Un film culte qui gagnera en grandeur au fil des années jusqu’à la consécration lorsque Tarantino le classera parmi ses dix films favoris et ranimera son aura puisque le succès fut d’estime à sa sortie en dépit des critiques élogieuse. Un teen movie unique en son genre qui n’a trouvé finalement qu’un seul vrai successeur récemment avec le beau The Myth of The American Sleepover (2010).
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal
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