Steve Sinclair est un tireur repenti et
coule maintenant des jours paisibles dans son ranch "Double S". Son
jeune frère, en revanche, ne s'est pas retiré de la vie tumultueuse des
affrontements aux revolvers et se vante d'être un roi de la gâchette.
Ayant fait la connaissance de la belle Joan Blake, chanteuse dans un
saloon, il vient présenter à son frère sa future fiancée.
Un superbe western qui participe au souffle novateur du genre en cette fin des années 50 avec des œuvres comme Le Gaucher
d'Arthur Penn sorti la même année. Avec Robert Parrish cette mutation
se fait moins démonstrative que chez Penn, s'inscrivant au cœur d'un
récit subtil et intense. Le film traite d'un conflit fraternel entre
l'aîné Steve Sinclair (Robert Taylor) et son cadet Tony (John
Cassavetes), tous deux dirigeant un ranch dans une vallée paisible.
Ancien hors-la-loi repenti, Steve a élevé son frère et fait plus figure
de père de substitution dans sa volonté de calmer la fougue de Tony.
Robert Taylor sa présence taciturne et son stoïcisme offre un parfait
contrepoint adulte et stable à la prestation de John Cassavetes
imprégnée de la méthode où il fait preuve d'un agitation permanente dans
le phrasé et l'attitude, d'un besoin enfantin d'attirer les regards. On
ressent dans cette attitude chez Tony est besoin maladif de d'épater,
d'égaler puis de surpasser son frère aîné qu'il admire.
Cela sera
visible lorsqu'il amènera de la ville sa fiancée Joan Blake (Julie
London) mais finalement dans l'Ouest le meilleur moyen de se distinguer,
de susciter la crainte et l'admiration de tous, c'est par son brio à la
gâchette. L'attitude psychotique qu'il a de s'exercer au tir avec son
nouveau revolver montrera qu'il suffira d'une occasion pour éveiller ses
bas instincts. Celle-ci se présentera lorsqu'un redoutable tueur
(Charles McGraw) viendra se venger de Steve et que Tony sous prétexte de
protéger son frère ressentira pour la première fois le gout du sang en
réussissant à le tuer. Un premier forfait réussi par pure chance (la
formidable scène d'introduction inspirée des Tueurs
de Robert Siodmak (et de la nouvelle d'Hemingway évidemment) ayant
capturée toute la dangerosité et la menace de Charles McGraw), ce dont
Tony est conscient sans se l'avouer mais le mal est fait son
bouillonnement intérieur a trouvé sa raison d'être en recherchant
jusqu'au bout cette adrénaline mortelle.
John Cassavetes
s'inscrit dans la veine de ces personnages juvénile, psychotiques et
imprévisibles qu'on trouve dans les westerns de cette période comme le
Paul Newman du Gaucher ou le Robert Wagner du Brigand bien-aimé
(1957). Des êtres qui amènent un malaise et une instabilité dans le
genre par des actions reposant plus sur une psychologie torturée qu'un
objectif déterminé et un trame classique. Tony s'oppose ainsi à tous les
autres protagonistes à l'inverse en quête de cette stabilité,
nécessaire suite à un passé qu'on devine pour chacun douloureux. Steve
par cette vie d'éleveur souhaite définitivement tourner le dos à son
passé de tueur. Joan recherche quant à elle une existence décente et
calme après avoir chanté dans les saloons les plus sordides.
Dennis
Deneen (Donald Crisp) rêve lui de faire de cette vallée un havre de paix
et abhorre la violence qui lui a coûté un fils. Parrish amène cette
même conviction au poignant personnage secondaire de Clay Ellison (Royal
Dano), ancien soldat nordiste cherchant une terre où enfin s'établir
avec sa famille. Ce type de héros perdus, en recherche d'attache, sont
typique de Robert Parrish notamment Robert Mitchum dans L'Aventurier du Rio Grande, Gregory Peck dans La Flamme pourpre (1954) ou les exilés de L'Enfer des tropiques (1957).
Le réalisateur accorde à chacun une belle séquence intimiste où
s'exprimera avec sobriété cette blessure à cicatriser, ce manque à
combler. On pense aux échanges entre Robert Taylor et Julie London ou en
quelques mots ils sauront reconnaître leur fêlures mutuelles et se
rapprocher (tout cela sans vraie scène d'amour le lien se faisant
implicite), l'arrivée nocturne et l'attitude digne de Clay Ellison chez
Dennis Deneen. Tony est trop jeune, trop dangereux et fougueux pour
avoir de tels attentes et sèmera le chaos sans se soucier de personne.
Parrish
fait remarquablement s'équilibrer ces volontés divergentes entre
quiétude et anarchie. Les scènes de violence sont sèches et
douloureuses, contrebalancées par des moments contemplatifs où se
dévoile une science du décor impressionnante avec ce scope embrassant le
panorama de cette vallée verdoyante et de son arrière-plan montagneux.
L'introspection côtoie la furie la plus prononcée d'une scène à l'autre
(l'échange apaisé entre Taylor et Julie London directement suivie par
l'agression du camp d'intrus par Tony), ces désirs antinomiques
finissant par s'entremêler dans le duel final où la prairie inondée de
fleur sert de cadre à un affrontement fratricide inéluctable. Le film
surprend d'ailleurs jusqu'au bout par l'issue de ce duel avec un anti
climax inattendu et poignant. Un captivant western.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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