Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 2 juin 2014

Libre comme le vent - Saddle the Wind, Robert Parrish (1958)

Steve Sinclair est un tireur repenti et coule maintenant des jours paisibles dans son ranch "Double S". Son jeune frère, en revanche, ne s'est pas retiré de la vie tumultueuse des affrontements aux revolvers et se vante d'être un roi de la gâchette. Ayant fait la connaissance de la belle Joan Blake, chanteuse dans un saloon, il vient présenter à son frère sa future fiancée.

Un superbe western qui participe au souffle novateur du genre en cette fin des années 50 avec des œuvres comme Le Gaucher d'Arthur Penn sorti la même année. Avec Robert Parrish cette mutation se fait moins démonstrative que chez Penn, s'inscrivant au cœur d'un récit subtil et intense. Le film traite d'un conflit fraternel entre l'aîné Steve Sinclair (Robert Taylor) et son cadet Tony (John Cassavetes), tous deux dirigeant un ranch dans une vallée paisible. Ancien hors-la-loi repenti, Steve a élevé son frère et fait plus figure de père de substitution dans sa volonté de calmer la fougue de Tony. Robert Taylor sa présence taciturne et son stoïcisme offre un parfait contrepoint adulte et stable à la prestation de John Cassavetes imprégnée de la méthode où il fait preuve d'un agitation permanente dans le phrasé et l'attitude, d'un besoin enfantin d'attirer les regards. On ressent dans cette attitude chez Tony est besoin maladif de d'épater, d'égaler puis de surpasser son frère aîné qu'il admire.

 Cela sera visible lorsqu'il amènera de la ville sa fiancée Joan Blake (Julie London) mais finalement dans l'Ouest le meilleur moyen de se distinguer, de susciter la crainte et l'admiration de tous, c'est par son brio à la gâchette. L'attitude psychotique qu'il a de s'exercer au tir avec son nouveau revolver montrera qu'il suffira d'une occasion pour éveiller ses bas instincts. Celle-ci se présentera lorsqu'un redoutable tueur (Charles McGraw) viendra se venger de Steve et que Tony sous prétexte de protéger son frère ressentira pour la première fois le gout du sang en réussissant à le tuer. Un premier forfait réussi par pure chance (la formidable scène d'introduction inspirée des Tueurs de Robert Siodmak (et de la nouvelle d'Hemingway évidemment) ayant capturée toute la dangerosité et la menace de Charles McGraw), ce dont Tony est conscient sans se l'avouer mais le mal est fait son bouillonnement intérieur a trouvé sa raison d'être en recherchant jusqu'au bout cette adrénaline mortelle.

John Cassavetes s'inscrit dans la veine de ces personnages juvénile, psychotiques et imprévisibles qu'on trouve dans les westerns de cette période comme le Paul Newman du Gaucher ou le Robert Wagner du Brigand bien-aimé (1957). Des êtres qui amènent un malaise et une instabilité dans le genre par des actions reposant plus sur une psychologie torturée qu'un objectif déterminé et un trame classique. Tony s'oppose ainsi à tous les autres protagonistes à l'inverse en quête de cette stabilité, nécessaire suite à un passé qu'on devine pour chacun douloureux. Steve par cette vie d'éleveur souhaite définitivement tourner le dos à son passé de tueur. Joan recherche quant à elle une existence décente et calme après avoir chanté dans les saloons les plus sordides.

Dennis Deneen (Donald Crisp) rêve lui de faire de cette vallée un havre de paix et abhorre la violence qui lui a coûté un fils. Parrish amène cette même conviction au poignant personnage secondaire de Clay Ellison (Royal Dano), ancien soldat nordiste cherchant une terre où enfin s'établir avec sa famille. Ce type de héros perdus, en recherche d'attache, sont typique de Robert Parrish notamment Robert Mitchum dans L'Aventurier du Rio Grande, Gregory Peck dans La Flamme pourpre (1954) ou les exilés de L'Enfer des tropiques (1957). Le réalisateur accorde à chacun une belle séquence intimiste où s'exprimera avec sobriété cette blessure à cicatriser, ce manque à combler. On pense aux échanges entre Robert Taylor et Julie London ou en quelques mots ils sauront reconnaître leur fêlures mutuelles et se rapprocher (tout cela sans vraie scène d'amour le lien se faisant implicite), l'arrivée nocturne et l'attitude digne de Clay Ellison chez Dennis Deneen. Tony est trop jeune, trop dangereux et fougueux pour avoir de tels attentes et sèmera le chaos sans se soucier de personne.

Parrish fait remarquablement s'équilibrer ces volontés divergentes entre quiétude et anarchie. Les scènes de violence sont sèches et douloureuses, contrebalancées par des moments contemplatifs où se dévoile une science du décor impressionnante avec ce scope embrassant le panorama de cette vallée verdoyante et de son arrière-plan montagneux. L'introspection côtoie la furie la plus prononcée d'une scène à l'autre (l'échange apaisé entre Taylor et Julie London directement suivie par l'agression du camp d'intrus par Tony), ces désirs antinomiques finissant par s'entremêler dans le duel final où la prairie inondée de fleur sert de cadre à un affrontement fratricide inéluctable. Le film surprend d'ailleurs jusqu'au bout par l'issue de ce duel avec un anti climax inattendu et poignant. Un captivant western.

Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side

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