Joe Kirby, 15 ans, est
un lecteur assidu du journal The Trump, et notamment des bandes dessinées
policières qui y figurent. Un jour, dans la rue, tout en lisant sa revue, il
remarque une plaque d'immatriculation en tout point similaire à celle de
l'aventure qu'il est en train de lire. Son imaginaire débordant, et l'esprit
aventureux de ses camarades de bande, vont le convaincre qu'une association
criminelle se cache derrière cette publication d'apparence anodine, et que
c'est à lui de résoudre le mystère !
La Ealing jusque-là un studio à la production versatile ne
deviendra le terreau de la comédie anglaise qu’avec le succès de Passeport pour Pimplico (1949). Hue and cry est une œuvre de transition
qui précède ce changement, aventure policière enfantine plutôt que pure
comédie, le film annonce cependant le mélange de satire sociale et contexte
réaliste qui fera le sel des meilleurs comédies Ealing. Le lien se fait par la
présence du scénariste T.E.B. Clarke, à l’œuvre sur Passeport pour Pimplico et d’autres grandes réussites du studio comme De l’or en barre (1951) ou Tortillard pour Titfield (1953).
Le jeune Joe Kirby (Harry Fowler), féru des bd policières du
journal The Trump va un jour
constater les étranges similitudes entre des éléments de son quotidien et les
trames criminelles de sa revue. En effet, la plaque d’immatriculation des
voleurs de l’histoire qu’il lit passe sous ses yeux à sa plus grande stupeur.
La bascule de la fiction au réel se fait symboliquement en reproduisant à l’image
une bulle de bd signifiant l’imaginaire débordant de Joe dont les aspects vont
pourtant bien se retrouver dans la trame policière du récit. Les criminels
usent en effet des récits policiers pour échanger des messages codés quant à la
préparation de leurs futurs méfaits. Forcément seuls les jeunes lecteurs seront
capables de détecter la supercherie et, pas pris au sérieux par les adultes
vont devoir jouer les détectives en herbes. Les futurs films du Free Cinema
mettant en scène les angry young men
au début des 60’s montraient de jeunes adultes en rébellion contre une société
résignée et endormie après l’expérience des privations de la guerre.
Hue and cry anticipe presque cela avec
ses enfants dénigrés par les adultes quels qu’ils soient (policiers, parent)
tous plus préoccupés à survivre qu’à observer ce qui se passe autour d’eux. Ce
traumatisme de la guerre imprègne le récit, autant dans la caractérisation des
enfants (le traumatisme du Blitz se devinant lorsque le jeune Alec s’amuse
longuement à imiter les bruits de fusillades et de bombardements d’avions) que
dans l’arrière-plan du film et ce Londres en reconstruction et parcourus de
ruine. Un terrain de jeu idéal pour nos chérubins et qui fait presque basculer
le film dans un néoréalisme à l’anglaise, sauf que l’ensemble est abordé de
manière ludique avec ce jeu de piste trépidant à travers Londres. Le film est
ainsi une réponse aux inquiétudes d’alors des adultes envers ses jeunes
sauvageons livrés à eux même dans les ruines, mais au contraire T.E. Clarke
annonce déjà les communautés isolés et vaillantes des productions Ealing à
venir avec ce groupe de détective en herbe.
Cette imagerie documentaire se conjugue à celle d’un vrai
film noir (parfois dans la même séquence comme lorsque les enfants filent Miss
Davis dans le quartier de Holborn en travaux), l’aspect ludique de l’ensemble n’empêchant
pas les vrais moments inquiétant. Tant que le doute règne cela peut être
désamorcé comme la pure ambiance gothique de la première rencontre avec l’écrivain
incarné par Alastair Sim, ce dernier se déchargeant d’ailleurs de toutes
responsabilités comme tous les adultes du film (dans une même logique tous les
criminels sous-estimeront l’astuce des enfants).
Les atmosphères urbaines se
font diablement oppressantes et ténébreuses, notamment une traversée des égouts
où ressurgissent toutes les terreurs enfantines. Les truands aux mines
patibulaires son mis en image de la façon la plus outrées, grotesques (dans cet
esprit bd) mais aussi inquiétantes dans les effets expressionnistes de Charles
Crichton.
Les gamins, gouailleurs et débrouillards sont très attachants et
débordants de naturel, en particulier Joe interprété avec une fougue
communicative par Harry Fowler. Crichon rend chacun immédiatement identifiable
qu’ils soient nommés ou pas en capturant une bouille poupine, une attitude.
Cette idée culmine lors du mémorable final où une véritable armée de gamins va
se dresser face aux criminels dans un joyeux esprit d’entraide au cours d’une
bagarre homérique (le score de Georges Auric prenant de beaux élans épiques).
L’ultime
face à face entre Joe et le chef des bandits dans un immeuble éventé offre d’ailleurs
la fusion parfaite entre cette approche réaliste et la stylisation d’un décor
dans un pur objectif de suspense. Le geste victorieux signifiera d’ailleurs de
fort belle manière la prise en main de la jeune génération. Un sacré bon moment
que ce Club des Cinq londonien.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
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