Entre ses potes et
l’entreprise familiale, l’été d'Arnaud s’annonce tranquille… Tranquille jusqu'à sa rencontre avec
Madeleine, aussi belle que cassante, bloc de muscles tendus et de prophéties
catastrophiques. Il ne s’attend à rien ; elle se prépare au pire. Jusqu'où la
suivre alors qu'elle ne lui a rien demandé ? C’est une histoire d’amour. Ou une
histoire de survie. Ou les deux.
Thomas Cailley signe un premier film captivant, original et
prometteur avec ce remarquable Les
Combattants. Le film est une extension des thèmes développés dans le
premier court-métrage du cinéaste, Paris-Shanghai.
Celui-ci confrontait un trentenaire cherchant un sens à sa vie et s’étant
imposé un périple de 30 000 km vélo
avec un jeune homme de 17 ans plus ancré dans la vie réelle et devant surmonter
des problèmes plus concrets. Les aspirations, l’âge et le caractère différent
des personnages amenait une légèreté bienvenue tout en amenant une réelle
profondeur l’ensemble. Durant le
tournage et au hasard des zappings tv, Thomas Cailley tombe sur les shows d’aventures sensation de Bear Grylls, roi de la survie en
milieu naturel hostile. Dès lors lui vient l’idée de façonner un personnage
extrême justement attirée par ce culte de la survie et de le confronter à un
autre plus terre à terre. Il pousse ainsi à l’extrême le postulat de
Paris-Shanghai tout en y intégrant cette fois une histoire d’amour. Au terme d’un
long et minutieux travail d’écriture, le résultat va s’avérer remarquable.
Le film dépeint le rapprochement de deux jeunes gens qui se
cherchent mais qui empruntent des chemins bien différents pour trouver un sens leur vie. Arnaud (Kevin Azaïs), garçon
paisible e rêveur se laisse quelque peu porter par les évènements sans savoir
où aller et intègre ainsi faute de mieux l’entreprise familiale à la mort de
son père. A l’inverse Madeleine (Adèle Haenel) semble déjà avoir tout compris
ce monde qui court à sa perte se prépare déjà
sa survie par les exercices physiques douloureux qu’elle s’impose et par
son caractère bourru de garçon manqué. Dans la comédie romantique, les amoureux
ont l’habitude de s’affronter avant de s’aimer et Cailley pousse l’extrême le cliché ici puisque nos deux
héros se rencontre durant une simulation de lutte dans le cadre d’une campagne
de recrutement miliaire. Arnaud manque d’être humilié par cette drôle de fille
et ne s’en sort qu’en la mordant. Recroisant Madeleine sur le chantier dans
lequel il travaille, Arnaud est bientôt subjugué par le caractère hors-norme de
Madeleine, sa nature renfrognée et ses idées fatalistes.
La romance s’opèrera en trois temps, nos amoureux se
jaugeant chacun dans leur élément avant de trouver une zone commune de
complicité. L’astuce sera de contredire nos attentes sur qui sera à son
avantage dans les espaces parcourus. Madeleine en impose ainsi sacrément dans
le monde « réel » pour lequel elle n’est manifestement pas faite mais
que son pessimisme épouse finalement bien. Arnaud bien que fondu dans l’univers
professionnel ne semble au contraire là que par défaut faute de savoir que
faire, son caractère doux semblant perméable à toute situation. Madeleine va
amener un objectif et une certaine détermination chez Arnaud amoureux d’elle
tandis que lui va semer le doute dans ses grandes certitudes, la jeune femme
prenant enfin conscience de ce qui l’entoure. Ainsi Arnaud va suivre Madeleine
dans son stage de survie militaire où le rapport de force va s’inverser. Le
tempérament obtus de Madeleine ne se prêtera ainsi guère à la rigueur militaire
mais la capacité d’adaptation d’Arnaud en fait
l’inverse un des leaders de la promotion. Forcément cette bascule va
faire des étincelles.
Thomas Cailley orchestre fait de ces différents univers des
espaces mentaux où le lien changeant des protagonistes se fait en filigrane par
l’image. Le monde réel est donc plutôt neutre, froid et monochrome, faits de
teintes bleutées qui rendent le lien amoureux impossible et/ou à sens unique
tel cette très sensuelle attente sous la pluie où il ne se passera rien. L’épisode
du stage militaire prendra lui une imagerie plus chaude et orangées voire illustrant
le dépit de Madeleine et le conflit qui l’oppose la fois à ce monde militaire mais aussi la réussite d’Arnaud qu’elle n’accepte pas.
Le moment pivot du récit sera donc lorsqu’Arnaud excédé sort enfin de ses
gonds, obligeant Madeleine lui courir
après son tour.
La troisième partie, celle de leur survie commune en forêt
signe donc cet accomplissement amoureux où ce vaste espace naturel va signifier
un cadre où ils peuvent s’aimer. La débrouillardise d’Arnaud et la témérité
impétueuse de Madeleine y sont tout aussi utiles et Thomas Cailley marque cet
apaisement tant attendu de la luminosité verdoyante de cette forêt. Les deux
jeunes acteurs sont excellents, Kevin Azaïs attachant, emprunté mais déterminé
et Adèle Haenel absolument fascinante. Sur le papier son personnage a tout pour
être antipathique mais la sensibilité et vulnérabilité se devinant sous les
attitudes bravaches donnent envie de la suivre au bout du monde malgré tous ses
écarts. Tout passe par ce regard intense et une gestuelle faussement assurée,
cette gaucherie s’avérant craquante dans les situations – sa maladresse se faire pardonner ou encore l’épisode du
chien – comme les dialogues puisque quand elle prendra enfin l’initiative dans
la magnifique scène d’amour, elle affirmera vouloir seulement « passer le
temps » quand on devine au contraire toute la fièvre qui l’anime.
Après avoir si brillamment mis à nu son couple, Thomas
Cailley réendosse de nouveau à sa manière les clichés du boy meets girl. Du garçon timide et malingre, Arnaud assume enfin
le statut de héros/prince charmant qui va sauver la demoiselle en
détresse/princesse à laquelle Madeleine enfin vulnérable mais aussi confiante
en l’autre est réduite. Visuellement le réalisateur lorgnerait presque vers le
fantastique avec ces visions surprenantes de villages déserts, ces nuages et
pluies de cendre qui donne une atmosphère étrange et inquiétante à l’ensemble.
La précision des cadrages et la magnificence des images (la photo étant assurée
par le frère du réalisateur David Cailley) confèrent une touche singulière au
film où l’évolution n’est jamais surlignée (certains éléments comme la mort du
père étant juste suggéré). Thomas Cailley oscille ainsi entre rigueur
documentaire (son premier métier puisqu’il produisait des documentaires pour la
télévision) dans la description des stages militaires et un vrai sens du
symbolisme, notamment par le montage avec cette superbe transition en fondu
enchaîné entre les poussins congelés et nos héros vus de loin sur une barque en
mer. Dans chacune de ces approche se dessine aussi un vrai sens de la
comédie travers quelques situations et
échanges décalés qui arrachent des sourires.
Lui s’étant montré digne de Madeleine et elle enfin ouverte à
Arnaud, nos amoureux sont cette fois sur un pied d’égalité que Thomas Cailley
exprime avec humour par une belle complicité dans cette quête désormais commune
de la survie face leur avenir incertain
et radieux la fois. Une belle réussite
récompensée d’ailleurs par trois Césars (Meilleure actrice, meilleur
espoir masculin et meilleur première œuvre) ainsi que du Prix Louis Delluc. On
attend avec impatience les prochains travaux de Thomas Cailley.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez France TV Distribution
Je ne me souviens plus de l'épisode du chien !
RépondreSupprimerCatherine
C'est après qu'ils se soient enfuit du camp militaire et que Madeleine tente maladroitement d'amadouer un chien pour contredire Arnaud qui lui a dit qu'elle n'aimait rien. Scène très amusante ^^
RépondreSupprimerAh oui, c'est vrai !
RépondreSupprimerMerci à vous !
Catherine