Akihiro, réalisateur
japonais, vient de Paris, où il vit, interviewer à Hiroshima des survivants de
la bombe atomique. Profondément bouleversé par ces témoignages, il fait une
pause et rencontre dans un parc une étrange jeune femme, Michiko. Petit à petit,
il se laisse porter par la gaîté de Michiko et décide de la suivre pour un
voyage improvisé à travers la ville, jusqu'à la mer.
Lumières d’été est
le premier long-métrage de fiction de Jean-Gabriel Périot après une série de
courts et un long documentaire, Une
Jeunesse allemande (2015). Lumières d’été
donne l’occasion au réalisateur de revenir au thème d’Hiroshima déjà abordé
dans son court-métrage 200.000 fantômes
(2007). Périot a noué un lien fort à Hiroshima qui repose sur le passé
douloureux des lieux mais aussi son présent dans cette ville où il se rend régulièrement
et a noué des amitiés solides. La force de Lumières d’été repose sur cet équilibre entre un passé dramatique
qui hantera toujours la ville et un présent synonyme de joie et de renouveau.
La longue et intense scène d’ouverture sert donc tout d’abord
une illustration tragique de ce passé. Dans le cadre d’un documentaire, le
réalisateur japonais Akihiro (Hiroto Ogi) interroge une hibakusha (nom donné aux
survivants d’Hiroshima) qui témoigne à la fois du drame collectif et intime que
symbolise le bombardement pour elle. Un long plan fixe accompagne le récit
lancinant de la vieille femme, dépeignant dans le détail la stupéfaction et le
choc de l’explosion, les visions d’apocalypse qui en découlent. Le visage se
crispe à l’évocation des images de destruction, monceaux de cadavres et surtout
au souvenir de sa mère qu’elle ne reverra jamais ainsi qu’à sa sœur morte des
conséquences de son exposition en tant qu’infirmière. Ce moment fort est
contrebalancé par plusieurs champs contre champs avec Akihiro, tétanisé par ce
récit dramatique.
Cette entrée en matière imprègnera tout ce qui va suivre et
autorise ainsi l’échappée lumineuse dans le présent d’Hiroshima en contrepoint
à la terrible Histoire. Périot fait le choix d’un héros japonais exilé, Akihiro
installé en France revenant au Japon pour les besoin de son reportage. Le
personnage symbolise ainsi un entre-deux
par sa nature d’expatrié, à la fois concerné et distant de ce drame national et
ces conséquences passées/présentes. La scène d’ouverture va l’ébranler et lui
faire violemment comprendre les horreurs passées, mais la rencontre de l’attachante
Michiko (Akane Tatsukawa) va lui faire redécouvrir la beauté du présent d’Hiroshima.
La longue déambulation des deux personnages fait le lien entre les souvenirs et
la contemporanéité radieuse dans une double lecture constante.
Le cours d’eau
traversant le Parc de la paix où se rencontrent les héros est ainsi celui où se
noyèrent les survivants en tentant d’échapper aux flammes (les reliques d’os et
d’objets étant longtemps récoltées pour ne pas oublier) tandis que le Parc en lui-même
est construit sur les anciens décombres de l’explosion. Des éléments et
séquences faussement anodins font le lien et façonnent cette dichotomie entre les
époques. Une dégustation d’okonomiyaki permet ainsi une discussion culinaire
sur la composition plus consistante que celle originelle uniquement pourvue de
légume soit le seul aliment trouvable à l’époque de la guerre. De même la tenue
de Michiko passant de traditionnelle à moderne témoigne de cela.
Les échanges de Michiko et Akihiro lorgnent par moments vers
les ballades amoureuses et existentielles du Richard Linklater de Before Sunrise/Before Sunset. Cela se ressent dans les confessions d’Akihiro sur son
insatisfaction personnelles et professionnelles mais aussi son rapport complexe
à son Japon d’origine à travers plusieurs dialogues signifiant son rejet de sa
facette trop traditionnelle. Une possible romance aurait pu se dessiner si
Michiko s’était laisser aller au même type de confidence mais le personnage
conserve son mystère, sa joie débordante ou sa mélancolie étant toujours liés à
cet environnement d’Hiroshima. La beauté radieuse de la ville est
magnifiquement saisie par Jean-Gabriel Périot qui conjugue l’ampleur de ces
visions à l’épanouissement de ses personnages.
Il ne cède jamais au
contemplatif grâce à sa connaissance des lieux et la splendeur de chaque cadrage
et composition de plan intègre les protagonistes pour figer la magnificence
locale à ses habitants - Michiko observant la mer par la fenêtre du train ou
encore l’arrière-plan de montagne au retour de pêche. La scène de la fête des
ancêtres se montre à ce titre plutôt elliptique, le folklore intéressant moins
Périot que le bonheur spontané des personnages. L’enchevêtrement passé/présent
berce la conclusion intimiste illuminée d’apartés magnifiques (la chanson de
Michiko, le long plan fixe nocturne côte à côte d’Akihiro) et nourrit la
communion des générations d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Cette plénitude
va même un peu plus loin puisque la conclusion (même si la réminiscence d’un
prénom et quelques indices nous auront mis sur la voie) lève le voile sur la
véritable nature de Michiko. Une œuvre tout
simplement magnifique qui traduit le devoir de mémoire dans la saveur de l'instant plutôt que la complainte du passé.
Sorti en bluray et dvd zone 2 chez Potemkine
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