De longues fiançailles
et la routine quotidienne ont fait de Jean un homme peu amoureux. Mais cet
amour se revivifie lorsque Jean doit accomplir un stage d'ouvrier spécialisé
loin de sa fiancée.
Les Fiancés vient
conclure la trilogie que forment les premiers films d’Ermanno Olmi avec Le Temps s’est arrêté (1959) et Il Posto (1961). Chacun des films
offrait un habile mariage entre le passif documentaire du réalisateur (dans le
film d’entreprise au sein de la société Edison Volta) et le romanesque de son
choix de la fiction, l’intime des protagonistes se confrontant au réalisme du
monde de l’entreprise. Il Posto
montrait justement le cadre et les codes de l’entreprise comme un obstacle à la
romance possible de deux jeunes gens, le quotidien et la proximité
professionnelle factice constituant un fossé inéluctable.
Les Fiancés tout
en creusant le même sillon inverse cette construction. Ce sont à travers des
éléments de l’intime que se crée cette fois cette distance. C’est dans un lieu
de convivialité, une salle de bal, que s’illustre l’usure du couple formé par
Giovanni (Carlo Cabrini) et Liliana (Anna Canzi). On observe la salle
timidement s’animer, nos héros s’y immiscer presque anonymement et sans que les
évènements ne les mettent particulièrement en avant. Silencieux lorsqu’ils sont
attablés côte à côte, c’est au bras d’un(e) autre qu’il investisse la piste de
danse. L’usure et l’habitude du couple est palpable avant que la narration en
kaléidoscope nous fasse comprendre cette froideur. Giovanni a obtenu une
promotion qui l’oblige à s’exiler de Milan à la Sicile pour 18 mois,
prolongeant encore les déjà trop longues fiançailles avec Liliana. Le montage
alterné oscille donc entre le ressentiment que suscite cette nouvelle pour
Liliana, mais laisse éclater au grand jour la lassitude du couple figés par les
habitudes. Ce montage sert ainsi à survoler et faire un comprendre un état de
fait (Giovanni répondant qu’il n’est pas marié et n’a donc pas d’attache quand
son patron l’interroge avant de lui proposer le poste), la séparation se
faisant avec un relatif détachement.
Dès que Giovanni arrive en Sicile, la temporalité se
transforme. L’environnement pesant, sauvage et inconnu sicilien dépayse et
interroge tant dans le regard curieux de Giovanni que celui condescendant de
ses collègues qui symbolise cette fameuse opposition nord/sud italienne. Le
quotidien se fait plus long entre la monotonie du trajet et le travail à l’usine
et la solitude guette lors des rares moments de temps libres. Olmi isole la
silhouette de Giovanni dans les salles de repas d’hôtels, les méandres de la ville
ou les modestes chambres de pensions. Il peut également le faire disparaître
dans la nasse, que ce soit les scènes d’usine où il n’est qu’un maillon de la
chaîne où le perdre dans une séquence festive qui le place ainsi à distance des
mœurs locales. Les perspectives professionnelles semblent d’ailleurs bien moins
intéressantes au détour de certains dialogues.
Livré à lui-même Giovanni a donc le temps de réfléchir à sa
relation interrompue avec Liliana et enfin regretter son absence. Olmi laisse
longuement se dérouler « l’errance » du personnage pour ne faire
ressurgir le souvenir de Liliana qu’au détour d’une timide lettre qu’elle lui
adresse au bout de plusieurs mois de séparation. Le réalisateur croise alors la
narration elliptique du début du film et le naturalisme de la partie sicilienne
pour créer une forme de dialogues à distance entre les fiancés. Le
rapprochement se fait dans la manière de ressentir ce dialogue, d’abord dans
une voix-off à la première personne du contenu des lettres puis carrément dans
des champs contre champs onirique où les fiancés échangent enfin à cœur ouvert.
La promiscuité et le quotidien avaient finis par faire de leur relation un
objet sans but reposant sur l’habitude, la séparation est un choc qui va
paradoxalement les rapprocher. Les images de bonheur et de mauvais moments
passés entrecoupent où accompagnent cet échange, tous ces souvenirs signifiant
ce qui les unit et le manque qu’ils ressentent chacun. Les dernières minutes
sont d’une grande beauté formelle pour traduire cette émotion, Olmi entérinant
pourtant cela dans un sobre et touchant échange téléphonique. Touchant et
subtile, une magnifique réussite.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
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