Une nuit, après un
rendez-vous raté avec la femme de sa vie, un homme reçoit dans une cabine
téléphonique l'appel désespéré d'un jeune militaire qui tente de joindre son
père et qui lui apprend, affolé, que des missiles nucléaires vont s'abattre sur
Los Angeles dans 1 heure et 10 minutes.
Steven De Jarnatt signe une belle vision d’une apocalypse
intime qui n’est pas sans rappeler, l’emphase en moins, Le Dernier Rivage de Stanley Kramer (1959). Si ce dernier semblait
en phase avec le contexte de guerre froide et de peur d’une apocalypse
nucléaire, Miracle Mile parait
déconnecté à sa sortie en 1988 alors que le choc des blocs touche à sa fin et
la course à l’armement avec entre les Etats-Unis et l’URSS. L’argument n’est
cependant qu’un prétexte propre à parler aux spectateurs pour une évocation de
la capacité de l’humanité à s’autodétruire. Et en parallèle de ce constat
collectif pessimiste, le réalisateur oppose un intime plus lumineux à travers
la romance éphémère entre Harry (Anthony Edwards) et Julie (Mare Winningham).
La scène d’ouverture traduit ce décalage dans un musée d’histoire
naturelle qui nous dépeint le début et la fin de quelque chose avec ces visions
du Big Bang, des premiers pas de l’humanité et une intrigue qui en évoque la
conclusion. C’est dans ce cadre que se fait la rencontre touchante et timide
entre Harry et Julie, et ce début intime lumineux se confondra constamment à cette
fin collective oppressante tout au long du récit. Steven De Jarnatt questionne
ainsi la réaction humaine en cas de fin du monde imminente en opposant une
forme d’hystérie ambiante à celle d’un amour en sursis plus fragile. L’idée
initiale du réalisateur était de faire du couple des amoureux séparés que la
catastrophe allait faire renouer. L’idée est conservée avec les grands-parents
de Julie mais il fera le choix d’une romance naissante et plus candide en fil
rouge pour un offrir un contrepoint chargé d’espoir à la noirceur ambiante.
Les circonstances et facilité avec laquelle Harry, ses
interlocuteurs puis la ville entière croient en la destruction à venir parait
décalé au vu d’un contexte moins tendu et paranoïaque. La Warner appâté par le
script de De Jarnatt l’envisage dans un traitement façon La Quatrième Dimension (le tout s’avérant un rêve) que refuse le
réalisateur. Il mettra près de huit ans à imposer sa vision en rachetant les
droits de son script et en le mettant en scène à l’économie d’une production
plus modeste (Warner l’envisageant comme un blockbuster). Dès lors cette
acceptation de la fin ne se rattache pas à des peurs contemporaines mais tout
simplement à une crainte latente d’une fin inéluctable qui plane sur l’humanité.
Le réalisateur capture cela dans une outrance qui se fait comique et absurde à
petite échelle (la réaction dans le restaurant et toutes les rencontres
improbables d’Harry tout au long de cette nuit) avant le chaos urbain
généralisé où les maux de la société américaine ressurgissent. Les visions de
guerre civile anticipent ainsi tristement celles des émeutes qui auront lieu
suite à l’affaire Rodney King à Los Angeles, validant à postériori le regard
désabusé de De Jarnatt. La désolation fonctionne par le vide avec dans l’imagerie
inquiétante de la ville déserte tant que subsiste le doute, puis par le
trop-plein lorsque l’hystérie collective gagne la population et que la fin apparaît
plus concrète. Dans tous les cas, le lien à l’autre sert de refuge, tant dans l’absence
et la recherche de la proximité et regard de l’autre, que dans la présence où
sa chaleur permet de surmonter l’épreuve.
Malgré son budget restreint, Steven
De Jarnatt parvient idéalement à traduire les sentiments contradictoires et
fragiles d’un tel moment. Cela inclus le couple de héros bien sûr, mais aussi
une humanité hétéroclite dans ses tranches d’âges, race, orientation sexuelles
mais sans que cela soit surligné et avec l’amour et la fraternité comme vrai
liens commun. La symbolique et l’émotion à fleur de peau s’unissent parfaitement,
notamment dans un beau final résigné et ironique où à nouveau la « fin »
et le « début » s’entrecroisent dans ce même cadre du musée d’histoire
naturelle ouvrant le film.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Blaq Out
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