Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 24 décembre 2018

Appel d'urgence - Miracle Mile, Steven De Jarnatt (1988)


Une nuit, après un rendez-vous raté avec la femme de sa vie, un homme reçoit dans une cabine téléphonique l'appel désespéré d'un jeune militaire qui tente de joindre son père et qui lui apprend, affolé, que des missiles nucléaires vont s'abattre sur Los Angeles dans 1 heure et 10 minutes.

Steven De Jarnatt signe une belle vision d’une apocalypse intime qui n’est pas sans rappeler, l’emphase en moins, Le Dernier Rivage de Stanley Kramer (1959). Si ce dernier semblait en phase avec le contexte de guerre froide et de peur d’une apocalypse nucléaire, Miracle Mile parait déconnecté à sa sortie en 1988 alors que le choc des blocs touche à sa fin et la course à l’armement avec entre les Etats-Unis et l’URSS. L’argument n’est cependant qu’un prétexte propre à parler aux spectateurs pour une évocation de la capacité de l’humanité à s’autodétruire. Et en parallèle de ce constat collectif pessimiste, le réalisateur oppose un intime plus lumineux à travers la romance éphémère entre Harry (Anthony Edwards) et Julie (Mare Winningham).

La scène d’ouverture traduit ce décalage dans un musée d’histoire naturelle qui nous dépeint le début et la fin de quelque chose avec ces visions du Big Bang, des premiers pas de l’humanité et une intrigue qui en évoque la conclusion. C’est dans ce cadre que se fait la rencontre touchante et timide entre Harry et Julie, et ce début intime lumineux se confondra constamment à cette fin collective oppressante tout au long du récit. Steven De Jarnatt questionne ainsi la réaction humaine en cas de fin du monde imminente en opposant une forme d’hystérie ambiante à celle d’un amour en sursis plus fragile. L’idée initiale du réalisateur était de faire du couple des amoureux séparés que la catastrophe allait faire renouer. L’idée est conservée avec les grands-parents de Julie mais il fera le choix d’une romance naissante et plus candide en fil rouge pour un offrir un contrepoint chargé d’espoir à la noirceur ambiante. 

Les circonstances et facilité avec laquelle Harry, ses interlocuteurs puis la ville entière croient en la destruction à venir parait décalé au vu d’un contexte moins tendu et paranoïaque. La Warner appâté par le script de De Jarnatt l’envisage dans un traitement façon La Quatrième Dimension (le tout s’avérant un rêve) que refuse le réalisateur. Il mettra près de huit ans à imposer sa vision en rachetant les droits de son script et en le mettant en scène à l’économie d’une production plus modeste (Warner l’envisageant comme un blockbuster). Dès lors cette acceptation de la fin ne se rattache pas à des peurs contemporaines mais tout simplement à une crainte latente d’une fin inéluctable qui plane sur l’humanité. 

Le réalisateur capture cela dans une outrance qui se fait comique et absurde à petite échelle (la réaction dans le restaurant et toutes les rencontres improbables d’Harry tout au long de cette nuit) avant le chaos urbain généralisé où les maux de la société américaine ressurgissent. Les visions de guerre civile anticipent ainsi tristement celles des émeutes qui auront lieu suite à l’affaire Rodney King à Los Angeles, validant à postériori le regard désabusé de De Jarnatt. La désolation fonctionne par le vide avec dans l’imagerie inquiétante de la ville déserte tant que subsiste le doute, puis par le trop-plein lorsque l’hystérie collective gagne la population et que la fin apparaît plus concrète. Dans tous les cas, le lien à l’autre sert de refuge, tant dans l’absence et la recherche de la proximité et regard de l’autre, que dans la présence où sa chaleur permet de surmonter l’épreuve. 

Malgré son budget restreint, Steven De Jarnatt parvient idéalement à traduire les sentiments contradictoires et fragiles d’un tel moment. Cela inclus le couple de héros bien sûr, mais aussi une humanité hétéroclite dans ses tranches d’âges, race, orientation sexuelles mais sans que cela soit surligné et avec l’amour et la fraternité comme vrai liens commun. La symbolique et l’émotion à fleur de peau s’unissent parfaitement, notamment dans un beau final résigné et ironique où à nouveau la « fin » et le « début » s’entrecroisent dans ce même cadre du musée d’histoire naturelle ouvrant le film. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Blaq Out

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