À
la fin de la guerre d’Indochine, un commando de la Légion étrangère s’apprête à effectuer une dernière
mission : détruire les tunnels renfermant le stock d’armes des combattants
communistes menés par le commandant Cham. Pour cela, ils font appel à une
séduisante Eurasienne surnommée Lucky Legs. Ayant mis en place un trafic
d’alcool dans la région et connaissant bien Cham, elle seule peut les aider à
mener à bien leur mission. Mais la présence de son ex-mari, le sergent Brock,
qui l’a abandonnée à la naissance de leur fils, va créer de nombreuses tensions
au sein du groupe...
China Gate sort en
salle alors que la Guerre Froide bat son plein, et le postulat du film ainsi
que son ouverture façon « actualités documentaires » laisserait
croire que nous allons voir un film de propagande anti-rouge. Cependant Samuel
Fuller durant ces années 50 n’aborde ce type de sujets sensibles que pour faire
écho de son expérience douloureuse du front et y observer les hommes face à
leur doute, ainsi que pour exprimer sa vision humaniste. C’est notamment le cas
dans Baïonnette au canon (1951) ou J’ai vécu l’enfer de Corée (1951). De
façon générale, le déracinement et le choc des cultures est ce qui intéresse
Fuller observant l’humain plutôt que les idéaux à travers les couples mixtes de
La Maison de Bambou (1955) ou Le Kimono Pourpre (1959).
C’est précisément l’approche de China Gate où une fois le contexte posé (et le ton guerrier vantant
l’action française en Indochine de l’ouverture), les questionnements intimistes
prédomine. C’est comme souvent chez Fuller la femme qui est synonyme de
modernité et d’ouverture avec la métisse Lucky Legs (Angie Dickinson) guidant
un commando de la légion étrangère à travers la jungle pour détruire un stock d’armes
ennemi. L’enjeu est pour elle en cas de réussite d’envoyer son fils aux
Etats-Unis, loin du conflit. Le hasard veut que son ex-mari Brock (Gene Barry) soit
le chef de la mission, celui-là même qui la quitta car ne supportant pas d’avoir
un enfant aux traits asiatiques. Les différentes péripéties sont donc l’occasion
de douloureuses retrouvailles où le couple va s’opposer, et peut-être s’aimer à
nouveau en surmontant les préjugés. Les contradictions et les traumatismes
enfouis se jouent aussi au sein d’un commando melting-pot venu fuir quelque
chose dans l’engagement guerrier aveugle.
Un ancien soldat de l’armée
allemande, un ex gendarme français qu’on peut soupçonner d’avoir été collabo,
un polonais victime de l’occupation soviétique, tous traînent un passé trouble
et l’américain Brock n’est certainement pas plus mis à son avantage. Angie
Dickinson, séduisante, gouailleuse et déterminée est par ses motivations nobles
la lumière qui humanise le groupe au-delà de l’idéologie, ce qu’on trouvait
déjà chez Fuller avec la Jean Peters de Le Port de la drogue (1953), Barbara Stanwyck dans Quarante tueurs (1957) soit des figures féminines capables d’évoluer par
amour et une cause juste. Ce collectif rapiécé est ainsi une incarnation de la
seconde chance, à l’image du beau personnage de Nat King Cole dépassant la
tirade belliqueuse (Je n’ai pas fini ce que j’avais commencé en Corée. Il reste
beaucoup de communistes vivants dans le coin. ») qui nous l’introduit.
Tout cela s’inscrit dans un film de guerre rondement mené et
aux éclairs de violence fulgurant. Fuller transcende son décor de jungle de
studio pour instaurer un climat de menace où la moindre accalmie, le moindre
relâchement se paie cash, autant par les troupes ennemis que les propres démons
qui ronge le commando. La conclusion est à la fois tragique et bienveillante,
la perte ouvrant à un amour filial qui a balayé les préjugés dans l’aventure.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Carlotta
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