Gabriella Sansoni est
une femme au caractère effacé, menant une vie monotone. Son mari, Andrea, ne
lui prête aucune attention, totalement accaparé par son travail. Ce rythme est
rompu par la convocation de Gabriella comme jurée. Elle doit siéger au procès d’une
jeune femme, Tina, accusée d’avoir tué son mari, Gino. L’accusée est en prison
depuis trois ans...
Histoire d’aimer
est un véhicule spécifiquement écrit par Marcello Fondato pour réunir Monica
Vitti et Claudia Cardinale. Le film se démarque ainsi de la comédie italienne d’alors
dont la dynamique repose soit sur deux protagonistes masculins, soit sur un
homme et une femme. Marcello Fondato, considéré à l’époque comme un des
cinéastes italiens friand de récit au féminin n’en est d’ailleurs pas à son
coup d’essai en la matière puisqu’il dirigeait en covedettes déjà Claudia
Cardinale ainsi que Catherine Spaak dans le délicieux Certes, certainement (1969). Le parallèle est d’ailleurs
intéressant à faire entre ce film et Histoire
d’aimer par la trajectoire de ses héroïnes. Dans Certes, certainement, Claudia Cardinale et Catherine Spaak était
deux jeunes filles aux objectifs amoureux diamétralement opposés, la première
recherchant l’amour véritable et la seconde le confort matériel. Histoire d’aimer semble reprendre ces
figures quelques années plus tard, marquées par l’expérience de la vie et les
conséquences de leur choix.
Gabriella (Claudia Cardinale) est l’épouse d’Andrea
(Vittorio Gassman), industriel aux affaires plus ou moins douteuses qui ne lui
prête aucune attention. C’est une potiche au caractère effacé vivant dans l’ombre
de la personnalité volcanique de son époux. La scène d’ouverture est magistrale
dans cette idée, montrant l’abattage comique de Gassman arpentant l’appartement
de long en large, les dialogues constamment autocentrés sur sa personne et ses
affaires, tandis que Gabriella ne peux le suivre que ce soit sa pensée ou sa
gestuelle énergique. Un évènement vient bousculer cet équilibre quand Gabriella
est désignée comme jurée au procès de Tina (Monica Vitti), une femme d’origine
modeste accusée d’avoir assassinée son mari Gino (Giancarlo Giannini).
Dès lors se déploie en parallèle le récit des amours
tumultueuses du couple Tina/Gino avec le quotidien plan-plan de Gabriella et
Andrea. Tina et Gino forment un couple prolo, souvent abusif tant dans la
subsistance du foyer (madame travaille pendant que monsieur se prélasse ou perd
très vite ses emploi) que dans des rapports violents où Gino a la main un peu
trop leste au moindre conflit où les gifles partent vite. Ce n’est pourtant pas
une relation dominant/dominée mais plutôt une union toxique et passionnée où
Tina succombe amoureusement à Gino quand cette violence se déclenche, et qu’elle
cherche même volontairement à provoquer. Leur première rencontre est
emblématique de cela, lorsque durant une fête Gino invite courtoisement Tina à
danser et que cette dernière le raille avec dédain. La réaction de Gino est une
gifle retentissante qui stimule Tina et lance alors leur romance agitée. Ces
évènement se révèlent en flashback dans le cadre du procès et Fondato multiplie
les idées narratives et formelle ludiques pour les dynamiser, comme Tina
poursuivant son témoignage d’accusée au sein du flashback en prenant à parti la
cour (et le spectateur) par des réflexions face caméra qui cassent le quatrième
mur.
Les faits frappent ainsi Gabriella dans son intime et la vie
ennuyeuse qu’elle mène. Elle est désormais plus consciente de l’indifférence, de
la libido éteinte et de la condescendance de son époux envers. Elle se réfugie
dans un monde fantasmes où son couple entretien des rapports aussi hargneux et
sensuels. Fondato élude tout commentaire dans ses séquences où la bascule ne se
devine que par la soudaine outrance et la sensualité brûlante qui s’exprime, et
il use d’un même découpage pour rejouer la réalité et normalité terne de la
scène notamment quand Gabriella attendra le retour tardif de son époux à leur domicile.
Pour résumer, la passion dans toute sa violence, sa folie et sa sensualité ne
laisse jamais douter de sa réalité pour le couple Tina/Gino tandis que
Gabrielle et Andrea n’existe que dans leur carcan bourgeois morne.
Alors
évidemment cette notion du couple est emblématique de l’époque du film ainsi
que de la société italienne encore très patriarcale (l’amour exprimé et
apprécié par la violence passerait moins bien aujourd’hui) mais Fondato dépasse
la seule facette sociétale pour questionner les attentes sentimentales. Entre
le couple aimant mais aux interactions brutales (à la muflerie souvent hilarante de Giannini succède toujours de torrides réconciliations) et le
conformisme ennuyeux, il ne semble pas y avoir de juste milieu. Tina et Gina dans toute leur agitation semblent même paradoxalement entretenir un rapport moins machiste et
plus libertaire (notamment dans l'adultère) les engourdis Gabriella/Andrea, étonnant. Les
acteurs sont tous excellents pur faire échapper le film à une dimension
caricaturale. Monica Vitti est parfaite en amoureuse en quête de sensations fortes,
elle mena la vie dure à Marcello Fondato par ses caprices de star et le
réalisateur se vengea en multipliant les scènes où elle recevait des gifles.
Claudia
Cardinale offre un beau contraste entre son phrasé éteint et ses pensées
ardentes, dégageant une sensualité élégante (et que les cheveux courts lui vont
bien) en opposition à la séduction plus agressive de Vitti. Giancarlo Giannini
est toujours aussi génial pour incarner les amoureux faussement simplets mais
vifs (se souvenir de son génie chez Lina Wertmüller dans Mimi métallo blessé dans son honneur (1972), Film d’amour et d’anarchie (1973) ou Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été (1974))
tandis que Gassman refait brillamment son numéro de goujat matamore. Le film est donc captivant dans ce qu’il dit du statut de la
femme italienne d’alors (à la condescendance du foyer s’ajoute pour Gabriella
celle des autres jurés masculins qui la prenne de haut) mais privilégiera
néanmoins le romantisme boiteux et chaotique à l’hypocrisie paisible dans sa conclusion douce-amère.
Sorti en dvd zone 2 français chez ESC
Extrait
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