Samantha Caine est
amnésique depuis huit ans. Devenue institutrice, elle vit avec sa petite fille
Caitlin et son compagnon Hal dans une petite ville. Un accident de voiture lui
fait revenir des bribes de son passé, empreintes de violence. Peu après, un
repris de justice remarque la jeune femme à la télévision lors d'une parade de
Noël et tente de l'assassiner. Déterminée à connaître la vérité sur son passé,
Samantha part avec Mitch Hennessy, un ex-policier devenu détective privé.
Au revoir à jamais
constitue le chant du cygne d’une certaine idée du cinéma d’action des années
80/90. Cela est symbolisé par son scénariste vedette Shane Black qui en
instaurera certains codes marquants. Sorte de pré Quentin Tarantino qui se
serait confronté au système studio plutôt qu’à la confiance des Weinstein,
Shane Black parvint à marier une dimension référentielle à base d’archétype du
polar hard-boiled avec l’action pyrotechnique des années 80/90. Dans ce cadre
il parvenait à poser une patte personnelle par ses héros désabusés héritiers du
film noir, une tonalité rigolarde par un sens du dialogue ordurier cinglant et
une certaine veine plus dépressive sous-jacente. Lorsque tous ces éléments s’agençaient
bien, cela donnait des réussites comme L’Arme
fatale de Richard Donner (1987) ou Le Dernier Samaritain de Tony Scott (1991). Malheureusement Shane Black eu
maille à partir avec les studios qui édulcorèrent ses penchants les plus
sombres (L’Arme fatale 2 (1989) et
son virage vers la comédie d’action loin du script initial de Black) ou alors l’incompréhension
du grand public pour ses tentatives les plus audacieuses comme Last Action Hero de John McTiernan (1993). La frustration et le mal-être s’accumulent ainsi pour le scénariste star malgré
les cachets mirobolants touchés pour l’époque dont cet Au revoir à jamais vendu rien moins que 4 millions de dollar. L’échec
commercial du film sera le commencement d’une dépression et d’un long hiatus avec
Hollywood qui ne le reverra revenir que 9 ans plus tard en tant que réalisateur
pour une carrière assez inégale où les réussites (Kiss Kiss Bang Bang (2005), The
Nice Guys (2016)) côtoient les ratages certains (Iron Man 3 (2013), The
Predator (2018). Celui qui ne se remettra pas non plus de la faillite au
box-office c’est Renny Harlin, solide faiseur d’action finlandais (58 minutes pour vivre (1991), Cliffhanger (1993)) qui ne retrouvera ni
ces gros budgets (après l’échec déjà du pourtant sympathique L’île au pirates (1995) qui provoqua la
faillite de la boite de production Carolco), ni cette inspiration avec une
filmographie oubliable par la suite.
La grande force du film réside dans la formidable prestation
de Geena Davis. Si Renny Harlin se montre assez grossier dans la symbolique
psychanalytique et rêvée, l’actrice excelle montrer les graduations de la
personnalité changeante de l’héroïne. Une attitude plus espiègle, une
modulation de voix soudainement plus sèche, un juron inattendu sorti de la
bouche d’une gentille mère de famille, toutes ses nuances accompagne des effets
ludiques plus marqués où la gestuelle de l’actrice fait également merveille
(cette dextérité au couteau de cuisine). Tout cela brille dans la scène où elle
est torturée aux mains de ses anciens comparses. Ligotée et plongée plusieurs
fois dans l’eau glacée, Geena Davis pourtant immobile exprime en une séquence
la mue de Samantha qui bascule vers son ancien « moi ». C’est d’abord
la jeune femme apeurée et suppliante avant le premier contact avec l’eau gelée,
puis une autre incertaine qui fixe son tourmenteur d’un air de défi mais encore
tremblante de froid, et enfin au sortir du troisième bain forcé le langage corporel
est différent. Le calme du visage témoigne de l’habitude du danger, la carrure
semble soudainement plus imposante et le corps de biche chétive semble devenu
celui d’une panthère aux aguets prête à bondir.
Le sideckick goguenard incarné par Samuel Jackson signifie
le lien à la fois le lien à la vie d’avant qu’elle rejette et le détachement de
Sam redevenue la redoutable Charlie. Samuel Jackson est un pendant du Bruce
Willis du Dernier Samaritain, (le
modèle est bien sûr Philip Marlowe, référence appuyée par l’extrait de Le Privé de Robert Altman qu’on
distingue sur une télévision) le détective privé qui a tout raté mais préfère
en rire qu’en pleurer. Cela en fait à la fois une caution morale rappelant ses
devoirs à notre héroïne mais aussi un compagnon de jeu avec un pingpong de
dialogues vulgaires délectables dont Shane Black (qui replace comme souvent son récit durant la période de noël en contraste coloré de la violence ambiante) a le secret. Geena Davis
désormais peroxydée, véloce et sexy (la scène de transformation lorgne d’ailleurs
par son montage sur la mue de Michelle Pfeiffer en Catwoman dans Batman, le défi (1992), loin de son
allure godiche initiale, déploie les mêmes nuances mais de manière inversée.
Sous l’attitude agressive, le regard peut se faire fuyant et la voix plus
tremblante dès qu’il est question de sa petite fille, et le tout se résout en
brisant la nuque ou autre partie sensible de l’antagoniste de passage.
Renny Harlin filme vraiment amoureusement son épouse d’alors
et se montre sacrément efficace dans l’action. Le finlandais sans être un génie
à un vrai sens de la scène d’action originale et surtout sait lâcher des éclats
de violence impensable dans un blockbuster actuel. Balles perdues à gogo pour
les malheureux figurants, ennemis défigurés (nous rappelant au bon souvenir de
son féroce 58 minutes pur vivre) et
démesure totale dans l’action, c’est un vrai festival sans temps mort. Le
réalisateur pousse d’ailleurs le bouchon un peu loin par moment comme ce saut d’un
building avec atterrissage en mitraillant la glace (que vient faire une étendue
d’eau gelée en pleine ville ?), quelques incrustations ratée ou de son
climax à rallonge.
C’est clairement dans l’émotion du cheminement de son
héroïne que cette débauche trouve un sens, la plus belle scène étant sa « résurrection »
sous les supplications de sa fille. La femme d’action individualiste se
complète d’un instinct maternel retrouvé qui la rend invulnérable et lui permet
d’achever radicalement le méchant du film (le malheureusement peu charismatique
Craig Bierko). Le film ne rencontrera malheureusement pas son public alors qu’il
ne démérite pas face aux succès de la même période. C’est le point final de ce
type d’approche puisque Matrix (1999)
apportera une veine différente, moins naïve au film d’action contemporain.
Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire