Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 28 avril 2023

Barbare - Barbarian, Zach Cregger (2022)


 Se rendant à Détroit pour un entretien d'embauche, Tess se retrouve à louer un « Airbnb » le temps de son séjour. Mais lorsqu'elle arrive tard dans la nuit, elle découvre que la demeure est déjà occupée et qu’un homme étrange du nom de Keith y séjourne déjà... Malgré la gêne, elle décide résignée d'y passer la nuit, les hôtels des environs étant complets. Mais réveillée dans son sommeil par des sons mystérieux, Tess va s’embarquer malgré elle dans une série de découvertes terrifiantes...

Le contexte social et l’imagerie des « no man’s land » causé par la crise économique au sein de la ville de Detroit avaient déjà inspirés un des plus grands films d’horreur des années 2010 avec Don’t Breathe de Fede Alvarez (2016). Barbare reprend ce décorum décidément inspirant pour nous offrir à son tour un mémorable moment d’épouvante. Le scénario, notamment dans sa première partie, est particulièrement habile pour semer l’angoisse avec peu sur un postulat imprévisible. Une erreur administrative amène Tess (Georgina Campbell) et Keith (Bill Skarsgård) à devoir partager la même location Airbnb, dans une maison située en plein dans le quartier désormais fantôme de Brighton à Detroit. Après une méfiance initiale, les deux sympathisent, se découvrent des points communs et osent quelques confidences intimes laissant entrevoir une possible romance. La demeure, tout isolée qu’elle soit reste pour eux une bonne affaire et un pis-aller vers leurs ambitions professionnelles qui les forcent momentanément à y séjourner. La maison représente ainsi une forme d’exploitation de la faillite d’un lieu, d’un quartier et de ses habitants désormais exilés.

La mise en scène de Zach Cregger distille l’angoisse par son jeu sur la profondeur de champs, les arrière-plans et les ombres indicibles qui semblent y circuler comme une menace sourde. Cela a formellement valeur d’élément de frayeur classique, mais on comprendra au fil du récit que c’est aussi une symbolique de la part d’ombre des personnages, de l’humanité dans son ensemble. Les terribles secrets que renferment la maison se révèlent par strates à travers différentes portes (de la cave, du cellier, des pièces cachées…) qui nous emmènent au plus profond de la demeure et des êtres qui y vivent. Là encore Cregger joue habilement sur les deux tableaux, la rencontre horrifique obéissant aux codes du film d’horreur mais constitue une métaphore de la confrontation entre les individus utilisant l’espace de la ruine et de la déchéance d’autrui avec ce qui reste des anciens habitants. Ce sont des éléments qui ne seront évidents que dans la suite du récit mais en l’état, la montée de tension et le terrifiant face à face avec « l’autre » est tout simplement une merveille d’épouvante.

La rupture de ton est surprenante ensuite puisque adoptant le point de vue de A.J. (Justin Long), acteur accusé de viol par une de ses partenaires. Pour financer sa défense judiciaire, il doit revendre certaines propriétés immobilières, dont une correspondant à la fameuse maison des évènements de la première partie. Alors que cette première partie avait montré des protagonistes relativement attachants exposés à la monstruosité, c’est l’inverse qui se produit cette fois. Tout le comportement assez douteux d’A.J. laisse peu à peu supposer qu’il a réellement commis le viol dont on l’accuse, et c’est sa propre noirceur qui va se heurter à l’étonnante « humanité » que Zach Cregger confère à son monstre.

Toute l’attitude de la créature est une manifestation déviante et dégénérée (par les abus et la consanguinité) d’un désir de maternité, d’une volonté d’offrir son affection. Les comportements uniquement égoïstes et violents sont dus aux figures masculines, qu’elles soient humaines (A.J.) ou « autres » (le bourreau originel et décrépi que l’on retrouvera aux confins de ces enfers sous-terrain), tandis que les femmes ou êtres féminins cherchent à faire preuve d’amour -à leur manière malsaine certes – et font même preuve de courage tel Tess qui pourtant sauve décide de retourner dans la maison libérer son compagnon d’infortune qui y reste piégé.

La frayeur des ténèbres matériels que l’on traverse tremblant et à tâtons se dispute au dégout des ténèbres de l’âme humaine dans un va et vient constant. Cregger parvient pour l’essentiel à le faire ressentir par l’image et sans surligner par le dialogue, tout en osant un propos social courageux et virulent prenant le parti des laissés pour compte de ces déserts urbains de Detroit. Ainsi, métamorphosée par ses mésaventures, Tess est traitée en paria par la police qu’elle tente de solliciter, la déchéance sociale apparente la rend tout aussi repoussante à leurs yeux que la créature qu’elle-même a croisé dans les abysses de la maison. C’est assez brillant dans cet équilibre de pure terreur et d’une certaine forme de culpabilité à la ressentir face à des êtres dont la violence d’un système social a délesté de leur humanité. Plus qu’à Don’t Breathe malgré l’environnement commun, le film marche ainsi sur les traces de Le Sous-sol de la peur de Wes Craven (1991) qui alliait aussi horreur et propos engagé. Après pareille réussite, on suivra en tout cas désormais attentivement les prochains essais de Zach Cregger.

Disponible sur la plateforme Disney+

1 commentaire:

  1. la bande-annonce n'est guère affriolante, quand même. A ma place, je me méfierais.

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