Esther, une trentenaire gaie et ambitieuse, effectue une mission dans un institut de sondage où elle espère bientôt être embauchée. Mais une blessure à la jambe la stoppe dans son élan professionnel et sentimental. Bientôt happée par une pulsion autodestructrice, Esther va lutter pour sauver sa carrière et surtout sa relation amoureuse avec Vincent.
Marina de Van fut une des plus belles promesses du cinéma français du début des années 2000. Elle collabore en tant qu’actrice et scénariste aux premiers et provocateurs travaux de François Ozon (le moyen-métrage Regarde la mer (1997), Sitcom (1998), Les Amants criminels (1999), Huit femmes (2002)) et dessine les contours de son univers singulier à travers plusieurs court-métrages avant de passer au long avec Dans ma peau. Le film aborde le thème surprenant de l’automutilation, sujet qui intéresse Marina de Van depuis une douloureuse expérience enfantine, lorsqu’elle eut accidentellement la jambe écrasée par une voiture. Elle ressenti alors comme un sentiment extérieur face à cette blessure, sans éprouver de douleur ce qui créera une forme de distance dans son rapport au corps.
Dans ma peau part d’un même évènement accidentel pour son héroïne Esther (Marina de Van) qui, faisant une mauvaise chute durant une fête, ne constate que bien plus tard une grave blessure à la jambe pour laquelle elle n’a pas souffert sur le coup. C’est l’élément déclencheur d’une véritable pulsion autodestructrice qui va la voir poursuivre la mutilation de sa jambe endolorie, mais aussi d’autre partie de son corps. L’une des grandes forces du film, c’est l’absence d’explication, de psychologisation du trouble d’Esther pour le capturer de manière organique et insaisissable, autant pour le spectateur que l’entourage révulsé du personnage. Il y a certes le cadre professionnel rigoureux et concurrentiel de l’héroïne où l’image des salariés, notamment les femmes, est sous contrôle et observée. Marina de Van fait de ce contexte un arrière-plan mais pas une explication, tout comme elle évite d’inventer un passé traumatique quelconque à son personnage. Esther se découvre tout simplement une fascination pour son propre corps, un appétit non pas narcissique mais anthropophage pour son être de chair et de sang. Il est très intéressant de comparer Dans ma peau avec le récent Grave (2016) de Julia Ducornau (qui a justement réussit à occuper l’espace que Marina de Van, arrivée trop tôt n’a pas pu prendre) qui explore des thèmes voisins. Julia Ducornau choisit un genre, le teen movie, un cadre familier et propice à la projection du spectateur ainsi qu’en résonnance aux problématiques féministes plus en lumière (une fac de médecine aux codes d’intégration machistes), et même un twist psychanalytique pour offrir suffisamment de portes d’entrée empathique au public et à l’amateur de cinéma d’horreur. Marina de Van refuse ses points d’accroches qui livreraient des clés trop évidentes aux élans d’Esther. Les scènes de mutilation constituent d’abord des interludes hallucinés et douloureux dans le quotidien du personnage, avant que ce rapport s’inverse quand elle ne saura plus équilibrer les deux. Esther porte un masque de plus en plus difficile à contenir dans sa vie professionnelle et intime, elle joue à l’employée, l’amie, la fiancée (de Laurent Lucas présent aussi dans Grave tiens donc) quand l’appel du vrai elle est celui s’infligeant des sévices corporels. Le malaise est palpable est les séquences de blessures sont parfois difficilement soutenable. Marina de Van parvient pourtant dans sa mise en scène à mélanger cet attrait maladif pour ses chairs dans une pure approche clinique, avec une distanciation qui nous fait comprendre son absence de douleur – par l’usage du split-screen notamment. L’exaltation à observer son corps (élément narcissique admis par Marina de Van dans son choix de se diriger et donc regarder elle-même) se conjugue à celui de l’explorer, le malaxer, perforer et strier avec les instruments les plus tranchants. La démarche est radicale et laisse le spectateur sidéré, d’autant que le gore facile est exclu pour davantage travailler l’expérience sensorielle (le design sonore est presque aussi traumatisant que l’image concrète). Une proposition intense et très originale pour qui nécessite néanmoins d’avoir le cœur bien accroché.Sorti en dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire