Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 8 août 2023

The Iceman Cometh - Gap tung kei hap, Clarence Fok (1989)


 Lancé à la poursuite d'un dangereux renégat, un garde impérial de la dynastie Ming est pris au piège d'une machine à voyager dans le temps. Les deux hommes se retrouvent prisonniers dans la glace durant 300 ans avant de se réveiller à Hong Kong, traçant chacun un chemin totalement opposé. Vertueux, le garde fait la connaissance d'une prostituée au grand coeur et devient son homme de main. Fasciné par la découverte des armes à feu, le renégat élimine tous les criminels sur son passage avec une seule idée en tête : retourner dans le passé pour y conquérir le pouvoir.

Toujours à l'affut des derniers grands succès internationaux pour en offrir d'habiles variations locales, le cinéma de Hong Kong ne pouvait pas passer à côté du phénomène 80's que fut le Highlander de Russell Mulcahy (1986). Iceman Cometh en reprend donc en partie l'idée, celle de guerriers du passé s'affrontant à travers les âges jusqu'à notre monde moderne, et surtout l'imagerie notamment ces duels à l'épée sur fond de panoramas urbains. Le film est une tentative pour l'acteur Yuen Biao d'obtenir un succès au box-office hongkongais en solo et donc sans ses "frères" Jackie Chan et Sammo Hung, partenaires sur des réussites majeures comme Le Marin des mers de Chine (1983), Eastern Condors (1986), Shanghai Express (1986) ou Dragon Forever (1988). Il tentera d'abord cette émancipation dans des rôles plus sérieux et des œuvres sombres et dépourvues d'arts martiaux comme le thriller On the run d'Alfred Cheung (1988) sans succès. Iceman Cometh le voit donc revenir au pur cinéma d'action avec un habile mélange des genres entre comédie, fantastique et film de sabre. 

Le récit débute en pleine dynastie Ming où le garde impérial Ching (Yuen Biao) est sommé par l'empereur de mettre fin aux agissements de Fung San (Wah Yuen), son ancien condisciple et dangereux psychopathe adepte du viol. La confrontation est épique par son cadre incroyable (des montagnes enneigées), la férocité et la virtuosité des adversaires et surtout son issue sacrificielle puis que ne parvenant pas à terrasser Fung San, Ching décide de mourir avec lui dans une vertigineuse chute dans une falaise gelée. 300 ans plus tard, des scientifiques retrouvent leurs corps congelés mais un concours de circonstances les ramènent à la vie à Hong Kong. Là le film joue habilement de l'humour anachronique avec un Ching confronté aux particularités du monde moderne et malmené par une bienfaitrice peu recommandable, la prostituée Polly (Maggie Cheung). Avant son virage vers le cinéma d'action (on lui doit des réussites comme Dragon from Russia (1989) adaptation officieuse du manga Crying Freeman, ou le girls and gun cultissime Naked Weapon (1992), le réalisateur Clarence Fok œuvra autant dans le drame que la comédie et ce bagage rend très solide la caractérisation des personnages, les ruptures de ton et la drôlerie de la première partie.

Yuen Biao en grand naïf surpris et effrayé de tout ce nouveau monde qu'il découvre est parfait, tour à tour très touchant puis se vautrant dans le ridicule le plus hilarant - même si cela paraît improbable on soupçonnerait presque Jean-Marie Poiré d'avoir vu le film lors d'un gag repris plus tard dans Les Visiteurs (1993) où à l'instar de Jacquouille, Ching prend une cuvette de toilette pour un puits dont il peut boire l'eau. On retrouve aussi une Maggie Cheung dans sa seconde persona du cinéma hongkongais (la première est la jeune fille innocente et accessoirement potiche/demoiselle en détresse pour Jackie Chan, la troisième et plus connue en occident l'icône papier glacé des grands mélos stylisé de Wong Kar Wai), celle de la jeune fille du peuple gouailleuse, vénale et attachante qu'on retrouve A Fishy Story (1989), Comrades, almost a love story (1995), L'Auberge du Dragon (1992) ou Heroic Trio (1993). Ici elle est géniale en prostituée magouilleuse entraînant un Ching dévoué et amoureux dans ses affaires louches.

L'histoire travaille l'idée de caractère figés par la destinée, d'abord avec Ching maintenant sa droiture morale malgré les tentations du monde moderne, tandis que Fung San voit ses mauvais penchants exacerbés par les possibilités de ce nouveau cadre. Voyant que son vieil ennemi sévit encore, Ching se sent le devoir de le stopper ce qui va entraîner un nouvel affrontement spectaculaire. Wah Yuen également ancien condisciple de Yuen Biao à l'opéra de Pékin (avec donc Jackie Chan et Sammo Hung) compose un antagoniste étincelant de cruauté et de vice, son penchant pour le vol, le viol et le meurtre en font le parfait opposé à la candeur de Ching et l'acteur se délecte à endosser l'outrance du personnage. L'enjeu est ainsi moral, mystique (avec un artefact permettant de faire le voyage retour dans le passé) mais fonctionne avant tout dans sa veine sentimentale lors d'une magnifique scène où le nouveau sacrifice et la confession amoureuse de Ching pour sortir Polly des griffes de Fung San brise le cynisme de cette dernière, bouleversée. Elle devient dès lors une alliée et possible compagne dans le duel au sommet. Le film est vraiment bien construit puisque ce n'est qu'à partir de ce pic émotionnel et le fait que les personnages aient quelque chose de précieux à perdre, que les grands morceaux de bravoures arrivent.

Yuen Biao chorégraphie des scènes d'action mémorables, jouant des possibilités urbaines de ce monde contemporain comme cet étourdissant combat sur une voiture suspendue à une grue. La superbe photo de Poon Hang-San amène une vraie plus-value dans les atmosphères, qu'elles soient baroques et irréalistes (le rouge écarlate marquant l'ascendant maléfique de Fung San dans la scène de sacrifice) ou alors jouant du contraste entre affrontement ancestral et cadre moderne lors d'un très beau plan final où les guerriers se font face à l'épée avec en arrière-plan l'urbanité nocturne tout en néons de Hong Kong. C'est là que la parenté avec Highlander est la plus marquée mais le film de Clarence Fok vieillit bien mieux et se montre largement plus impressionnant. 

Après la pyrotechnie où les sabres se mélangent à l'arsenal militaire contemporain (mitraillettes, grenades et autre utilisés par le fourbe Fung San), on termine sur un féroce mano à mano martial où Yuen Biao peut étaler tout son bagage face à un partenaire à la hauteur avec un Wah Yuen tout aussi véloce. L'empoignade est brutale, douloureuse et constamment inventive, un vrai feu d'artifice final. Le film ne sera malheureusement pas le succès escompté à Hong Kong malgré les moyens, et Yuen Biao restera dans l'ombre de Jackie Chan et Sammo Hung. Iceman Cometh n'en reste pas moins une belle réussite et le préféré de Yuen Biao dans sa filmo, en dehors de ceux tournés avec ses célèbres partenaires.

Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan mais pour les anglophones je recommande le beau bluray anglais et VOSTA édité chez 88 Films

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