XiaoJun Li, jeune homme un peu simplet natif de
Wuxih, débarque à Hong Kong dans le but de commencer une nouvelle vie,
pour la partager par la suite avec sa petite amie XiaoTing Li, restée
pour l'instant dans leur ville natale. Jun ne parle que le mandarin, ce
qui rend difficile un quotidien dans une ville où les langues parlées
sont le cantonais et l'anglais. Recueilli par sa tante Li, il trouve
très vite un boulot en tant que livreur. Un soir, en quête de nouveauté,
il rencontre dans un McDonald's une jeune caissière du nom de Qiao Li.
Se faisant passer pour une fille native de Hong Kong, cette immigrante
cantonaise va aider le jeune homme à s'intégrer dans un environnement
encore tout inconnu pour Jun.
Comrades, Almost a Love Story
est un magnifique mélodrame qui offre à Maggie Cheung un de ses plus
beaux rôles et compte parmi ses plus gros succès à Hong Kong. Cette
popularité est sans doute due à la romance du film qui se conjugue à une
belle ode au migrant chinois qui sut parler à la communauté exilée
hongkongaise. Le récit débute au milieu des années 80 quand le jeune Li
Xiao-Jun (Leon Wai) débarque de sa Chine natale à Hong Kong pour
démarrer une nouvelle vie. Le rythme urbain effréné, la barrière de la
langue (il ne parle que mandarin quand le cantonais et l'anglais sont de
rigueur) et la modernité croissante de la péninsule le dépasse
rapidement, alors qu'il se tue à la tâche entre divers job de labeur.
Alors que son statut de migrant saute aux yeux dans sa gaucherie
constante, Li Xiao-Jun va rencontrer Qiao Li (Maggie Cheung) chinoise
comme lui mais déjà parfaitement assimilée à Hong Kong. La première
rencontre l'explicite de manière amusée quand Li Xiao-Jun voulant
s'offrir un repas au Mac Donald avec son premier salaire peine à
énumérer sa demande et que Qiao Li repérant le "plouc" révèle son
invisible nature de migrante chinoise pour lui dire en mandarin. C'est
ainsi que va débuter une relation tendre entre deux protagonistes aux
antipodes l'un de l'autre.
Qiao Li n'aspire qu'à la réussite
matérielle, multipliant les petits boulots, le système D et les affaires
plus ou moins rentables. Li Xiao-Jun est plus flou dans ses objectifs
si ce n'est faire venir un jour sa fiancée (XiaoTing Li). Il suit donc
naïvement Qiao Li dans toutes ses combines et accepte docilement de se
faire parfois exploiter par elle. La force de Peter Chan est de parvenir
à mêler dans un même élan l'urgence du quotidien harassant de ses héros
prolo avec un romanesque qui s'installe sans prévenir. L'humour sert
ainsi à éclairer la dimension réaliste par la répétitivité de certaines
situations, les cavalcades à vélo de Li Xiao-Jun pour ses livraisons ou
le rituel de la consultation du solde de son compte pour Qiao Li.
Cette
répétitivité fonctionne par le montage où au fil des mois, des saisons
et des années les tâches, les quartiers traversés forment une boucle du
quotidien qui façonne la complicité des personnages par un habile
travaille sur le montage et le mouvement. Peter Chan pour amorcer la
romance fige le duo dans une énième situation de galère (un job
laborieux un soir de nouvel an) et use des même outils narratifs mais
dans une volonté plus immédiate. L'urgence s'estompe sous la monotonie
de ce nouvel an pluvieux et les confidences peuvent se faire (Maggie
Cheung avouant enfin être chinoise et venir de Guangzhou). Le
rapprochement intime se fait également par cet art du montage et du
fondu poétique, d'abord par ces confidences (le jeu sur le temps qui
passe dans les ellipses sur les postures figés des personnages) puis
celui plus physique avec cette magnifique scène où une scène de
séparation débouche sur une proximité sensuelle en diable. Li Xiao-Jun
voulant couvrir Qiao Li avant qu'elle sorte sous la pluie l'habille
d'une veste, puis de deux, les corps, puis les visages se rapprochent,
avant de céder au désir galopant.
La romance ne peut totalement
s'accomplir cependant à cause de protagonistes qui regarde encore trop
derrière (Li Xiao-Jun et sa fiancée) ou devant (Qiao Li et ses rêves de
richesse) eux. Ils symbolisent à eux deux le drame de l'exilé qui vit
dans le souvenir de ce qu'il a laissé et le profond désir de réussite
justifiant son départ. Le fossé va ainsi se creuser dans une intrigue
qui va progressivement se faire plus ample et jouer sur des codes plus
classiques du mélodrame. Les idées formelles et narratives de Peter Chan
transcendent pourtant la deuxième partie plus classique du film. La
nostalgie des premiers temps difficiles est ainsi le ciment de l'amour
entre Li Xiao-Jun et Quiali, même quand il seront éloignés humainement
comme géographiquement.
Lors du fameux soir de nouvel an, le couple
vendait des disques de Teresa Teng, chanteuse chinoise immensément
populaire qui réchauffe le cœur de la diaspora chinoise à Hong Kong et à
travers le monde. L'artiste est ainsi un fil rouge (le titre original du film est d'ailleurs celui d'une de ses chansons) parfois
physique mais surtout musical qui constituera à chaque fois des
retrouvailles amoureuses poignantes. Le film lui est d'ailleurs dédié
puisqu'elle décèdera prématurément en 1995, un an avant la sortie en
salle. Peter Chan travaille donc constamment en alternance un lyrisme de
l'instant sur la montée du sentiment et l'assouvissement du désir (la
magnifique scène en voiture en la connexion semble brisée entre les
amants et se ravive par une maladresse, les retrouvailles dans l'ancien
logis miteux) et une fatalité qui dessine un espace plus vaste, un décor
qui écrase les personnages. Toute la répétitivité visuelle joue sur le
premier point quand les plans et compositions plus inattendues (Maggie
Cheung seule au monde en plongée au milieu de Madison Square)
travaillent le second.
L'interprétation est au diapason. On a beau fantasmer en occident la Maggie Cheung papier glacée de In the Mood for love
(2000), elle n'est jamais plus poignante que dans le registre plus
naturel, gouailleur et authentique de la girl next door hongkongaise
(Tsui Hark l'avait perçu dans L'Auberge du Dragon (1992) voire Green Snake (1993) où elle est bien délurée, Wong Kar Wai aussi dans As tear go by et Nos années sauvages (1990)).
Elle offre donc une prestation magnifique ici, vulnérable, intense et
superbement mise en valeur par les gros plans de Peter Chan scrutant
chacune de ses nuances. Leon Wai n'est pas en reste et on retiendra
aussi un étonnant Eric Tsang en petit ami gangster. Une belle réussite
qui sera un temps invisible, puisque (au vu de la toile de fond) le
gouvernement chinois interdira un temps son exploitation après la
rétrocession avec une ressortie en 2013.
Sorti en blu ray et dvd hongkongais doté de sous-titres anglais
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