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vendredi 25 août 2023

Dream Lovers - Mung chung yan, Tony Au (1986)


 Deux amants tragiques d'un passé lointain, se rencontrent de nouveau à l'époque contemporaine.

Les amours tragiques entre passé et présent teintée de réincarnation sont un thème récurrent du mélodrame hongkongais des années 80. On trouve dans cette veine sur une période rapprochée plusieurs adaptations des romans de Lilian Lee dont le célèbre Rouge de Stanley Kwan, The Reincarnation of Golden Lotus de Clara Law (1989) ou encore The Terracota Warrior de Ching Siu-tung (1989). Le film de Ching Siu-tung justement participe en plus à une fascination et un imaginaire stimulé par la découverte archéologique majeure que fut en Chine l'Armée de terre cuite en 1974. Ces statues datant de de la fin du IIIe siècle av. J.-C. et où figuraient des soldats comme des civils suscitaient par leur nombre, taille et allure un mystère propre à alimenter la fiction. Si Terracota Warrior est le plus connu des films à utiliser cette figure, Dream Lovers est le premier à le faire.

Par ce côté précurseur, Dream Lovers se déleste des "clichés" des autres films de réincarnation de l'époque. D'habitude, on a une introduction du récit dans le passé montrant le drame amoureux initial (et prétexte à l'opulence du film en costume) pour ensuite basculer dans le présent avec des retrouvailles et un jeu de redite avec ce passé. C'est l'inverse ici lorsque Song Yu (Chow Yun-Fat) et Yuet-Heung (Lin Ching Hsia) sont dans à l'époque contemporaine assaillis dans leur rêve de visions romantiques et sensuelles où ils sont amants. Troublés chacun de leur côté par ces "souvenirs" palpables, ils vont se rencontrer par hasard alors que cette expérience les incite justement à visiter au même moment une exposition de l'armée en terre cuite. Tony Au parvient à instaurer une atmosphère mystique et sensuelle renforcée par son couple de stars particulièrement habité, excellant à exprimer la surprise et l'irrépressible attrait qui les lie. Le premier face à face est assez frappant à ce titre, la gêne, l'étonnement mais l'impossibilité de se soustraire à cette attirance se jouant dans une pantomime où ils s'observent, se fuient puis se rejoignent en pleine rue.

La construction est similaire lorsqu’ils vont coucher ensemble, l'intimité est immédiate mais le recul et la gêne de céder si vite l'un à l'autre les ralentis brièvement avant qu'ils ne se laissent aller à une étreinte torride. L'imagerie diaphane et cotonneuse de la photo de Bill Wong soulignée par la magnifique bande-originale de Wing-Fai Law (soulignant bien le romantisme et la dimension funeste de l'histoire) contribuent à poser une ambiance étrange où les rêves du passé se confondent à la réalité du présent. L'artificialité et la stylisation des scènes de rêves s'entremêle à la beauté plus naturelle des décors du présent. Song Yu et Yuet-Heung partagent les bribes des images de songes dont ils se souviennent pour reconstituer les raisons de leur tragique séparation deux mille ans auparavant, Tony Au jouant la confusion dans son montage où une réplique du présent trouve sa réponse en flashback et inversement, les niveaux rêvés et réels coexistant comme une chose naturelle par la force des sentiments du couple. Le contexte hongkongais féru de ces questionnements bouddhiques autour de la réincarnation et la destinée aide grandement à l'acceptation des personnages de cette expérience (la rencontre avec la grand-mère extralucide), cette part de leur culture s'opposant à une éducation que l'on devine à occidentale. 

Le film fait ainsi montre d'une grande intensité dramatique reposant sur quelque chose d'impalpable. On comprendra peu à peu que dans le passé, le contexte politique a joué dans leur funeste séparation. Dans le présent, ce seront les conséquences de leurs retrouvailles avec le très beau personnage de Wah-Lei (Cher Yeung), la fiancée éconduite qui ne peut se résoudre à accepter la rupture pour un motif si intangible (la très belle réplique "2000 ans ou 8 ans de relation, cela reste de l'amour") et l'actrice exprime avec force ce désespoir. On a donc là un grand mélo à la tonalité feutrée, porté par un Chow-Yun Fat merveilleux de vulnérabilité et une Ling Ching Hsia délestée de sa persona androgyne et ici tout en lâcher-prise poignant - la magnifique scène de funérailles et de sacrifice dans le passé. A signaler que Stanley Kwan fut assistant réalisateur sur ce film qui l'a sans doute influencé pour Rouge qui lancera magistralement sa carrière de réalisateur l'année suivante.


 Sorti en bluray hongkongais doté de sous-titres anglais

 

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