La Chine, il y a 3000
ans, sous la dynastie des Qin. L'Empereur demande à un bataillon de chimistes
de lui trouver la formule de l'immortalité. Parallèlement, deux amants sont
condamnés à mort. En 1930, leur histoire va ressurgir à nouveau...
Terracota Warrior
marque une étape de plus dans la grande entreprise de refonte de la mythologie
et culture chinoise par Tsui Hark ici producteur. Avec son acolyte du fameux Histoire de fantômes chinois (1989),
Ching Siu-Tung, il s’attaque ici à un vestige du patrimoine artistique chinois
avec les guerriers de terre cuite. Ensevelis
avec le tombeau de l'empereur Qin Shi Huangdi et redécouverts en 1974, les
guerriers de terre cuite sont baignés d’une aura légendaire sur laquelle surfe
Tsui Hark par un récit romanesque jouant sur le temps. Si le film est cependant
passé à la postérité, c’est par son casting qui officialise le couple
emblématique du cinéma chinois, Gong Li et Zhang Yimou dans une de ses rares
prestations d’acteur (du moins en premier rôle puisqu’il a pu avoir des interprétations
plus furtives dans ses propres films). Tous deux avait déjà tournés ensemble le
multi récompensé Le Sorgho rouge (1987),
première réalisation de Zhang Yimou et premier rôle cinéma de Gong Li. Les deux
formeraient bientôt un couple à la ville qui les emmènerait vers d’autres grands succès publics et critiques
comme Épouses et Concubines (1990), Qiu Ju, une femme chinoise (1992) ou
encore Vivre ! (1994).
Il y a deux films assez schizophrènes contenus dans Terracota Warrior. Le premier est le
plus réussi avec dans un premier temps une magnifique romance en costume. Fong
Tian (Zhang Yimou) est un officier dévoué à l’Empereur Qin (Luk Suk-bung) pour
lequel il supervise la construction du fastueux tombeau et dont il assure la
protection. La quête d’immortalité de l’Empereur l’amène à une folie où il
convoque magie et alchimiste pour se maintenir au pouvoir, et la soumission de Fong
Tian est mise à mal par la tyrannie de son souverain bien qu’il ne dévie jamais
de ses ordres discutables. La remise en question viendra par l’amour lorsqu’il rencontrera Tong Yi
(Gong Li) jeune femme destinée à être sacrifiée à cette quête d’immortalité.
Cette première partie est une merveille poétique et romanesque où l’on ressent
formellement la maîtrise et les moyens que peut désormais déployer le cinéma de
Hong Kong à cet âge d’or de la fin des 80’s.
Décors impressionnants, costume
fastueux et le tout dans un écrin façonné par la crème des techniciens de Hong
Kong notamment la superbe photo de Peter Pau. Les idées formelles romantiques
sont légions, que ce soit cette ritournelle musicale sur des rebords de bol
accompagnant l’entraînement de Fong Tian, une étreinte dont le plaisir se
confond en fondu enchaîné avec le bouillonnement d’un chaudron d’alchimiste et
la magnifique séparation du couple sur fond de flammes. La musique de James
Wong (auteur de tant de merveilles pour Tsui Hark) élève l’ensemble tandis que
sobriété intense de Zhang Yimou et la beauté immaculée de Gong Li (elle a
rarement été plus belle que dans ce film) apporte la force émotionnelle
attendue au mélodrame.
Une cruelle malédiction condamne ainsi Fong Tian à n’être qu’un
guerrier de terre cuite figé jusqu’à son réveil inattendu 3000 ans plus tard
durant les années 30. Il y fait la rencontre de Lili Chu, sosie et
réincarnation de son aimée mais dont la mentalité en est bien éloignée. Lili
Chu est une actrice de second plan ambitieuse et superficielle qui n’aspire qu’à
être star. En mettant à jour le complot du séduisant Fei Bai-yun (Yu Rongguang),
Lili Chu va s’exposer à un danger dont seul son amant du fond des siècles
pourra la sortir. Le second film contenu dans Terracota Warrior est donc une comédie jouant sur le décalage
temporel d’une rare lourdeur dans les gags et le jeu outrancier de Gong Li
(plus convaincante dans la présence éthérée que le jeu outrancier,
contrairement à une Maggie Cheung parfaite dans les deux registres) mais sauvé
par des séquences très spectaculaires tel ce crash d’avion dans le tombeau de l’Empereur.
Heureusement l’émotion peut refaire surface dès que l’hystérie s’atténue,
notamment lorsque le décalage temporel ne repose plus que sur la solitude et le
dépit de Fong Tian face à cette inconnue qui a les traits de la femme qu’il
aima jadis. Le parallèle entre la quête le pouvoir impérial brutal passé et
celui capitaliste et tout aussi violent du présent représenté par Fei Bai-yun
est bien vu malgré l’interprétation sans finesse de Yu Rongguang. Les situations forment également une vraie ligne temporelle
pour faire renaître les sentiments. Lili Chu confrontée au monde impitoyable du
cinéma voit finalement Fong Tian comme son seul vrai et désintéressé protecteur
et va enfin pouvoir l’aimer.
De même 3000 ans plus tôt ce dernier avait défié l’Empereur
par amour pour sa précédente incarnation et tout ce rejoue, la passion
inconditionnelle comme sa suspension à travers le temps. Le final décline une autre
grande influence de Tsui Hark à savoir Steven Spielberg et on pense fortement
aux Indiana Jones avec l’éblouissant climax dans un tombeau truffé de pièges. L’éveil
des guerriers de terre cuite face aux mercenaires est un grand moment épique où
Ching Siu-Tung déploie toute l’efficacité qu’on lui connaît. La belle fin
ouverte achève le voyage en beauté, bien aidé par l’alchimie naturelle entre Yimou
et sa muse.
Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo
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