Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 24 novembre 2024

Opération San Gennaro - Operazione San Gennaro, Dino Risi (1966)


 Trois gangsters et escrocs américains, Jack, Maggie et Franck, arrivent à Naples avec la ferme intention de dévaliser la cathédrale afin de voler le trésor de San Gennaro, patron de la ville. Pour réussir leur coup ils doivent évidemment compter sur la complicité d’un habitant connaissant bien les lieux, c’est pourquoi ils demandent de l'aide à Don Vincenzo, vieux truand napolitain, surnommé "le phénomène". Celui-ci leur recommande de travailler avec son protégé Dudu.

En 1958 Mario Monicelli en réalisant Le Pigeon marque l'avènement de la comédie italienne. Le film endosse le contexte économique rugueux du néoréalisme italien avec la méchanceté et la drôlerie de la grande comédie italienne à venir, dans un film de casse décalé dont l'issue est forcément vouée à l'échec. Le Pigeon voyait son casse tourner court par la maladresse et la poisse de ses exécutants, mais surtout par la fatalité sinistre associée à cette arrière-plan néoréaliste. Dino Risi signe une sorte de pendant de Le Pigeon avec Opération San Gennaro, film dont les ressorts et le ton se conjugue aussi avec l'Italie d'alors. Le pays a depuis connu le boom économique et c'est dans l'euphorie ensoleillée des sixties que baigne le film, un esprit que Risi a déjà capturé dans Play-Boy Party (1965). Cette fois Risi dresse un pont entre l'Italie touristique du néoréalisme rose et les voleurs pieds nickelés de Le Pigeon, le choix de la ville de Naples devant servir de contraste pittoresque pour les personnages américains.

Comme un symbole c'est l'acteur comique Totò qui va relier les univers du film de casse anglo-saxon et la comédie italienne, en étant l'intermédiaire entre les voleurs chevronnés Jack (Harry Guardino) et Maggie (Senta Berger) et le local Dudu (Nino Manfredi). L'hilarante scène de Toto en prison donne le ton du relâchement napolitain et par la suite tout le film marque le schisme entre le professionnalisme américain et l'amateurisme italien. D'un côté les plans millimétrés, le timing serré, les tâches rigoureusement assignées et de l'autre le dilettantisme, la nonchalance et la distraction. Risi inscrit cette excentricité toute méridionale dans la mise en scène et le décorum lorsque Dudu déambule en ville avec Maggie, la moindre interaction avec ce cadre étant prétexte à une magouille discrète, à l'apparition de trognes napolitaine inénarrable. Le choix des acolytes locaux est dans cette lignée avec des protagonistes loufoques semblant échappés de bd (le Capitaine décalque du Haddock de Tintin). La première tentative de casse souffre donc de cet art du détour, de cette langueur latine lorsque le plan est avorté par un piège en forme de mariage qui se traîne. L'incompétence des Italiens semblent même contagieuse avec la mort d'un américain ayant mangé des moules avariées.

Peu à peu cette opposition moqueuse semble s'inscrire dans un mépris et une condescendance des Américains pour les Italiens. Senta Berger déploie ses charmes affolants pour dissiper les scrupules pieux de Nino Manfredi, soudain anxieux à l'idée de dérober un trésor local. Pourtant lors de la seconde tentative de casse, les obstacles sont désormais franchis grâce à la souplesse du plan, le sens de l'improvisation et la connaissance du terrain (le choix d'opérer durant un concours de chant télévisé prisé localement) des Italiens. Si les Américains ont la méthode et la rigueur, les Italiens sont capables d'arriver au même résultat et au-delà par l'astuce, Risi multipliant à l'inverse cette fois les gags où la technologie, la stratégie rigide faillit chez les Américains incapables de répondre à l'imprévu (Senta Berger perdant une carte car effrayée par un rat). 

Nino Manfredi est irrésistible dans ce registre et voit systématiquement ses initiatives échouer quand elles sont dans l'anticipation plutôt que l'improvisation comme l'hilarant piège routier qui va rater. La cartoonesque course-poursuite finale entre les ruelles encombrées de Naples et le tumulte d'un aéroport sublime cet argument dans une énergie et une folie de tous les instants, Risi renversant de nouveau des scènes initialement à l'avantage du calcul anglo-saxon - le camouflage de nonne de Senta Berger bien moins efficace cette fois-ci.

Le côté pieds-nickelés demeure certes à travers un ultime rebondissement, mais non sans avoir fièrement célébré une "italianité" fait de débrouille et de spontanéité. Une humanité en somme, bien plus attachante même dans l'échec que la réussite froide capitaliste et anglo-saxonne. 

 Inédit en dvd français vu à la Cinémathèque française

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