Profitant de leur passage dans la petite ville
provinciale de Bridgeville dans le Kansas, la veille du 4 juillet,
Malcolm et deux de ses amis parachutistes d'exhibition de la Gypsy Moths
rendent visite à sa tante et son oncle. Elizabeth se sent immédiatement
et irrémédiablement attirée par Mike malgré le cynisme de ce dernier
qui semble poursuivre une quête existentielle vers la mort.
Durant les années 60, John Frankenheimer avait signé une sorte de trilogie paranoïaque avec Un crime dans la tête (1962), Sept jours en mai (1964) et L’Opération Diabolique
(1967). L’ombre de la Guerre froide, l’assassinat de JFK et la peur du
putsch militaire planait sur les deux premiers films, tandis que L’Opération Diabolique prenait un tour plus existentiel sous ses motifs de thriller, questionnant la vacuité de l’American Way of life. C’est ce sillon que semble creuser de nouveau Les Parachutistes arrivent,
la chronique prenant cependant le pas sur le suspense. Au départ il y a
un roman de James Drought publié en 1955, sur lequel un Kirk Douglas
intéressé va poser une option en 1966. Il en perd les droits lors de la
rupture avec son partenaire de production Edward Lewis, ce dernier
poursuivant le projet avec John Frankenheimer qui était le premier
réalisateur envisagé.
Les autres protagonistes ont droit à un traitement passionnant également. Il faut toute la finesse de jeu de Gene Hackman pour deviner les espoirs déçus de Browdy, lui aussi en quête impossible d’une épaule sur laquelle poser sa tête mais condamné par son attitude fanfaronne et sa vie d’erranc à des interactions superficielles – le bel instant de confidences avortées avec son coup d’un soir. Scott Wilson est marqué par un drame d’enfance et un sentiment d’abandon (dont les raisons se révèleront) qui font du groupe formé avec ses acolytes une sorte de famille de substitution. La prestation toute en retenue de Wilson fait mouche, et rend d’autant plus intense les instants durant lesquels son tempérament prudent vacille. Frankenheimer capture parfaitement l’atmosphère de cette Amérique profonde, son vernis sage se confrontant à la révolution sexuelle avec les ruelles sages du jour laissant place aux néons du club de strip-tease local la nuit venue. Cette dualité existe aussi chez les habitants, telles les membres du club d’Elizabeth toutes émoustillées par la présence virile de Burt Lancaster durant sa présentation. La pulsion de mort et de vie des sauteurs se mue en pulsion morbide chez les spectateurs des spectacles, émerveillé autant qu’avide de l’odeur du sang en cas d’incident, les nombreux contrechamps de foules yeux rivés ne laissant aucun doute. Frankenheimer a eu tout le sentiment d’observer ce sentiment en réalisant Grand Prix (1966) film consacré à la Formule 1.
Les scènes de sauts en parachute sont particulièrement novatrices et spectaculaire. Le filme démocratise les pratiques du base-jump et du skydiving, dans des séquences aériennes filmées en 35 mm avec des caméras accrochées aux casques des cascadeurs. Une demi-douzaine de spécialistes se partagent les sauts, entre les filmeurs et les doublures, tandis que l’expérience de Frankenheimer sur Grand Prix permet d’insérer de manière crédible et fluide des plans de coupe sur le visage des acteurs.Après une première heure introspective, les quarante dernières minutes enchaînent les séquences de sauts spectaculaires et ludique, presque avec monotonie et détachement afin de mieux nous cueillir lorsque l’impensable se produit. Une nouvelle fois la question de ce qui nous attends au sol se pose, et la raison de freiner la descente ou de la laisser s’amorcer sans retenue. Dans les deux situations clés mettant ce doute en jeu, l’issue dépendra à chaque fois d’une sensation du présent, d’une espérance de futur, et la survie comme la mort ne tient qu’à un réflexe presque machinal. Un grand film qui sera pourtant un gros échec commercial, mais que Frankenheimer tenait pour sa plus grande réussite.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner
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