La première moitié des années 70 n’aura pas été facile pour Blake Edwards dont la carrière connu un certain frein, plus commercial que artistique. La comédie musicale Darling Lili (1970), premier film tourné avec son épouse Julie Andrews rencontre un échec cuisant. Ensuite il se voit dépossédé de son western Deux Hommes dans l’ouest (1971) remonté par le studio et The Tamarind Seed (1973), formidable film d’espionnage romantique n’a guère de retentissement. Il est donc contraint de reprendre la série des Panthère Rose avec Le Retour de la Panthère Rose (1975) dont le succès massif et inattendu le remet définitivement en selle. Blake Edwards se doit pourtant de prouver qu’il est de nouveau capable de rencontrer le succès dans un registre différent Il y parviendra avec ce 10 où il se réinvente dans la comédie adulte et douce-amère dont il tirera lot de grande réussites dans ces films suivant.
Elle est donc le récit loufoque et mélancolique de la crise de la quarantaine de George Webber (Dudley Moore) compositeur à succès qui a tout pour être heureux s’il n’était rattrapé par l’angoisse de sa vieillesse. Blake Edwards déjà âgé de 57 ans lorsqu’il tourne le film (et sans doute passé par ce type de phase) saisit à merveille les tourments de cet homme qui atteint l’âge mûr en rendant précisément son malaise insaisissable. L’ambiance dépressive est diffuse et sans réel motif si ce n’est les plus futiles et donc indispensables : savoir qu’on peut toujours plaire aux jeune femmes dont on sera bientôt un prétendant trop âgé.
Ce constat se rappelle au bon souvenir de notre héros de manière hilarante grâce à un running gag tordant où il observe au télescope les orgies dantesque de son voisin entourée d’actrices pornos, au grand désespoir de sa petite amie (Julie Andrews parfaite comme toujours), le scénario multipliant les astuces pour appuyer leur communication défectueuse.Le titre original du film participe de cette puérilité de son personnage principal puisque le 10 correspond à l’échelle de notation masculine sur des attributs du sexe opposé.
Celle qui va mériter cette note maximale, c’est la sculpturale Bo Derek (pour son premier rôle à l’écran) dont la beauté irréelle va matérialiser tous les fantasmes et la frustration de Dudley Moore.Le fantasme dont la réalisation s’avère plus frustrante que sa perspective est un des grands thèmes de réalisateurs qui ont influencés Edwards comme Wilder avec son Sept ans de réflexion, Preston Sturges avec Infidèlement Votre (la scène d'amour sur le Boléro de Ravel évoque pas mal le film de Sturges) ou le plus proche et bien nommé Fantasmes de Stanley Donen.
Edwards donne sa vision avec l’avantage de ne plus être entravé par la censure (10 inaugure les productions disposant d’un montage cinéma et d’un autre aseptisé pour la tv). La part du songe est donc primordial ici puisque Bo Derek entraperçue en début de film ne réapparaît pas avant la deuxième heure. Lorsqu’on là revoit le terme femme objet n’est guère usurpé tant sa fonction n’est que de nourrir le désir de Dudley Moore, elle n’a que très peu de dialogues et ses courbes parfaites filmée sous toutes les coutures par Edwards évoquent finalement une esthétique publicitaire.
Le réalisateur nous prépare ainsi progressivement au message final lorsque sur le point de toucher au but George constate alors la vacuité de sa quête. Le tout a été amené avec une telle finesse que l’on ne peut y voir un jugement moral (contrairement au récent Bon à tirer des frères Farrely qui rataient complètement le coche sur une thématique similaire) mais seulement son héros arrivé à maturité. Celle qu’il cherchait, il l’a toujours eue sous les yeux et fera tout pour la reconquérir.
Dudley Moore, tour à tour pathétique, obsédé ridicule et surtout diablement touchant offre une de ses plus belles performances dans cette incarnation de l’imperfection masculine. A l’inverse Bo Derek (plutôt convaincante ici) ne dépassera jamais cette image de sex symbol et ne retrouvera pas de metteur en scène sachant l’utiliser autrement que pour sa plastique. Une des meilleurs films de Blake Edwards.
Edition épuisée en dvd zone 2 français donc se pencher vers le zone 2 anglais ou le zone 1 Warner tous deux doté de sous-titres français. Sinon le film est aussi disponible depuis peu en bluray et pour les parisiens il sera bientôt possible de le découvrir en salle puisqu'une intégrale Blake Edwards commencera fin aout à la Cinémathèque.
le film le plus drole de black edwards.....jamais cité .....jamais programé ..........
RépondreSupprimer