Sherman McCoy, crème de la haute finance new-yorkaise, voit sa vie prendre un monumental tournant lorsque sa maîtresse renverse avec sa voiture un jeune homme de couleur. Il devient alors la proie des journalistes qui enflamment l'opinion publique, en particulier d'un journaliste sur le déclin qui a bien besoin de briller à nouveau.
Si la plupart des films de Brian De Palma, même les meilleurs ont connus des réceptions critiques comme publiques compliquées, Le Bûcher des Vanités demeure son plus gros fiasco à ce jour tant tout était réunis pour constituer un classique et un grand succès populaire. A l’origine il y a le premier roman culte de Tom Wolfe, satire féroce (et visionnaire par rapport à une actualité récente) et subtile dont l’intrigue entremêlait quelques grands maux de la société américaine : arrivisme, le communautarisme, pouvoir des médias...
On y découvrait les mésaventures de Sherman McCoy, ponte de la finance plongé dans la tourmente après que sa voiture (conduite par sa maîtresse) ait accidentellement renversé un jeune noir. Il allait alors se trouver au centre d’une foire médiatique où le fait divers allait permettre aux médias en quête de récit à sensation et membres de la communauté noire radicaux en quête d’exposition de se mettre en avant tandis que son univers s’écroulait. Féroce, cruel et terriblement cynique, Tom Wolfe dressait un portrait peu reluisant de ses concitoyens, quelques soit leur milieu, tous entièrement asservi au profit et à la notoriété quelles qu’en soient les conséquences.
De Palma dans son adaptation ne pêche pas par une infidélité à l’intrigue du livre, mais par une tonalité totalement inappropriée. La satire du livre laisse donc place à une farce grotesque qui surligne à gros trait et passe à côté de tous les grands thèmes du livre. De Palma en tirant l’ensemble vers l’immense pantalonnade rigolarde passe complètement à côté du propos de Tom Wolfe. Le casting et l’interprétation catastrophique illustre ainsi le désastre. Tom Hanks (qui plus tard saura camper des personnages plus trouble) encore tendre et à l’allure trop sympathique ne convainc pas pour camper l'arrogant Sherman Mcoy dont l’empathie naît de la déchéance progressive et injuste qu’il subit.
Là le personnage fait preuve d’une bonhomie incitant à la bienveillance d’emblée. Bruce Willis s'en sort un peu près mais est trop propre sur lui pour être l'épave alcoolique Peter Fallow (journaliste au bout du rouleau qui saura démêler le vrai du faux) et les autres personnages du livre comme le révérend Bacon, subissent un traitement honteux car De Palma tire volontairement leur performance vers le cabotinage outrancier. Un immense miscast dont n’émerge que Mélanie Griffith (qui en fait pourtant des tonnes dans l'accent sudiste mais dans le ton de l'obsession des tics de langage de Tom Wolfe) avec le personnage pourtant le plus cliché en apparence, bombe sexuelle écervelée.
De plus De Palma détourne l'ambiguïté qui entoure le fait divers qui entraine le drame en en faisant une vraie agression (alors que c’est la manière dont chacun s’engouffre et interprète des actions entourés d’incertitudes qui fait le sel du récit) et la fin apocalyptique du livre est remplacée par un happy end où Morgan Freeman vient faire la leçon. Une des rares bonnes idées est d'avoir fait de Bruce Willis un narrateur ironique à la Georges Sanders dans All About Eve, pour le reste la virtuosité du réalisateur tourne à vide avec multitude de split screen inutile et de plans séquences n’apportant rien à la narration. L’esthétique très marquée début 90's assez hideuse n’aide pas non plus.
Il semble en fait que Brian De Palma soit très mal à l’aise avec un matériau littéraire imposant et qu’il peine à trouver le ton adéquat entre fidélité et apport personnel. Récemment son adaptation ratée du Dahlia Noir se fourvoyait dans les même travers : casting raté (le lecteur de James Ellroy en pleura à l’annonce de Josh Hartnett en héros et la ressemblance entre les deux femmes du récit pivot du livre tombe à l’eau avec le choix d’Hilary Swank et Mia Kirshner), orientation malvenue vers la farce… Le film sera logiquement un échec cuisant dont De Palma aura bien du mal à se remettre mais artistiquement (le somptueux L’Impasse) comme commercialement (Mission impossible) il effectuerait plus tard un retour remarqué.
Belle analyse . Très juste. Bravo.
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