Moro (Victor Tsoï)
revient à Alma Ata, sa bourgade kazakhe natale. Sans emploi ni domicile fixes,
il constate le climat de déperdition de la région. Il a maille à partir avec un
voyou local, Spartak (Alexandre Bachirov), à qui il réclame de l’argent dû. Il
y retrouve également Dina (Marina Smirnova), son ex-petite amie, désormais
morphinomane, sous l’emprise d’un dealer appelé le « Docteur » (Piotr Mamonov).
Moro prend la fuite avec elle vers le désert de la Mer d’Aral.
L’Aiguille est l’œuvre
culte par excellence de ce que l’on a appellé la Nouvelle Vague kazakhe à la
fin des années 80. Le mouvement trouve sa source dans l’initiative du cinéaste
russe de regrouper différents étudiants kazakhes au sein du VGIK de Moscou.
Parmi eux se distingue Rachid Nougmanov, passionné par la scène rock soviétique
de l’époque qu’il immortalisera dans le court-métrage Yahha. Il y mettra en lumière Victor Tsoï, véritable star
underground de cette scène musicale et, fasciné par son charisme lui promet de
lui donner un rôle à sa mesure dans un projet futur. L’occasion se présente
quelque temps plus tard lorsque le gouvernement kazakh commande un long-métrage
préventif contre les méfaits de la drogue. Rachid Nougmanov parvenu à être
embauché en tant que réalisateur va vampiriser le projet notamment par le choix
de Victor Tsoï dans le rôle principal.
L’Aiguille est
donc un objet singulier et tout à la gloire de la présence magnétique de Victor
Tsoï. Celui-ci interprète Moro, un jeune homme de retour dans sa ville natale.
Les retrouvailles se font difficiles entre son ami Spartak (Alexandre Bachirov)
dans l’incapacité de lui rembourser une dette, et son ancienne petite amie Dina
(Marina Smirnova) devenue junkie sous la coupe d’un infâme dealer. Nugmanov
fait de Victor Tsoï une figure de redresseur de tort indestructible et
fantasmé, surgissant du fond cadre dans une ruelle déserte pour disparaitre
selon un motif formel similaire dans la scène finale. C’est très clairement une
figure mystérieuse de western, sans passé si ce n’est le souvenir de ses
anciens acolytes et qui vient bousculer l’ordre établi. Ce n’est pas un hasard
si Nugmanov glisse un bref extrait du NewYork 1997 de John Carpenter (1981) passant à la télévision. Le réalisateur
s’inscrit dans une même démarche néo westernienne que Carpenter et entoure Moro
de la même aura taciturne et détachée face à leur environnement sinistre où ils
font figure de poil à gratter.
Nugmanov se distingue cependant par la patine profondément arty de son approche, sous influence de
l’approche distanciée d’un Jean-Luc Godard. La voix-off décalée, la bande-son
de new wave russe au texte impliquant où détachant le spectateur des évènements
apportent ainsi une dimension rêvée aux exploits limite improbables de Moro
comme ce combat sur fond de bruitage de films d’arts martiaux. Il est une
solution fantasmée au cadre sordide où il impose sa silhouette longiligne vêtu
d’un blouson noir. Ceux qui la refuse sombre dans la folie de leur condition
comme Spartak et ceux qui l’accepte y trouve une miraculeuse échappatoire avec
Mina.
La dernière scène appuie particulièrement cette idée et, comme dans tout grand
western classique, préfère imprimer le mythe en observant le poor lonesome cowboy kazakh s’éloigner
lentement. Le film sera un succès commercial inattendu au Kazakhstan et
contribuera à entretenir le culte d’un Victor Tsoï prématurément disparu dans
un accident de voiture l’année suivant la sortie. Une fascination qui se
poursuit d’ailleurs dans le magnifique Leto
de Kirill Serebrennikov sorti l’an dernier.
Sorti en dvd zone 2 français chez Badlands
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