Leo Macías est une
femme autrice de romans à l’eau de rose qui écrit sous le nom d'Amanda Gris.
Mais Leo n'arrive plus à décrire les bons sentiments et ses ouvrages sont de
plus en plus noirs. Pourquoi ? Parce que Paco, son mari, est parti en mission
militaire en Bosnie, et qu'elle voit son couple peu à peu se désagréger. Sa vie
va alors prendre un nouveau tournant.
La Fleur de mon secret
est une œuvre où Almodovar mêle hommage au female
pictures hollywoodien (soit ces grands mélodrames psychologique au féminin
portés par l’interprétation d’une Bette Davis, Joan Crawford et autres Barbara
Stanwyck dans les années 40) et des thématiques plus personnelles. Almodovar
cherche ici à capturer une forme de solitude et détresse féminine à travers le
postulat de ces grands mélodrames, mais revisités à l’aune d’un contexte social
contemporain. On pense notamment beaucoup à la sous-intrigue concernant Joan
Fontaine dans le Femmes de George
Cukor (1940) avec le personnage de Leo (Marisa Paredes), écrivain angoissé par
un époux absent et qui s’avérera être adultère. La détresse de Joan Fontaine
dans Femmes tenait à la fois de l’amour
encore vivace pour le mari volage, mais aussi d’une dimension sociale où
divorcer et devenir indépendante représentait alors un grand saut dans l’inconnu
pour une femme encore souvent réduite à la ménagère du foyer. D’ailleurs malgré
les audaces du scénario la conclusion voyait Joan Fontaine reconquérir son
homme et retourner au domicile conjugal.
Almodovar écarte tout cet aspect désormais désuet, et fait
reposer tous les maux de Leo sur sa seule fragilité psychologique. Sans Paco (Imanol
Arias), Leo est incomplète, vulnérable et sans identité propre ce qui se
répercute dans son statut d’écrivain incertain. Tout comme elle ne se résout
pas à quitter cet homme qui la fuit, elle n’assume pas son alter-ego star de la
littérature à l’eau de rose Amanda Gris. Almodovar dédouble ainsi les alias ou
le sort de ses manuscrits, parfois pour un exercice d’autoflagellation pour l’héroïne
(lorsqu’elle signe de pamphlet contre son alias dans une revue littéraire) ou
pour faire malgré elle le bien comme on le découvrira dans la conclusion.
Cette
solitude de la femme moderne, le réalisateur la rend universelle à travers un
film qui se veut un hommage à sa mère. Almodovar élevé avec ses sœurs par une
mère veuve ne pris conscience qu’à l’âge adulte du profond esseulement qu’elle put
alors ressentir, le manque de confident à qui se livrer. Ce sentiment se
manifesta d’une manière plus marquée dans sa vieillesse (car le cap d’élever sa
famille passé, la béquille psychologique à cette solitude a disparue)
et Almodovar l’illustre magnifiquement avec le personnage aussi attachant qu’à
fleur de peau de la mère de Leo (Chus Lampreave) et son agitation presque
enfantine.
Dès lors Almodovar s’appuie moins sur la densité
scénaristique, la provocation et l’esthétique agressive pour tisser un écrin
intimiste et réaliste à Marisa Paredes qui porte le film de bout en bout. Capricieuse,
inconséquente et imprévisible, elle est avant tout poignante dans ses failles.
Ce parti pris déleste cependant le film du dynamisme narratif habituel d’Almodovar,
suivre une dépressive étant moins palpitant que les trames romanesques improbables dont il est maître. Malgré ses longueurs et petites redondances, reste donc un opus
très touchant et cher à son réalisateur.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo
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