La forteresse de Colditz est une prison militaire réputée infranchissable. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont l'idée d'y transférer les rois de l'évasion de toutes les nationalités. Regrouper ainsi des récidivistes de l'évasion se révélera une idée plus dangereuse que lumineuse...
The Colditz Story est un récit s'inscrivant dans le courant du film de guerre anglais des années 50, période qui en contrepoint des films de propagandes produits durant le conflit, s'attache désormais à atténuer le message collectif pour s'attacher aux histoires individuelles. Un des films les plus fameux dans cette veine est L'évadé du camp 1 de Roy Ward Baker (1957), qui osait même adopter le point de vue allemand avec son héros roi de l'évasion incarné par Hardy Krueger. Il est également question d'évasion dans The Colditz Story, adaptation du roman éponyme de Pat Reid (publié en 1952), officier britannique qui y narrait son évasion de la redoutable prison militaire et destination finale des évadés multi récidivistes. Le scénario de Guy Hamilton, Ivan Foxwell et William Douglas-Home assume cependant dès son générique avoir grandement romancé les évènements. Sur le papier le film distille le programme attendu et largement vu dans ce type de film d'évasion en tant de guerre, notamment hollywoodien comme Stalag 17 de Billy Wilder (1953) ou plus tard La Grande évasion de John Sturges (1963).Le traitement va cependant détonner des habitudes et ce dès la scène d'ouverture ou Pat Reid (John Mills) et son ami Mac (Christopher Rhodes) sont transférés à Colditz. Après avoir été introduit dans leurs quartiers et liés connaissance avec leur compagnon d'infortunes britanniques, la porte de leur cellule est crochetée par des soldats polonais voisins dans une tonalité presque humoristique. C'est une manière d'esquisser la nature cosmopolite de la prison, d'exposer ses personnalités fantasques ayant déjà apprivoisé les lieux en vue de les quitter au plus vite, et de donner l'illusion que Colditz est une geôle dont on pourra s'évader facilement. Les quelques plans d'ensemble montrant les vues intimidantes de cette forteresse située sur les hauteurs d'une colline gelée suffisent à calmer les ardeurs, mais le film ne joue étonnamment pas sur la cinégénie et la topographie de ce fabuleux décor pour développer son suspense. C'est sur ce point que le film dénote du modèle hollywoodien et The Colditz Story préfigure davantage Le Caporal épinglé de Jean Renoir (1962) voire la série télévisée Papa Schultz dans son traitement. Le drame de la guerre n'y est pas traité en comédie (malgré des moments légers) mais le traitement de l'évasion y a quelque chose d'étonnamment trivial, et finalement plus réaliste.La première raison des échecs des tentatives d'évasion sera donc certes la rigueur de la surveillance de Colditz, mais surtout le manque de concertation entre les différentes nationalités de la prison. Ce ton léger et tendu s'exerce dans les deux premières scènes d'évasion où il y a d’abord interférence temporelle (l'échec d'une évasion française empêchant l'évasion anglaise en cours) puis topographique lorsque les tunnels creusés par les Anglais et les hollandais se croisent et s'effondrent, alertant les Allemands. On assiste donc à une étonnante coopérative de l'évasion, où toutes les nations en place se concertent et s'entraident dans leurs stratégies respectives. Certaines évasions relèvent du stratagème méticuleusement élaboré, et d'autres de la pure et folle improvisation selon les opportunités (ce qui annonce totalement le traitement de Le Caporal épinglé), la vraie tension se disputant à la surprise voire l'hilarité en passant d'un type d'escapade à l'autre. Le protagonistes anglais sont bien sûr les plus développés, avec notamment un excellent John Mills en "coordinateur des évasions", un flegmatique Eric Portman en chef charismatique, Christopher Rhodes en colosse soupe au lait, et quelques autres que l'on a davantage l'habitude de voir dans un registre comique comme Lionel Jeffries ou Ian Carmichael (habitué des rôles d'ahuri chez les frères Boulting). Si aucun personnage ne se détache chez les autres nations, Guy Hamilton les fait exister par le panache dont ils font preuve dans certaines séquences pour les français (l'évasion "acrobatique" totalement improbable d'un officier), du sens de l'honneur chez les polonais (le tribunal mis en œuvre pour juger une taupe) ou l'habileté stratégique des hollandais - une amusante concurrence sur la nation la plus efficace naissant même au sein du camp. Même les Allemands bénéficient d'un traitement subtil, s'incarnant comme des geôliers impitoyables certes, mais aussi des militaires effectuant simplement la tâche qui leur est assignée ce qui les différencient du pur sadisme nazi. C'est abordé sur un registre grave lorsqu'il s'agira d’exfiltrer le prisonnier polonais démasqué comme informateur (et subissant le chantage de la gestapo) ou dans un ton plus léger le commandant du camp (Frederick Valk) ne pouvant s'empêcher de lâcher un petit rire lorsqu’un de ses officiers subit la moquerie des Anglais.Le film jongle avec brio sur plusieurs registres et reste captivant de bout en bout, notamment dans le dilemme moral posé par l'ultime évasion dont la méthode simple et efficace dénote avec tous les plans complexes qui ont précédemment échoués. Une grande réussite qui sait offrir une proposition détonante dans le registre balisé du film de "camp de prisonniers". Le film sera un immense succès en Angleterre, se plaçant quatrième au box-office de 1955. Le livre bénéficiera d'une seconde adaptation sous forme de série télévisée dans les années 70 à la télévision anglaise.
Sorti en bluray anglais doté de sous-titres anglais chez Studio Canal, et disponible avec sous-titres français en streaming sur MyCanal
Vu.excellent film.
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