Hollywood, les hommes et moi, est un des témoignages les plus cru et juste sur l’envers du décor hollywoodiens. Il s’agit des confidences de Barbara Payton, starlette montante au début des années 50 et arrivée là à l’ultime stade de sa terrible déchéance. Fauchée, oubliée de tous et sa carrière d’actrice loin derrière elle à seulement 34 ans, elle se prostitue désormais pour quelques dollars dans un hôtel miteux. Un journaliste opportuniste va lui proposer de recueillir son parcours contre mille dollars, nous livrant ainsi un instantané cinglant et sans fard du sordide se dissimulant les strass.
L’ensemble du livre pourrait être résumé par le I’m not ashamed de son titre original, tant Barbara Payton s’y livre avec une sincérité où elle n’atténue pas ses failles tout en dénonçant la machine à broyer hollywoodienne. Barbara Payton se présente au départ comme une jeune provinciale ayant rêvée comme d’autres de caresser les rêves de célébrité en tant qu’actrice. Ce désir de lumière naît très tôt par un conditionnement de son environnement au sein duquel elle comprend dès l'enfance que son attrait physique peut lui ouvrir toutes les portes. C’est la cause de ses premiers errements connus (mariage, maternité et divorce précoce avant de gagner la cité des rêves) mais, à la différence d’autres stars sachant jouer le jeu du glamour de surface, Barbara Payton assume sa libido décomplexée, sa soif des hommes et (et des femmes) ses amours volatiles au grand jour. Elle nous apparaît comme un électron libre qui toute à sa défiance des mœurs, du machisme et de l’hypocrisie ambiante va s’aliéner sans immédiatement s’en rendre compte son accès aux étoiles.
Le langage cru nous dépeint un Hollywood de prédateurs dont elle connaît les règles et dont elle sait jouer sans s’avilir au début, la montrant maîtresse de ses multiples aventures. Mais Barbara Payton s’avère un être passionné qui en s’abandonnant à la moindre attirance soudaine, en risquant tout pour un élan amoureux irrépressible, ne « joue pas le jeu » des autres stars qui sous la provocation font de leur ambition égoïste le seul moteur de leurs agissements. On pourrait la comparer avec une Ava Gardner qui cependant sous un même tempérament indomptable était prête à sacrifier un mariage (Frank Sinatra dont elle avorta durant le tournage de Mogambo), une Marilyn Monroe prompte à se séparer d’un homme trop étouffant intellectuellement (Henry Miller) comme physiquement (Joe Di Maggio) et à défier un studio (la Fox), soit des femmes ne perdant jamais de vue leurs carrières malgré une nature fantasque. Barbara Payton se trompe souvent dans ses amours pour des hommes trop lâches, violents, égoïstes, mais elle comprendra trop tard que la chaleur de leurs corps et la fermeté de leur étreinte est pour elle une fin en soit davantage que sa carrière.
Elle ne s’en rendra compte que trop tard, alors que la gloire s’éloigne inexorablement. Délestée de son pouvoir de star, elle devient à son tour la proie des personnalités les moins scrupuleuses et bascule sans le savoir dans la prostitution. Les pages où elle dépeint le délitement de sa « valeur », par les cadeaux clinquants devenant une somme d’argent, puis la poignée de dollars d’une passe, sont absolument glaçantes. Il y a peu de noms cités pour éviter les procès, mais certains peuvent se devinant en recoupant sa filmographie. C’est un ouvrage qui parvient véritablement de faire entendre la voix de la femme qu’était Barbara Payton, bravache et vulnérable, indépendante et soumise, nymphomane et romantique. Elle incarne une somme de contradictions propres à nombre d’autres stars hollywoodiennes, mais elle n’a pas su ou voulu jouer le jeu des apparences pour simplement être elle-même et aller au bout de cette trajectoire explosive. Un choix qui ne lui sera pas pardonné, puisque comme le dit la préface de Dominique Forma, l’heure n’est pas encore à la célébration des icônes destroy qui s’assument. Barbara Payton décèdera quelques années après la publication de ces « mémoires », ruinées, enlaidie, alcoolique, surtout seule et abandonnée de ses anciens compagnons de jeu au sein du firmament hollywoodien.
Publié chez La Manufacture de livres
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire