Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

samedi 28 octobre 2023

Une Corde pour te pendre - Along the Great Divide, Raoul Walsh (1951)


 Le marshal Merrick (K. Douglas) et ses assistants (R. Teal & J. Agar) empêchent la pendaison sans procès d'un suspect, Keith (Walter Brennan), pour le meurtre du fils d'un rancher, Roden (M. Ankrum). Merrick décide d'emmener Keith pour qu'il soit jugé. Le rancher et son fils (J. Anderson) décident de les suivre pour venger le mort. Les officiers de justice passent chez Keith, où ils rencontrent sa fille (V. Mayo), avant de partir vers le juge le plus proche. Attaqués par la bande des Roden, ils décident de passer par le désert après avoir capturé le fils Roden.

Une corde pour te pendre marque pour Raoul Walsh la conclusion d’une trilogie de westerns « psychologiques » avec La Vallée de la peur (1947) et La Fille du désert (1949). Personnages torturés, atmosphères oppressantes et esthétique à la lisière du gothique font le sel de ces westerns atypiques. Une corde pour te pendre s’inscrit pleinement dans ce sillage, pervertissant un postulat que l’on imagine d’abord voisin de L’étrange incident de William A. Wellman (1943), une réflexion autour de l’auto-justice américaine et le lynchage. Il y a de cela néanmoins dans la droiture inflexible du marshal Merrick (Kirk Douglas) a sauver Keith (Walter Brennan) de la potence arbitraire d’un vacher assoiffé de vengeance pour l’amener vers un jugement respectant la loi. Ce que l’on prend pour de la rectitude inflexible relève pourtant d’un passé douloureux où, plus malléable avec cette notion de justice, il a perdu un être cher tragiquement.

Le périple pour amener l’accusé à bon port offre certes quelques morceaux de bravoures attendus lorsque le groupe sera traqué, mais ce sera avant tout un voyage intérieur où Merrick devra faire face à ses démons, à sa culpabilité enfouie. Keith lui rappelle ce parent disparu par un leitmotiv chanté, et Ann, la fille de ce dernier prête à tout pour le sauver renvoie à notre héros un reflet passé de lui-même. En effet dans son respect de la justice Merrick empêche Ann de réussir là où il a échoué autrefois. Les prémices classiques de course-poursuite et d’action (une haletante fusillade dans un canyon) laissent place à une pure tension psychologique où l’aridité du cadre de désert mets à nu les fêlures de chacun, révèle les sentiments, amènent les alliances à se faire et se défaire. Raoul Walsh travaille ce sentiment d’isolation dans ses plans d’ensemble où les silhouettes parcourent des grands espaces désolés, et la chaleur accablante semble être une matérialisation météorologique de quelque chose de plus insidieux et douloureux qui ronge les personnages.

C’est le premier western de Kirk Douglas qui confère à son héros le mélange de stoïcisme rigolard et de vulnérabilité qui magnifieront ses autres incursions dans le genre, notamment l’écorché vif de L’Homme qui n’a pas d’étoile de King Vidor (1955). Walsh excelle à exacerber cette facette dans la tournure presque onirique que prend l’atmosphère du film dans sa seconde partie. Le film évite cependant l’abstraction grâce à la bonhomie de Walter Brennan, second rôle truculent du western (chez Hawks, Ford, Anthony Mann…) et qui ici, tout en conservant cette caractérisation bénéficie d’un rôle plus fouillé et touchant de vieille canaille. Virginia Mayo déjà incandescente dans La Fille du désert est d’une grande justesse, une figure féminine rugueuse et à fleur de peau offrant un beau répondant à Douglas. Ce trio de protagonistes par ses sentiments amour/haine et leurs interactions qui oscillent entre tourments passés et présents impose un solide socle dramatique donnant chair à la dimension existentielle du récit, même si pas poussée aussi loin que dans La Vallée de la peur sur ce registre de tragédie.

La dernière partie et son retour à la civilisation avec séquence de tribunal perd un peu de l’intensité qui précède, notamment par son happy-end un peu expédié. Cela ne dénigre en rien les qualités plastiques et d’écriture d’Une corde pour te pendre qui demeure une proposition de western singulière, même si pas totalement aussi aboutie que les deux précédents de cette trilogie « psychanalytique ». 


 Sorti en dvd zone 2 français chez Warner et vu à la Cinémathèque dans le cadre de la rétro Raoul Walsh

 Extrait de la scène d'ouverture

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire