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lundi 2 octobre 2023

El Pico 2 - Eloy de la Iglesia (1984)


Paco, fils d'un commandant de la Garde civile, est impliqué dans le meurtre d'un couple de trafiquants d'héroïne à Bilbao. Lorsque la presse commence à s'intéresser à l'affaire, les efforts de son père pour l'éloigner de la drogue et cacher les preuves du crime se révèlent inutiles.

El Pico 2 est le quatrième film d’Eloy de la Iglesia s’inscrivant au sein de son cycle « quinqui » (après Navajeros (1980) et Colegas (1982) mais surtout la suite de son plus gros succès dans cette veine, El Pico (1983). Après la voyoucratie déchaînée de Navajeros et le dépit social de Colegas, de la Iglesia trouvait un nouvel angle d’observation original de la déshérence de la jeunesse espagnole avec cette longue fuite en avant junkie d’un fils de bonne famille. Cette suite s’avère avant tout opportuniste, multipliant les séquences chocs sensationnalistes dans un objectif plus prononcé de secouer le spectateur, à contrario de la subtilité du premier film.

Le récit embraye directement sur la fin du volet précédent où nous avions laissé Paco (José Luis Manzano) repris en main par son père (Fernando Guillén remplaçant José Manuel Cervino qui tenait le rôle dans le premier film) prêt à l’aider à sortir de son addiction. Notre héros tout en luttant pour se sevrer est rattrapé par ses actes du premier film, notamment l’expédition meurtrière chez un dealer où il fut incriminé avec son ami défunt Urko. D’un côté El Pico 2 tombe dans tous les travers du film d’exploitation avec un long pan de l’histoire se déroulant en prison où les clichés d’agression, bagarres et viols en cellule pullulent. 

Certains éléments vont d’ailleurs à contre-courant de la caractérisation de El Pico, et même des thématiques d’Eloy de la Iglesia. Le personnage transgenre en transition est exposé assez crûment et de façon assez clichée, ce qui étonne de la part d’un de la Iglesia gay dans le civil et qui a exploré cette différence dans plusieurs films (Cannibal Man (1972), Plaisir cachés (1976), El Sacerdote (1978), Le Député (1978)), sans parler d’un Paco bisexuel dans El Pico et coupable ici d’homophobie crasse. Ces excès ont le mérite de rendre le film riche en rebondissement et sans ennui, les éléments plus intéressants se dévoilant progressivement.

Dans El pico, la fonction de commandant de la garde civile du père de Paco représentait un fardeau social et moral écrasant – mis en parallèle avec le père d’Urko activiste de gauche. Cette fois le scénario montre que l’envers « respectable » dont s’était détourné Paco est non seulement vicié, mais en collusion avec son propre monde de junkie. Les plus hautes sphères de la garde civile s’associent aux pontes du crime afin de discréditer et corrompre dans l’œuf l’ETA, tandis que la presse est manipulée au besoin afin de servir une image attendue. Ainsi au premier abord le film durant les scènes de prison semble rejouer le cycle de sevrage, manque puis rechute de Paco dans l’héroïne déjà vue dans El Pico. Au-delà du destin du héros, la simple libre circulation et trafic de l’héroïne dans ce cadre carcéral va renvoyer à ce sentiment de corruption généralisé. L’autodestruction apparaît alors comme la seule voie possible pour Paco, la figure même de droiture de ce père devant se fourvoyer par l’intimidation de témoin afin de le sortir de prison.

Cette toile de fond est passionnante malgré les facilités mise en œuvre pour faire le liant narratif entre ces différents aspects. Eloy de la Iglesia ressert ainsi une facette de délinquance armée dans le dernier tiers du film qui est certes un passage obligé du quinqui, mais qui a bien peu de rapport avec le contexte et les personnages tels que développés précédemment – malgré cette tendance connue de la prison dont on ressort parfois pire que lorsqu’on y est entré. La dernière partie est des plus cathartique en hissant le drame familial vers la pure tragédie et le constat cinglant sur des institutions troquant l’autoritarisme du franquisme pour un terrible cynisme sous les apparences respectables. Plutôt qu’un destin de martyr, Paco devient en définitive l’illusion de ce qu’il fuyait, et une sorte de double de la victime de son premier forfait. Malgré ses nombreuses scories, El Pico 2 est une suite valant vraiment le détour grâce à son constat sans appel. 

Sorti en bluray chez Artus Films dans un coffret "quinqui" où l'on trouve aussi Colegas et le premier El Pico

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