Au moyen-âge, un jeune homme rêve de passer une nuit avec l'épouse d'un notaire qui n'arrive pas avoir d'enfant. Un conseiller de ce dernier, conscient des bénéfices monétaires qu'il peut tirer de la situation, le contact et met en place un stratagème pour se rapprocher de la belle en le faisant passer par un médecin.
La Mandragore est une comédie historique et grivoise qui permet à Alberto Lattuada d’exploiter ses thèmes sulfureux habituels. Il adapte ici la pièce éponyme de Machiavel jouée en 1526. Il s’agit là d’un récit entre manipulation et marivaudage fustigeant l’institution du mariage, de l’église et en partie la notion de patriarcat qui deviennent les complices plus où moins involontaires des travers qu’elles dénoncent. La scène d’ouverture où une malheureuse serveuse finit nue sous les assauts concupiscents des clients masculins d’une taverne montre un instantané du rapport au femme qu’entretiennent les hommes, ce sont des créatures désirées et destinées à la satisfaire séance tenante.
C’est dans cette perspective que le héros Callimaco (Philippe Leroy) s’embarque dans la séduction de l’inaccessible Lucrezia (Rosanna Schiaffino), l’épouse d’un notable dont on lui a vanté la beauté. Lattuada dans le fond et la forme alterne une approche plutôt respectueuse des mœurs de l’époque, avec une forme soignée dans une reconstitution reproduisant l’esthétique et l’atmosphère de paillardise reflétant l’idéologie d’alors. Une séquence où un prêtre fustige en public ses concitoyens pécheurs est cadrée avec un véritable souci pictural (qui peuvent évoquer le peintre Guercino) par le réalisateur, tout aussi apte à saisir cette fois dans un instantané de sensualité une séquence de bain dans les thermes. Cette dualité est perceptible dans la caractérisation du personnage de Lucrezia, madonne pieuse à la beauté cachée par un voile en public tandis que les cadrages aguicheurs la saisissent dans toute sa beauté charnelle mise à nue durant la scène de bain. Néanmoins ce moment précis est aussi une scène de voyeurisme où en cachette les hommes échappés de la section masculine viennent moyennant finances épier les femmes à leur insu. Lucrezia représente donc une féminité observée, dominée et possédée par les hommes.On le comprend dans le cadre de son mariage avec Nicia (Romolo Valli), son époux plus âgé qui attend essentiellement d’elle une descendance. Il en fait ainsi le jouet de tous les médecins et charlatans en tout genre lui faisant subir les traitements les plus farfelus et douloureux (autre prétexte à dévoiler toujours de manière subie la nudité de Lucrezia). C’est la brèche dans laquelle va s’engouffrer Callimaco en se faisant passer pour le savant possesseur du traitement miracle pour rendre enfin Lucrezia enceinte, la mandragore. Il est dommage que toute une mythologie et une superbe scène lorgnant sur le fantastique soient mit en place pour introduire la fameuse plante, pour ne rien en faire en définitive si ce n’est un macguffin et le prétexte au stratagème de séduction. Néanmoins et sans trop en dire, la drôlerie fonctionne à plein (bien aidé par le numéro de Jean-Claude Brialy et Toto dans une courte mais mémorable apparition) dans la mise en place du piège duquel le mari et l’église vont contribuer en poussant Lucrezia à l’adultère de « circonstances ». Corsetée par les dogmes religieux et moraux auxquels elle à l’habitude de se soumettre, c’est finalement elle la plus réticente à être jetée en pâture à un « géniteur ».Sans que l’on aille jusqu’à parler de féminisme au vu du subterfuge qui initie l’émancipation de Lucrezia, l’ironie veut que de la contrainte naisse une forme de l’éveil aux plaisirs des sens et rebatte les cartes. Rossana Schiaffino est parfaite pour passer par ses différents états qui l’amène à une lascivité espiègle où Lattuada magnifie sa beauté désormais émancipée de tout carcans. La scène finale est d’une ironie mordante avec la marche des institutions dominantes (l’église et le patriarcat représenté par le mari) cédant la place sans le savoir à la bagatelle (représentée par le séducteur devenu amant docile et amoureux) de nouveau dans une pure représentation picturale largement distanciée par Lattuada.
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